Mohammed Benhammou : « La plupart des Marocains qui reviennent du jihad avec l’EI disent avoir été dupés »

Pour l’universitaire Mohammed Benhammou, président du Centre marocain des études stratégiques et spécialiste du terrorisme et des questions de sécurité, les recrues de l’État islamique ont des motivations et des profils très différents.

Mohammed Benhammou, président du Centre marocain des études stratégiques (CMES) © CMES

Mohammed Benhammou, président du Centre marocain des études stratégiques (CMES) © CMES

ProfilAuteur_NadiaLamlili

Publié le 14 avril 2015 Lecture : 2 minutes.

Présent dans l’Est libyen, le Conseil de la Choura de la jeunesse islamiste a prêté allégeance à l’EI en octobre. © Stringer/Reuters
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Maghreb, les invasions barbares

Renforcé par le ralliement de jihadistes de la région jusqu’alors affiliés à Al-Qaïda, l’État islamique menace l’Afrique du Nord. Mais alors qu’en Libye, comme en Irak et en Syrie, le califat se nourrit du chaos et des conflits confessionnels, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et l’Égypte ne sont pas si vulnérables…

Sommaire

Jeune Afrique : Comment expliquer l’augmentation des démantèlements de cellules jihadistes au Maroc ?

Mohammed Benhammou : Depuis les attentats de Casablanca de 2003, le Maroc mène une politique préventive en matière de lutte contre le terrorisme. Ses services se sont adaptés à cette menace et se sont formés pour mieux comprendre le mode d’organisation des terroristes. De plus, depuis quatre ans, les atrocités commises par Bachar al-Assad contre son peuple ont eu un impact médiatique important et ont accéléré la migration de plus d’un millier de jeunes d’horizons divers vers l’État islamique (EI).

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Pourquoi l’EI séduit-il ces jeunes ?

Quand ils se sont soulevés au moment du Printemps arabe, les jeunes du Maghreb demandaient la dignité, la liberté et le pain. Mais leur rêve a été récupéré par d’autres [les islamistes] à cause de la mauvaise gestion des transitions politiques. Puis la guerre en Syrie a réveillé le sentiment d’injustice qui sommeillait en eux et l’organisation d’Abou Bakr al-Baghdadi leur a proposé de ressusciter leur combat avorté, en leur faisant miroiter un idéal de dignité pour les musulmans.

Peut-on dresser le portrait-robot de ces Marocains qui partent ?

Chaque profil est un cas à part mais ils sont tous en situation de vulnérabilité. Certains sont partis juste à titre humanitaire pour sauver les enfants syriens. D’autres ont été enrôlés par leurs amis ou leurs familles et, une fois sur place, chacun a rejoint une faction différente. Ils se sont donc retrouvés à s’entre-tuer alors que leur objectif commun était de combattre Bachar al-Assad. Et il y a ceux qui se voyaient en "Che Guevara", rêvant de révolutions et de kalachnikovs, et qui se sont retrouvés à éplucher les pommes de terre ou à servir de chair à canon. Globalement, on voit émerger une nouvelle génération de jihadistes, âgés de 20 à 34 ans, dont de plus en plus de femmes, mais qui reste encadrée par les anciennes générations de combattants.

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Connaît-on ceux qui reviennent ?

Sur les 1 355 Marocains partis faire le jihad, 156 sont revenus. Ils sont actuellement aux mains de la justice. La plupart se posent en victime et disent avoir été dupés.

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Pourquoi le Nord est-il la région du pays qui pourvoit le plus de jihadistes ?

Cette région, connue pour son conservatisme religieux et qui a été longtemps exclue du développement, était prédisposée. Et lorsqu’un jeune rejoint l’EI, on lui demande, comme gage de sincérité, de recruter cinq proches. Logiquement, il les coopte parmi les membres de sa région.

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