Chefs-d’uvre en péril

Sur le mont Ngaliema à Kinshasa se cache un véritable trésor appelé à disparaître. Au grand dam de l’Institut des musées nationaux.

Publié le 6 août 2007 Lecture : 3 minutes.

Le site est magnifique. Dans le nord-ouest de Kinshasa, non loin du quartier Kintambo, le mont Ngaliema surplombe la baie qui porte son nom. Au loin, le fleuve Congo étale des eaux tranquilles avant de se transformer en bouillantes cataractes. À l’époque précoloniale, c’était le fief du chef coutumier Ngaliema. Lieu de rencontres entre les populations du Nord et du Sud, Kintambo était un centre commercial actif où s’échangeaient les denrées agricoles. C’est ici qu’Européens et autochtones établirent leurs premiers contacts dans le pays. En août 1881, l’explorateur britannique Henry Morton Stanley, dépêché par le roi belge Léopold II, s’y installe, à la demande de Ngaliema. Depuis la baie, il remontera le fleuve Congo jusqu’à Kisangani, dans le nord du pays.
Après l’indépendance, en 1960, le mont Ngaliema devient le siège des administrations de la Ire et de la IIe République. Le général Mobutu, devenu président, y fait aménager un petit Versailles à la congolaise : jardin botanique et théâtre de verdure, où seront jouées de célèbres pièces dont Notre Sang, du dramaturge Mikanza Mobyem. Afin de préserver un patrimoine culturel et artistique, en partie pillé à l’indépendance, le chef de l’État crée, en 1970, l’Institut des musées nationaux du Congo (IMNC). Et installe le musée national de Kinshasa sur le site du mont Ngaliema. À la chute du régime de Mobutu, c’est de nouveau la grande razzia. « Des marchands peu scrupuleux venus de Brazzaville arrivaient en pirogue jusqu’à Ngaliema d’où ils repartaient, avec des caisses remplies d’uvres d’art », raconte un vieux Kinois. Un trafic qui durera jusqu’à ce qu’éclate la guerre, en août 1998.
Aujourd’hui, le mont Ngaliema est l’un des seuls parcs que compte encore la capitale. Peu de visites. Peu de bruit. Si ce n’est le gazouillement des oiseaux perchés sur les branches d’arbres centenaires. Quelques statues en pierre. Des bassins vides. Un charme désuet, qui rappelle vaguement le temps passé. En haut de la colline, des bâtiments, magnifiquement décorés de fresques colorées, uvres d’artistes congolais. Qui croirait que le site abrite un fabuleux trésor ? « Le musée Ngaliema compte plus de 45 000 uvres, collectées dans l’ensemble du pays, qui ont appartenu à des communautés villageoises. Il y a des masques, des statues, des instruments de musique et des objets issus de fouilles archéologiques. À quoi s’ajoutent huit cents heures d’enregistrement de contes, de proverbes et de musique », détaille Joseph Ibongo, directeur général de l’IMNC. Le tout stocké dans des entrepôts dont l’état ne cesse de se dégrader.
« Les uvres sont entassées sur des étagères. Beaucoup d’objets sont rongés par les insectes, d’autres sont détériorés, et les bandes magnétiques s’abîment sous l’effet de l’humidité. Nous n’avons pas assez de moyens financiers, humains et techniques pour assurer la conservation et la restauration de tous ces objets. Les infrastructures sont inappropriées et ne sont pas sécurisées. Un morceau d’un bas-relief en cuivre, qui ornait le monument colonial Albert Ier à la Gare centrale, a été volé. Pourtant, le mont Ngaliema est une concession présidentielle, située à deux pas de l’état-major de l’armée », se lamente Ibongo, pour qui la sauvegarde de ces chefs-d’uvre en péril est plus qu’urgente. « Ce sont des témoins de notre histoire et de notre identité. Il faut les sauvegarder. Sans eux, la RDC ne serait pas ce qu’elle est », martèle le directeur de l’IMNC.
Mais Ibongo ne baisse pas les bras. Son combat bénéficie du soutien de l’Unesco, du Centre international des civilisations bantoues (Ciciba), d’agences de coopération étrangères et d’opérateurs privés, dont Vodacom, la compagnie de téléphonie mobile, et la société belge Memmon, spécialisée dans l’archivage numérisé. Cette aide reste insuffisante malgré tout. Ibongo compte surtout sur l’expertise de l’École du patrimoine africain de Porto-Novo (Bénin), qui lui permettra d’élaborer un plan de développement des musées du Congo.

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