Béji Caïd Essebsi
Ancien ministre tunisien de l’Intérieur, de la Défense et des Affaires étrangères, et ancien président de la Chambre des députés.
Ce Tunisois issu d’une famille d’agriculteurs a été, successivement, sous Habib Bourguiba, directeur de l’Administration régionale, directeur général de la Sûreté nationale, ministre de l’Intérieur, ministre délégué auprès du Premier ministre, ministre de la Défense, ambassadeur à Paris, ministre des Affaires étrangères et, enfin, ambassadeur à Bonn. Sous Zine el-Abidine Ben Ali, il a présidé, pendant un an, la Chambre des députés (1990-1991). « J’ai toujours été un homme libre et indépendant », affirme-t-il. Après vingt-cinq ans passés au coeur du pouvoir ? Réponse : « Les responsabilités politiques que j’ai assumées étaient des parenthèses plus ou moins longues dans ma carrière d’avocat. » Quel bilan en fait-il ? « À la fin de mon dernier mandat de député, en 1994, j’ai eu le sentiment de ne pas avoir pu changer grand-chose au système politique. Mais j’ai quitté la scène politique sans regret. Et sans nostalgie. J’assume totalement tout ce que j’ai fait », assure-t-il.
Béji Caïd Essebsi me reçoit dans son cabinet de la rue Alain-Savary, à Tunis, qu’il partage avec son frère cadet, Slaheddine Caïd Essebsi, célèbre avocat d’affaires. À presque 80 ans, ce petit homme alerte, au verbe fort et au regard (vert) pétillant, me montre du doigt sa robe noire accrochée derrière son bureau : « En réalité, je n’ai jamais cessé d’exercer mon métier d’avocat. »
Père de deux garçons et de deux filles, qui sont respectivement commerçant, agriculteur, architecte et gérante de société, l’ancien chef de la diplomatie tunisienne continue de plaider, de temps à autre, devant la cour d’appel de Tunis. Mais seules les affaires d’arbitrage l’intéressent désormais.
Né le 29 novembre 1926 à Tunis, Caïd Essebsi est diplômé de la faculté de droit de Paris. Inscrit au barreau de Tunis en 1952, il commence sa carrière en plaidant dans des procès de militants du Néo-Destour, le parti nationaliste. Au lendemain de l’indépendance, en 1956, il rejoint le gouvernement comme conseiller de Bourguiba, devenu Premier ministre avant d’accéder à la tête de l’État après la proclamation de la République, en juillet 1957. « Depuis, je n’ai jamais quitté Bourguiba », rappelle-t-il, même si ses relations avec celui qui se fera bientôt appeler le Combattant suprême ont été ponctuées d’orages passagers et de sérieuses bouderies.
Ainsi, durant le congrès du Parti socialiste destourien (PSD), parti unique, en octobre 1971, Caïd Essebsi, qui est alors ambassadeur à Paris, fait partie des partisans d’un fonctionnement plus démocratique de l’État. Après avoir hésité un moment, Bourguiba tranche en faveur de l’aile dure du PSD menée par l’ancien Premier ministre Hédi Nouira. Le 12 janvier 1972, le diplomate, qui a démissionné entretemps de son poste, quitte Paris pour Tunis, non sans avoir publié, le même jour, une tribune dans Le Monde intitulée « Les raisons d’un départ ». Trois jours plus tard, il plaide, comme si de rien n’était, devant le tribunal de Tunis.
La première traversée du désert de Caïd Essebsi dure jusqu’en 1980. Cette année-là, Mohamed Mzali, qui a succédé à Hédi Nouira à la primature, initie un début d’ouverture politique. Au congrès du PSD, en septembre 1981, Bourguiba lâchera du lest : « Je ne vois aucun inconvénient à l’établissement du pluralisme. »
Caïd Essebsi, qui a réintégré le gouvernement comme ministre des Affaires étrangères, en avril 1981, ne quittera son nouveau poste qu’en septembre 1986. Durant ces six années, il aura été confronté à plusieurs crises, notamment l’arrivée des Palestiniens – chassés de Beyrouth – à Tunis, en 1982, le bombardement du village de Hammam-Chott, au sud de Tunis, par l’aviation israélienne, en 1985, sans oublier les incessantes sautes d’humeur de Kadhafi… Le moment le plus fort de sa carrière à la tête de la diplomatie restera cependant le vote de la résolution des Nations unies condamnant l’agression israélienne contre la Tunisie. « Les Américains, qui avaient l’habitude d’opposer leur veto à toute résolution contre l’État hébreu, ont préféré, pour la première fois dans l’histoire de l’ONU – et la dernière à ce jour -, faire abstention », raconte Caïd Essebsi. Bourguiba, qui n’en demandait pas tant, lui avait alors envoyé un télégramme de félicitations avant d’organiser, à son retour à Tunis, un déjeuner en son honneur au palais de Carthage. Il n’en est pas peu fier.
Pour avoir dirigé la politique étrangère de son pays pendant six ans, rencontré des chefs d’État et assisté maintes rencontres internationales, Caïd Essebsi est resté attentif à l’évolution de la situation dans le monde. Il lit beaucoup, s’intéresse aux questions stratégiques et donne régulièrement des conférences sur la nouvelle stratégie américaine dans le monde. Dans les interviews qu’il donne, de temps à autre, aux médias, il ne se contente pas de témoigner du passé : il donne aussi son opinion sur les évolutions actuelles au Maghreb et au Moyen-Orient. L’ancien chef de la diplomatie tunisienne pourrait disserter des heures sur ce sujet, qui le passionne…
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