Mgr Maroun Lahham

Évêque de Tunis

Publié le 19 décembre 2006 Lecture : 3 minutes.

Le premier contact de Mgr Maroun Lahham avec la Tunisie avait été chaud. Sans jeu de mots. Il était à l’époque recteur du séminaire patriarcal latin de Beit Jala, dans les faubourgs de Bethléem. Mgr Fouad Twal, l’archevêque de Tunis, l’ayant invité pour les vacances, il avait passé une semaine à l’archevêché, en plein centre-ville. « La chaleur était étouffante », se souvient-il. Bien sûr, il ignorait qu’il y reviendrait cinq ans plus tard, en septembre 2005. Pour succéder à Mgr Twal, élevé au rang de coadjuteur (adjoint et futur successeur) du patriarche latin de Jérusalem, Mgr Michel Sabbah.
Depuis sa création au XIXe siècle, le diocèse de Tunis avait toujours été dirigé par des évêques européens. En 1992, pour la première fois, Jean-Paul II a nommé à sa tête un Arabe, comme pour apporter un démenti aux faux prophètes du « choc des civilisations ». Et il a récidivé treize ans plus tard. Mgr Twal est jordanien, Mgr Lahham palestinien.

La cathédrale Saint-Vincent-de-Paul de Tunis a été édifiée en 1882, un an après le début de la colonisation. C’est elle que Jean-Paul II a choisie pour célébrer, le 14 avril 1996, sa première messe dans un pays arabo-musulman. Et c’est dans les locaux de l’évêché attenant à la cathédrale que s’est tenue, du 26 au 29 octobre, la Conférence des évêques de la région nord de l’Afrique (Cerna), présidée par Mgr Vincent Landel, l’archevêque de Rabat. Un mois auparavant, Benoît XVI, dans son trop célèbre discours de Ratisbonne, avait manifesté une fâcheuse incompréhension de l’islam et suscité de véhémentes protestations dans tout le monde musulman. L’exact opposé de l’image d’ouverture laissée par son prédécesseur.
Docteur en théologie pastorale et en catéchèse de l’université pontificale du Latran, à Rome (1992), Mgr Lahham (58 ans) tire les leçons de ce que la hiérarchie catholique d’Afrique du Nord appelle des « incompréhensions douloureuses ». Selon lui, « personne n’a le monopole de la vérité ». Mais l’offense faite à l’islam par le pape, ce « saint homme qui ne ferait pas de mal à une fourmi », n’était pas délibérée. Sans doute, mais sa référence à un texte ancien évoquant une supposée violence de l’islam ne risque-t-elle pas de devenir une vérité pour les chrétiens d’Occident ? « L’Occident, répond l’évêque de Tunis, ne peut pas fonder sa réflexion sur un texte vieux de sept siècles que personne n’a lu. » Au cours de leur histoire, « chacune des trois religions monothéistes a connu des périodes de violence et de guerre, en son sein et avec les autres religions », mais cela « ne justifie pas qu’on qualifie l’une d’elles de violente et pas les autres ». À l’avenir, les chrétiens occidentaux devront donc se monter « plus prudents », et les musulmans « plus magnanimes ». Pour Mgr Lahham, l’essentiel est que « les religions ont un rôle à jouer dans la promotion de la paix entre les peuples ». Le mot « paix » revient d’ailleurs constamment dans ses sermons à la cathédrale de Tunis, qu’il prononce indifféremment dans cinq des six langues qu’il maîtrise : arabe, français, italien, espagnol, anglais, allemand.
La communauté catholique de Tunisie compte environ 20 000 fidèles, sur une population totale de 10 millions d’habitants. La majorité sont des expatriés et des diplomates, pour la plupart européens. Mais elle compte aussi plusieurs centaines de Subsahariens, parmi lesquels beaucoup d’étudiants (trois prêtres africains leur sont affectés) et de fonctionnaires de la Banque africaine de développement (BAD), ainsi que quelques Tunisiens convertis – sans compter les touristes de passage.

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L’évêque anime six lieux de culte disséminés à travers toute la Tunisie et une vingtaine de congrégations regroupant 131 religieuses et 46 prêtres, pour la plupart hispanophones ou originaires d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Bien entendu, il est contraint à de fréquents déplacements. « C’est un plaisir pour moi de pouvoir circuler librement, explique-t-il. En Palestine, je devais avoir mes papiers d’identité sur moi en permanence. Pour pouvoir franchir les innombrables barrages des troupes israéliennes d’occupation. »

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