Mal-gouvernance à la française

Ancien ministre de l’Éducation et scientifique de renom, Claude Allègre s’en prend au sacro-saint principe de précaution.

Publié le 25 janvier 2006 Lecture : 2 minutes.

Savez-vous pourquoi Ledru-Rollin, chef de la Garde nationale pendant la révolution de 1830, a droit à une belle avenue et à une station de métro dans Paris ? Parce qu’il a dit au premier jour des émeutes, en quittant précipitamment sa femme : « Je suis leur chef, il faut bien que je les suive. » Et qui propose d’élever à ce « véritable précurseur de l’action politique » une statue place du Palais-Bourbon ? Le chercheur et ancien ministre français Claude Allègre, dans un essai en forme de cri d’alarme où il donne cette définition iconoclaste du principe de précaution : « Lorsqu’on ne sait rien, il faut tout envisager. » Et s’en inspire pour son titre Quand on sait tout on ne prévoit rien…
Providentiel principe qu’il est d’ailleurs question d’inscrire dans le marbre de la Constitution. Devenu le vade-mecum de tous les pouvoirs, dont ces derniers se servent comme d’une sorte de trousse d’urgence face aux crises qu’ils n’ont pas su ou voulu anticiper, il vise surtout à les protéger contre les conséquences de leurs ignorances peureuses et démagogiques.
Pour Allègre, il n’est plus qu’un « gigantesque piège à cons où presque tous les dirigeants sont tombés et se sont même englués ». Il peut le dire. Lui-même en a été la victime exemplaire lorsqu’il s’est vu contraint d’appliquer, en tant que ministre de l’Éducation du gouvernement Jospin, la décision du désamiantage de Jussieu que l’homme de science qu’il est jugeait « complètement idiote ».
Tout au long de cette salutaire leçon de sagesse scientifique et de courage politique, Claude Allègre oppose cruellement, exemples à l’appui, les comportements des gouvernements à la démarche des scientifiques. D’un côté, l’incapacité de prévoir pour prévenir, la gestion au plus près dans le seul souci d’occuper le pouvoir et de durer, et pour finir une caricature de la démocratie représentative dont la vertu devrait être d’échapper aux brutales pulsions populaires, alors qu’elle y cède constamment sous la pression souvent irresponsable des médias et dans la peur panique des sondages. De l’autre, besoin de réflexion, connaissance rationnelle, effort d’imagination.
Le constat est d’autant plus accablant qu’il est dressé non point dans le style de la polémique, mais plutôt sur le ton de l’universitaire émérite consterné par l’insouciance de ses auditoires. À quoi le lecteur, une fois le livre refermé, ajoutera spontanément la modestie. « Je dis les choses, c’est tout », répète-t-il à propos de son dernier et dérangeant ouvrage Le Dictionnaire amoureux de la science (Plon). Car la sagesse du savant, c’est aussi de rester prudent, d’étudier toutes les solutions, et de ne jamais oublier que la science n’est pas un dogme à apprendre par cur, mais un savoir en constante évolution et adaptation.
Parmi tous les grands problèmes d’aujourd’hui que Claude Allègre évoque dans Quand on sait tout on ne prévoit rien, et dont beaucoup sont encore controversés, nous en avons choisi cinq qui reviennent le plus souvent dans les soubresauts de l’actualité et les discussions des citoyens.

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