La conférence de Tanger, un rêve maghrébin

Publié le 23 avril 2007 Lecture : 2 minutes.

« Nous, les représentants des mouvements de libération nationale de Tunisie, d’Algérie et du Maroc, proclamons solennellement notre foi en l’unité du Maghreb et notre volonté de la réaliser dès que les conditions s’y prêteront, c’est-à-dire quand les forces françaises et étrangères auront évacué leurs bases de Tunisie et au Maroc et quand l’Algérie sera devenue indépendante. » L’appel, lancé à l’issue de la conférence organisée à Tanger du 27 au 30 avril 1958, par les représentants du néo-Destour tunisien Bahi Ladgham, Ahmed Tlili, Abdelhamid Chaker, du FLN algérien Ferhat Abbas, Abdelhafid Boussouf, Abdelhamid Mehri, et de l’Istiqlal marocain Allal El Fassi, Ahmed Balafrej, Abderrahim Bouabid et Mehdi Ben Barka, suscite un immense espoir auprès des populations. « C’est la première réunion entre Arabes où l’on a discuté sérieusement, où l’on n’a pas noyé les problèmes dans les sinuosités précieuses et le creux des phrases », s’enthousiasme alors un participant tunisien dans l’hebdomadaire Action, l’ancêtre de Jeune Afrique.

Le rêve de l’Union maghrébine semble alors à portée de main. La lutte anticoloniale a réactivé les vieux réflexes de solidarité panarabe et cimenté le sentiment d’appartenance à une communauté de destin. En décembre 1952, les habitants du quartier des Grandes Carrières, à Casablanca, s’étaient révoltés à l’annonce de l’assassinat, par les terroristes de la Main rouge, du leader syndicaliste tunisien Farhat Hached. Les villageois tunisiens de Sakiet Sidi Youssef viennent d’essuyer, en février 1958, les bombardements d’une armée française prétendant exercer son « droit de suite » contre les maquisards du FLN. Tunisiens et Marocains, alors sur la ligne de front, s’entendent, à Tanger, pour réaffirmer leur appui à l’insurrection algérienne, et franchissent un palier diplomatique en appelant à la création d’un gouvernement algérien en exil. C’est un message envoyé à Paris : Tunis et Rabat ne céderont ni aux menaces ni aux intimidations. C’est aussi une sorte d’injonction faite aux grandes puissances occidentales, et tout particulièrement à la première d’entre elles, les États-Unis : arrêtez de soutenir militairement la France, via l’Otan, dans sa guerre contre les Algériens, ne nous forcez pas à vous devenir hostiles et à nous jeter dans les bras des Soviétiques avec lesquels nous n’avons, au fond, que peu d’affinités.

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Les Américains, qui suivent avec attention le déroulement de la conférence, sont embarrassés. Favorables à la cause de l’émancipation algérienne, ils doivent cependant ménager la France, alliée essentielle en Europe en ces temps de Guerre froide. Comment y parvenir sans s’aliéner cette Afrique du Nord en marche qui semble désormais décidée à s’unir ? La chute de la IVe République leur épargnera un douloureux dilemme…
Prudemment, les Maghrébins ont, eux, évité de débattre de la forme institutionnelle de la future Union. Toute discussion avant l’indépendance algérienne eût été prématurée. Mais malheureusement, et contrairement à l’optimisme qui prévaut à l’époque, l’esprit de Tanger ne durera pas. Dès 1962 apparaîtront les premières entraves au processus d’unification, qui capotera complètement après la guerre des Sables entre l’Algérie et le Maroc, en octobre 1963.

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