Fatima Houda-Pepin

Première vice-présidente de l’Assemblée nationale du Québec, cette Marocaine œuvre sans relâche au rapprochement des différentes communautés.

Fatima Houda-Pepin. © Louise Bilodeau pour J.A.

Fatima Houda-Pepin. © Louise Bilodeau pour J.A.

Publié le 30 novembre 2010 Lecture : 5 minutes.

En bordure du fleuve Saint-Laurent et de la rivière Saint-Jacques, à quinze minutes au sud-ouest de Montréal, la petite ville de Brossard s’étend entre zones commerciales et axes routiers. C’est là que Fatima Houda-Pepin, première vice-­présidente de l’Assemblée nationale du Québec et députée de La Pinière, une circonscription de la Montérégie, a établi son bureau.

La parlementaire nous reçoit dans sa salle de réunion, où les photos en compagnie du Premier ministre québécois, Jean Charest, et de l’ancien Premier ministre français Lionel Jospin côtoient la médaille d’or de la solidarité et de la valeur remise par l’association La Renaissance française au titre de ses activités humanitaires. Fatima Houda-Pepin, voix délicate dissimulant un lointain accent marocain, est une femme occupée. Elle passe trois à quatre jours par semaine à Québec pour siéger à l’Assemblée, et le reste dans son bureau de circonscription pour recevoir ses concitoyens. Quand elle n’est pas en mission à l’étranger. D’ailleurs, la députée revient tout juste du Kenya, où elle a dirigé une mission québécoise auprès de l’Association parlementaire du Commonwealth (APC). Elle y a donné deux conférences : l’une sur les changements climatiques et l’autre sur l’expérience du Québec en matière d’immigration. Elle a aussi participé à une journée thématique sur la place des femmes en politique. En effet, outre sa fonction de première vice-présidente et de députée, l’élue assume aussi la présidence du Cercle des femmes parlementaires du Québec, un groupe non partisan où l’on discute notamment des violences faites aux femmes.

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La dernière activité qu’elle a organisée portait sur les « crimes d’honneur ». Première femme musulmane élue dans un Parlement au Canada, Fatima Houda-Pepin sait de quoi elle parle. « L’islam, à qui l’on attribue souvent ces crimes dits d’honneur, interdit l’infanticide des filles. Or, aujourd’hui, ces crimes barbares sont considérés par ceux qui les pratiquent comme des crimes d’honneur. C’est en fait un déshonneur total ! » Consciente de l’image négative de l’islam en Occident, elle confie : « C’est le travail de toute une vie : lutter contre les préjugés, le déficit de connaissance à l’égard de l’islam et des pays du Sud en général. On généralise trop souvent, et les médias amplifient ces perceptions négatives. Il faut aborder ces questions avec pédagogie. »

En politique avertie, elle aime prendre en exemple sa circonscription, où les communautés asiatique, africaine, européenne et latino-américaine vivent en harmonie. « C’est un comté à majorité francophone avec un segment anglophone de souche. On y compte soixante-dix communautés culturelles dynamiques, avec un niveau d’éducation élevé. Nous travaillons avec les organismes communautaires et nous créons des ponts entre eux. » Comment s’y prend-elle ? « Je favorise une approche participative. Nous organisons des événements pour que ces communautés se rencontrent. » Le dernier a eu lieu le 26 septembre 2010, alors que la députée fêtait le 16e anniversaire de son élection. La soirée était prétexte à mettre en vedette les communautés indo-canadienne et philippine de sa circonscription. Habillée en sari pour l’occasion, Fatima Houda-Pepin recevait plus de 300 personnes pour assister à un programme culturel avec danses classiques d’Inde et des Philippines. « C’est une façon de faire de la politique. Ce n’est pas nécessairement une interaction quotidienne mais il faut valoriser ces communautés », affirme cette experte des questions d’intégration.

Fatima est née à Meknès, au Maroc, le 26 décembre 1951. Elle obtient son bac en 1972 au lycée Al-Khansa de Casablanca, s’oriente vers les sciences politiques et s’inscrit à l’université Mohammed-V de Rabat. Au bout de deux ans, elle choisit le Canada. Pour y terminer ses études, « pas pour y rester ». Sauf qu’elle y rencontre celui qui deviendra son mari. Les diplômes se succèdent : maîtrise en relations internationales à l’université d’Ottawa en 1977, maîtrise en sciences de l’information à l’université McGill de Montréal en 1981. Elle réussit également son doctorat en politique internationale à l’université de Montréal (UDM) en 1982.

Entre 1981 et 1994, la jeune universitaire devient successivement consultante et experte-conseil en éducation interculturelle, en immigration et en affaires internationales auprès des gouvernements canadien et québécois, de la municipalité de Montréal et de plusieurs entreprises privées comme le Service de police de la ville de Montréal et l’Ordre des conseillers en ressources humaines. Parallèlement, en 1990, elle est chargée de cours en sciences politiques à l’université de Québec, à Montréal, et à l’UDM. « J’avais de bonnes relations avec les étudiants, confie-t-elle avec nostalgie. Mais la politique m’est tombée dessus. »

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Son expertise et sa notoriété attirent les partis de tous bords. Passionnée par l’enseignement et mère de deux filles en bas âge, elle refuse toutes les propositions. En 1994, alors que le Québec entre dans un débat référendaire sur l’indépendance de la province, les pressions se font plus insistantes du côté du Parti libéral du Québec. Son mari, qui a longtemps travaillé pour le gouvernement du Québec et les Nations unies, décide d’anticiper sa retraite pour s’occuper des enfants. « Il s’est sacrifié pour moi. Il m’a dit : c’est maintenant que le pays a besoin de toi. »

Le 12 septembre 1994, première candidature et première victoire. Et pas la dernière ! Sa recette de la longévité politique ? « Si vous n’aimez pas les gens, ne faites pas de politique. » Fatima a bien conscience de la perception négative dont est victime la classe politique. « Je bénéficie de la confiance des gens. Je dois les servir avec compétence, diligence et intégrité. Quand ils viennent me voir, c’est parce qu’ils ont des problèmes. Je dois trouver des solutions. »

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Le Maroc, elle n’y retourne guère, faute de temps. Mais elle veut être claire : « Je n’ai pas fait tout ce chemin sans être confrontée moi-même à des préjugés. » Elle rencontre beaucoup d’Africains qui lui font part de leur difficulté à s’intégrer. « J’assume ma double identité, à la fois canadienne et d’origine marocaine. Les questions d’intégration sont actuelles, au Québec comme en France. Je dis aux immigrants, vous pouvez faire partie du problème ou de la solution. Il faut affronter le racisme et la discrimination, et rester ouvert à l’égard des personnes qui ont des préjugés. »

Le rêve de Fatima Houda-Pepin, l’écriture. Mais pour cela aussi, la députée manque de temps. « Pour l’instant, je reste en politique, c’est un métier noble. Si on l’exerce en ayant à l’esprit que nous sommes là pour servir et non pour se servir, cela reste un bonheur de pouvoir changer de petites choses. »

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