Côte d’Ivoire – Succession Houphouët-Boigny : « Les polémiques n’auront bientôt plus lieu d’être »
C’est la première fois que Philippe Rideau, l’exécuteur testamentaire de l’ancien président ivoirien Félix Houphouët-Boigny accepte de s’exprimer sur la succession qui lui a été confiée. Selon lui, personne n’a été lésé.
Ancien vice-président chez JPMorgan à Paris, spécialiste en gestion de patrimoine, le Français Philippe Rideau a, en vertu d’une procuration signée en sa faveur par quatre des enfants du défunt (Guillaume, Augustin, François et Marie), et avec l’aval de la présidence ivoirienne et du Vatican, géré la succession de Félix Houphouët-Boigny. C’est ici qu’il s’exprime pour la première fois.
>> Lire aussi : Houphouët-Boigny, bataille familiale autour d’un héritage
jeune afrique : Quel rôle exact avez-vous joué dans le règlement de la succession de Félix Houphouët-Boigny ?
Philippe Rideau : En janvier 1997, j’ai été approché par Guillaume Houphouët-Boigny, l’un des représentants des héritiers légitimes du défunt président, afin de permettre la reconnaissance et la mise en oeuvre du legs verbal de leur père. L’exécution en était bloquée depuis trois ans en raison de nombreuses actions judiciaires engagées en Côte d’Ivoire, en France, aux États-Unis et en Grande-Bretagne.
Ce legs verbal, il faut le rappeler, était pour l’essentiel destiné à assurer le financement de la construction de l’hôpital Saint-Joseph-Moscati dans l’enceinte des terrains de la basilique de Yamoussoukro. Le pape Jean-Paul II avait en effet accepté que le président Houphouët fasse don au Saint-Siège de cette basilique sous réserve qu’un hôpital soit construit à proximité.
À quelles démarches avez-vous procédé ?
Le 16 janvier 1998, j’ai été reçu au Vatican par le pape Jean-Paul II. Au cours de l’entretien qui a suivi, il m’a été expressément demandé de veiller à ce que le financement de cet hôpital destiné à la Fondation Notre-Dame-de-la-Paix soit effectué dans le respect des règles de droit, afin qu’il ne puisse soulever aucune critique ou contestation qui puisse ternir l’image de l’Église. Je m’y suis formellement engagé.
Une semaine plus tard, j’ai rencontré à Abidjan Henri Konan Bédié, alors chef de l’État, lequel m’a fait clairement savoir que l’État de Côte d’Ivoire entendait s’inscrire dans un rôle d’exécuteur testamentaire des volontés exprimées par le défunt. Je devais donc l’associer à mes initiatives et à mes démarches relatives à la composition du legs verbal, ce que je n’ai pas manqué de faire. Je me suis enfin entretenu à plusieurs reprises avec l’ancien ministre d’État Camille Alliali, qui, en tant que président du conseil d’administration de la Fondation Notre-Dame-de-la-Paix, était familiarisé avec ce dossier.
Que vous a dit le président Bédié à propos du financement de l’hôpital ?
Que le défunt avait indiqué à son entourage politique et familial, à plusieurs reprises et sans ambiguïté aucune, qu’il affectait au financement de l’hôpital, à sa construction et à son équipement, le produit de la vente de tableaux alors en cours à Londres et à New York chez Sotheby’s. Ainsi que la totalité de ses propriétés immobilières et de leur contenu en mobilier et oeuvres d’art dont il serait, à son décès, propriétaire en France. Ce voeu se qualifiait donc juridiquement comme legs verbal. Il devait nécessairement être reconnu par tous les prétendants à sa succession.
Pourquoi l’hôtel particulier de la rue Masseran, à Paris, a-t-il été disjoint du legs ?
Pour inscrire ce legs verbal dans le respect des règles du droit successoral, il a fallu procéder à des arbitrages. En application de ce principe, il a été admis que l’hôtel de Beaumont, rue Masseran, et son contenu d’oeuvres d’art ne soient pas joints à l’acte d’exécution que j’ai régularisé avec tous les ayants droit concernés, le 16 juin 1999. L’État de Côte d’Ivoire s’est, par la suite, attribué la propriété de ce bien immobilier que Félix Houphouët-Boigny avait acquis en décembre 1978 pour 60 millions de francs français de l’époque, payés en espèce et sous la mention de son activité privée de "planteur".
À quoi ont eu droit les héritiers reconnus d’Houphouët ?
En dehors de ce qui était destiné au legs verbal, il y avait, dans la succession du défunt, un reliquat non négligeable d’actifs financiers dont j’ai assuré le partage entre tous les prétendants, quels qu’ils soient.
Pourquoi l’hôpital Saint-Joseph-Moscati n’a-t-il toujours pas été inauguré, plus de vingt ans après la mort du "Vieux" ?
Je l’ignore. Le budget initial était pourtant largement couvert par la consistance du legs. A-t-on vu trop grand, trop prestigieux ? Peut-être. Cette inauguration, que j’espère prochaine, aurait en tout cas l’avantage de mettre définitivement un terme à toutes les polémiques sur la succession du président Houphouët-Boigny. Mon seul regret est que le pape Jean-Paul II, qui attendait avec impatience de voir un début de construction, ne sera plus là pour y assister.
Houphouët avait gagné au Monopoly !
La totalité de la fortune d’Houphouët-Boigny avoisinait à son décès, le 7 décembre 1993, plus de 100 millions d’euros.
Une estimation du fisc français, établie en septembre 1998, des avoirs dépendant de la succession Houphouët répertoriés en France, ainsi que des oeuvres d’art conservées à l’époque chez Sotheby’s à Londres et à New York, avançait le chiffre global de 184 millions de francs français (FF), soit près de 30 millions d’euros d’aujourd’hui.
Outre l’hôtel particulier de la rue Masseran, figuraient dans ce patrimoine aujourd’hui dispersé : un appartement boulevard des Invalides, des biens et droits immobiliers rues Duroc, Eblé et du Général-Bertrand, le tout à Paris, ainsi qu’une villa et quatre pavillons à Marnes-la-Coquette.
L’hôtel de la rue Masseran, acheté cash le 22 décembre 1978 pour 60 millions de FF (un peu moins de 10 millions d’euros), avait été exonéré d’impôts locaux sur décision personnelle du président Giscard d’Estaing pour motif de "haute courtoisie internationale" (sic). À ce patrimoine s’ajoutaient demeures et comptes en banque non évalués en Suisse, en Grande-Bretagne, au Maroc, au Sénégal, et bien sûr en Côte d’Ivoire (18 villas, par exemple, à Yamoussoukro).
Selon une source proche du dossier, la totalité de la fortune d’Houphouët-Boigny avoisinait à son décès, le 7 décembre 1993, 700 000 000 de FF soit plus de 100 millions d’euros.
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Propos recueillis par François Soudan
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