Un regard neuf sur le continent

Professeur Bernard Debré, ancien ministre français de la Coopération, député de Paris.

Publié le 6 septembre 2010 Lecture : 3 minutes.

Où en est l’Afrique francophone aujourd’hui ? Politiquement, les démocraties avancent à pas comptés. Il serait stupide d’être béat, dans certains pays elles sont encore balbutiantes. Faut-il s’en étonner ? Regardons plutôt ce qui s’est passé ailleurs et avant. La Révolution française a été sanglante : les tueries de Vendée, les massacres de Nantes et de Lyon sont souvent occultés, la Terreur, meurtrière, n’est pas, tant s’en faut, la plus belle histoire de notre république naissante. Elle a vite débouché sur le Consulat et l’Empire. Ombres et lumières ! C’est l’Empire qui a parachevé la centralisation, modernisé l’administration de la France avec, entre autres, le code Napoléon. C’est aussi l’Empire qui a mis l’Europe à feu et à sang. La IIe République, hésitante après quelques années de Restauration, a été bien courte, le prince-président devenant Napoléon III sous un second Empire marqué tant par des réformes importantes que par des guerres sanglantes. Notre République, finalement, n’a pas cent cinquante ans. Voudrait-on que les républiques africaines réalisent en cinquante ans ce que nous avons eu tant de difficulté à accomplir ? Regardons plutôt l’avenir.

Le continent africain a d’immenses potentialités. D’abord, en hommes. Depuis cette année, plus de 1 milliard d’Africains y vivent. Ils assureront leur développement et pèseront dans l’avenir du monde entier. Ensuite, ce continent a d’innombrables ressources : métaux précieux, pétrole, agriculture, réserves marines que les Africains commencent à exploiter. Mais l’Afrique a aussi des difficultés. Elle est touchée par des maladies spécifiques comme le paludisme ou le trachome, tandis que le réseau sanitaire est très pauvre. Il existe des hôpitaux et des médecins de haut niveau qui sont regroupés dans les grandes villes et laissent les campagnes démunies. Il faut aider les Africains à élaborer des réseaux de santé. La coopération doit être manifeste : celle de la France, et celle du monde entier. Il manque une véritable coordination internationale pour créer ces réseaux. La coopération, j’en ai fait l’expérience quand j’étais ministre, est éclatée et parfois peu efficace. Il y a aussi des difficultés écologiques. Des zones entières sont déshéritées : déserts, forêts tropicales, mais aussi dévastation et pollution humaine… Là aussi, il manque un grand plan écologique pour la reforestation des zones désertiques, la préservation des forêts et des zones maritimes. Comment se fait-il que l’énergie solaire reste marginale, que les énergies vertes soient inexistantes ? Le monde doit s’en préoccuper et aider les gouvernements africains. Il faut que ce continent puisse accéder à une énergie bon marché, fondement du développement. Il y a également des difficultés sur le plan commercial et industriel. Pendant trop longtemps, les pays du Nord ont profité des richesses de l’Afrique sans suffisamment participer à son développement. Voici maintenant que d’autres puissances la regardent avec intérêt : Chine, Inde… Sont-elles pour autant altruistes ? Vraisemblablement pas. Ces nouveaux « maîtres » seront peut-être pires que ceux d’hier.

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La France a encore un rôle à jouer en Afrique. Ne soyons pas toujours en train de battre notre coulpe en nous souvenant des colonies. Mais définissons l’aide au développement. Non plus seulement en saupoudrant les financements, mais en organisant avec l’Afrique et d’autres pays de véritables plans d’action. Pourquoi ne pas instituer des délégations de services publics signées par la communauté internationale ? Cela permettrait de « gérer » les projets sanitaires, écologiques ou énergétiques, l’argent étant prélevé sur les budgets de tous les pays développés participant à ces délégations internationales. Si nous baissons les bras, l’Afrique vulnérable sera victime de prédateurs, qu’ils soient institutionnels – africains ou d’autres continents – ou mafieux – utilisant ce continent pour contrevenir aux lois internationales (trafics de drogue, fabrication de faux médicaments, pillages…).

Cinquante ans, c’est peu, mais c’est aussi le temps pour regarder l’Afrique avec un œil nouveau, pour éviter que ses fils s’en aillent, tant les élites, qui s’installent confortablement dans les pays riches, que les pauvres, les déshérités, proies des passeurs qui les débarquent par centaines de milliers sur nos côtes, où ils sont exploités et tombent dans l’illégalité, parfois dans la délinquance. Il faut aimer l’Afrique comme je l’aime pour appeler à un renouveau international de la coopération.

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