Cool, raout…

MARWANE-BEN-YAHMED_2024

Publié le 7 avril 2014 Lecture : 2 minutes.

Bruxelles, début avril. Embouteillages monstres dans une ville quadrillée par la police. Défilé de luxueuses berlines noires aux vitres teintées. Les ténors africains ont rendez-vous avec leurs homologues européens pour un énième sommet entre continents ou nations. Après France-Afrique, Chine-Afrique, Japon-Afrique, Monde arabe-Afrique, voici donc, chez nos amis belges, Europe-Afrique, en attendant, en août prochain, États-Unis-Afrique… À quoi servent ces raouts ? "À pas grand-chose, d’après un chef d’État subsaharien, si ce n’est à rencontrer certains interlocuteurs utiles d’un point de vue bilatéral, en marge du sommet lui-même…" Voire à prendre le frais dans la suite cossue d’un grand hôtel, loin des turpitudes politiciennes locales, et à faire le plein de chocolats.

Car, en dehors de déclarations d’intention que Jacques II de Chabannes, seigneur de La Palice, n’aurait pas reniées, pas beaucoup de résultats à se mettre sous la dent à l’issue de ce sommet. Jugez-en par vous-mêmes à propos de l’épineuse (et dramatique) question de l’immigration clandestine – l’immigration légale et le "pillage" des cerveaux africains méritant sans doute moins d’attention. Dans un plan d’"action" élaboré pour la période 2014-2017, les dirigeants africains et européens "s’engagent à lutter contre l’immigration illégale et à protéger la vie des migrants". Bigre ! Comment ? Mystère. Ils promettent également de "consolider les efforts de lutte contre la traite des êtres humains", de "renforcer le lien entre le développement et les migrations". Il était temps… Objectif proclamé urbi et orbi par le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, visiblement très satisfait de cette "véritable avancée" et de cette "déclaration très importante" : "Éviter des tragédies comme celle de Lampedusa", quand, le 3 octobre 2013, plus de 300 migrants originaires pour la plupart de la Corne de l’Afrique périrent en mer après le naufrage de leur embarcation. Et dire qu’à l’époque, les Européens détournaient le regard pendant que les dirigeants africains donnaient l’impression de se débarrasser de concitoyens comme on jette ses poubelles chez le voisin. Nous voilà rassurés.

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Autre grand moment d’émotion, cette révélation, véritable éclair de sagacité à faire pâlir d’envie Sherlock Holmes, de Nkosazana Dlamini-Zuma, la présidente de la Commission de l’Union africaine : "Si nous nous concentrons sur la formation de nos populations, investissons sur elles, elles n’auront pas à venir via Lampedusa, elles viendront en avion et seront bien accueillies." On rêve… Le ballet de limousines peut reprendre et la police bruxelloise enfin retourner à son train-train quotidien. Quant aux dirigeants des deux continents, sans doute retrouvent-ils leurs pénates avec le sentiment du devoir accompli. Au moins ont-ils mis des mots sur les maux !

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