En temps et en mesures

Dakar reçoit, les 13 et 14 mai, les Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD). Des grands projets à la vie de tous les jours, ce qui a changé dans le pays depuis le début du premier mandat d’Abdoulaye Wade, en 2000.

Publié le 19 mai 2009 Lecture : 5 minutes.

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Où va le Sénégal ?

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« Il ne faut pas décourager les bonnes volontés », aime à répéter le président Abdoulaye Wade. Depuis son accession au pouvoir, en mars 2000, de volonté, il n’a pas manqué, et si, à trois ans de la fin de son deuxième mandat, son bilan à la tête du Sénégal n’est certes pas parfait, il a tenté néanmoins de créer un environnement propice au développement du pays. Des initiatives parfois mal comprises.

Alors que les citoyens attendent des changements immédiats, face à la crise économique mondiale et un mois après les élections locales, le débat politique tend à prendre le dessus sur le concret et à estomper les avancées réelles du pays. La polémique sur les ambitions de Karim Wade, le fils du président, relancée depuis l’annonce de sa nomination, le 1er mai, au poste de ministre d’État au sein du gouvernement du nouveau Premier ministre, Souleymane Ndéné Ndiaye (voir pp. 37 à 39), en est un exemple.

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Pourtant, sur le plan économique, le pays avance. Les réalisations de l’Agence nationale chargée de la promotion de l’investissement et des grands travaux (Apix) en sont une bonne illustration. Six ans après le lancement des premières réformes visant à améliorer le climat des affaires, le Sénégal progresse de 19 places (au 149e rang, sur 181 pays) dans le rapport « Doing Business » publié par la Banque mondiale en avril. Il est classé cinquième meilleur réformateur mondial, avec, en particulier, la création d’un guichet unique qui permet de monter une entreprise en moins de quarante-huit heures, ainsi qu’une nette amélioration du commerce transfrontalier. De quoi rassurer les nouveaux investisseurs, dont la confiance aurait pu être ébranlée par le bras de fer, fin 2008, entre l’État et les entreprises privées du BTP. Ces dernières, engagées dans la réalisation de nombreux chantiers (voir p. 72) initiés par le gouvernement et par l’Agence nationale pour l’Organisation de la conférence islamique (Anoci), avaient en effet dénoncé le paiement au compte-gouttes de factures s’élevant à 300 milliards de F CFA (plus de 457 millions d’euros) – 174 milliards, selon le gouvernement.

Malgré la conjoncture mondiale, les perspectives 2009 sont rassurantes. Les projections du Fonds monétaire international (FMI) prévoient une croissance du PIB de 3,1 %, contre 2,5 % en 2008. Grâce à une bonne saison des pluies et à la poursuite de la Grande Offensive agricole pour la nourriture et l’abondance (Goana, voir p. 73), la production agricole devrait afficher une hausse de 24 %. Le pays reste par ailleurs l’un des plus industrialisés du continent, et la Direction de la prévision et des études économiques (DPEE) annonce des résultats encourageants dans le secteur secondaire, qui devrait connaître une croissance de 5,5 %, ainsi qu’une bonne tenue des activités extractives, de raffinage et de fabrication de produits chimiques.

Quant à la population – bien qu’une partie des commerçants persistent à ignorer, volontairement, les prix officiels – elle devrait profiter des baisses intervenues ces derniers mois sur le prix des produits de base : riz, huile, sucre, essence… « Certains continuent de vendre le kilo de riz à 375 F CFA au lieu de 300, confirme Ahmed, un commerçant. Mais, pour empêcher la spéculation, les contrôles des prix dans les marchés sont devenus plus fréquents. » 

Le quotidien des sénégalais

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Sur le front social, en dépit des difficultés persistantes, plusieurs mesures ont permis d’améliorer les conditions de vie. L’un des projets les plus originaux est sans aucun doute la Case des tout-petits, qui a permis le développement de l’école maternelle. Unique en Afrique de l’Ouest, l’initiative a été lancée en 2001 et, depuis, 182 Cases des tout-petits, fréquentées par plus de 22 000 enfants de 0 à 6 ans, ont été construites sur l’ensemble du territoire. « En plus du volet pédagogique, nos structures offrent un suivi sanitaire, sur le plan de la nutrition et de la couverture vaccinale », explique Ndèye Khady Diop, la directrice générale de l’Agence nationale de la Case des tout-petits (Anctp), qui a été nommée ministre de la Famille et de la Petite enfance lors du remaniement du 1er mai. En 2008, les frais de fonctionnement et les investissements de l’Anctp s’élevaient à 1,1 milliard de F CFA (1,7 million d’euros), couverts en partie par l’État et des partenaires étrangers. Outre les 1 600 éducateurs mobilisés pour la bonne marche des structures, une centaine de femmes – les badiène (tatas)– et dix hommes – les nidiaye (tontons) –, choisis dans la population et formés par des professionnels de la santé, mènent des actions de sensibilisation au sein de leur communauté pour inciter les parents à envoyer leurs enfants à la maternelle. 

Des ados aux seniors

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Pour l’accompagnement des jeunes, le ministère de la Jeunesse pilote une vingtaine de structures consacrées à la formation, à l’emploi et au financement de projets, sachant que, selon l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), sur les 100 000 demandeurs d’emploi recensés au Sénégal, 74 % ont entre 15 et 34 ans. Le Fonds national d’insertion des jeunes (FNIJ) est désormais doté d’une enveloppe de 100 millions de F CFA, essentiellement destinés à l’éducation des filles. Par ailleurs, depuis sa création en 2001, le Fonds national de promotion de la jeunesse (FNPJ) « a permis le financement de 2 570 projets pour un montant de 6,3 milliards de F CFA, avec à la clé plus de 12 000 emplois créés ou consolidés à travers le pays », constate le ministre de la Jeunesse, Mamadou Lamine Keïta. Alors que le ministère travaille aussi d’arrache-pied sur un projet spécifique aux banlieues, dans les quartiers de la périphérie de Dakar, les jeunes sont sceptiques. « On attend avec impatience de découvrir ce qui est réservé aux banlieusards » déclare Moustapha, 26 ans, un habitant de Guédiawaye sans emploi.

Au chapitre des innovations, le Plan Sésame s’adresse, quant à lui, au troisième âge. En septembre 2006, partant du constat que 70 % des quelque 650 000 sexagénaires sénégalais n’ont pas de couverture sociale, le ministère de la Santé et l’Institut de prévoyance retraite du Sénégal (Ipres), à la demande du chef de l’État, ont mis en place le Plan Sésame, qui donne aux personnes âgées un accès gratuit aux soins de santé dans tout le pays sur présentation d’une carte d’identité numérisée. Le programme, subventionné par le gouvernement à hauteur de 700 millions de F CFA, connaît un vif succès auprès des bénéficiaires depuis son lancement. Il a eu cependant des conséquences fâcheuses pour les hôpitaux : fin 2008, ces derniers ont présenté à l’État une ardoise globale de 1,8 milliard de F CFA, soulignant qu’ils ne pouvaient plus supporter les frais liés à la prise en charge de ces quelque 132 000 patients âgés qu’ils reçoivent désormais chaque année. Le gouvernement et l’Ipres ont donc entrepris de repenser le Plan Sésame. En attendant de trouver une solution satisfaisante pour les seniors comme pour les hôpitaux, le premier centre de gériatrie de la sous-région a été inauguré à Dakar en mars 2008 – grâce à un financement de l’Ipres (coût : 1,5 milliard de F CFA) –, qui accueille 250 patients par jour et est notamment doté d’une unité de télémédecine. 

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