La méthode Katumbi
Gouverneur de la province depuis 2007, l’enfant de Kashobwe – à 300 km de Lubumbashi – s’est forgé une popularité qui fait saliver les barons de Kinshasa. À 45 ans, celui que tous appellent par son prénom, Moïse, est omniprésent. Sa recette ? Un mélange de populisme, de volontarisme et de billets verts. Décryptage.
Le Katanga attend son heure
Le football
Le ballon rond est le meilleur allié de Moïse Katumbi. Président du Tout Puissant Mazembe, l’un des clubs de Lubumbashi, il est de tous les matchs, dans les tribunes et dans les vestiaires. Un formidable instrument politique dont il se sert sans retenue. En travaux, le stade de Lubumbashi rouvrira ses portes le 30 juin, jour symbolique du 50e anniversaire de l’indépendance. Dans la foulée, un tournoi sera organisé avec, à la clé, une cagnotte de 500 000 dollars (mobilisés par les sponsors). Si la RD Congo n’a pas été qualifiée pour la Coupe du monde, les « 100 % », le groupe de 100 musiciens et supporteurs employés par le club, eux, ont été invités en Afrique du Sud.
La menace
Pour galvaniser l’administration, Moïse Katumbi a sa méthode : la menace. Chaque avion se posant sur le tarmac parsemé d’ornières de l’aéroport de Lubumbashi frôle la catastrophe ? Le 6 avril (un mois et demi après la sortie de piste d’un appareil d’Ethiopian Airlines), il lance un ultimatum à Kinshasa : l’aéroport fermera à la fin du mois si la Régie des voies aériennes n’intervient pas. Les travaux démarreront deux semaines plus tard. Les compagnies minières négligent le développement local, une obligation prévue par le code minier ? « Sieur Moïse » annonce l’interruption de leurs activités si elles ne se lancent pas dans la culture du maïs. Près de 5 000 hectares entrent ainsi en culture. Les indisciplinés seront sanctionnés. L’opinion s’en souviendra : « Moïse, c’est l’homme du social et il fait ce qu’il dit », témoigne un habitant de Lubumbashi.
L’argent
Moïse Katumbi ne manque pas de moyens. Il a renoncé à son traitement de gouverneur et a déjà ordonné la réhabilitation de plusieurs écoles à ses frais. Sa fortune provient du commerce du poisson avec la Gécamines, à la belle époque, et de Mining Company Katanga, société minière dont il a annoncé s’être désengagé lors de son élection. D’une famille de juifs séfarades originaire de l’île grecque de Rhodes émigrée au Katanga dans l’entre-deux-guerres (côté paternel), il est né et a grandi au bord du lac Moero, à la frontière zambienne. Grâce au commerce du poisson, son père a assuré la prospérité familiale. Ayant peu étudié – il est titulaire d’un « diplôme d’État », le baccalauréat, ce qui ne l’empêche pas d’étonner par sa rapidité en calcul mental –, Moïse Katumbi n’a donc jamais connu la misère. « On avait deux culottes, lui, il est arrivé avec des malles », se souvient un camarade de pension.
Les relations avec Kinshasa
Flatter la fibre katangaise sans froisser Kinshasa : membre du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), au pouvoir, Moïse Katumbi doit jouer une partition subtile. Il ne prononce jamais le mot « fédéralisme », honni par les autorités centrales. Mais pour la fête nationale, en 2007, il a défilé dans le cabriolet du héros des irrédentistes, Moïse Tshombe… À Kinshasa, il dispose de quelques soutiens. Augustin Katumba Mwanke, conseiller officieux du chef de l’État, ancien gouverneur du Katanga, a joué un rôle pour son élection. Il trouve en revanche un rival en John Numbi, inspecteur général de la police, suspendu de ses fonctions le 6 juin, originaire du Haut-Lomami, dans le Nord-Katanga.
Les médias
Les médias détachant un journaliste auprès de Moïse Katumbi sont défrayés. Un patron dit recevoir 5 000 dollars par mois. Les faits et gestes du gouverneur sont ainsi relayés. Notamment par Nyota Télévision, dont le directeur délégué, Frédéric Kitengie, également directeur sportif du Tout Puissant Mazembe, est l’un de ses proches. Un temps, l’animal médiatique s’est aussi frotté aux journalistes étrangers. Mais il est plus frileux depuis que, en mars dernier, un article de l’hebdomadaire français Le Point lui a prêté un avenir présidentiel. Dangereux pour celui qui doit être loyal avec Joseph Kabila, qui l’a fait roi.
Ses hommes au Katanga
« Chaleureux » selon un proche, le gouverneur du Katanga aime être entouré. Salomon Idi Kalonda, son conseiller principal et directeur financier du Tout Puissant Mazembe, est du premier cercle. Pour son anniversaire, Moïse Katumbi a sollicité Papa Wemba. Ancien secrétaire général de la Gécamines et actuellement « ministre près le gouverneur », Edmond Mbaz a Mbang est également un fidèle. Idem pour Barthélemy Mumba Gama. Ministre provincial des Mines, ce magistrat a été nommé fin 2009 à l’Agriculture, fer de lance de Moïse Katumbi pour diversifier l’économie. Il peut aussi compter sur l’ancien journaliste Jean-Marie Dikanga Kazadi, aujourd’hui au ministère de l’Intérieur. Et sur Carine, son épouse, avec laquelle il partage un bureau, ainsi que sur ses quatre enfants (dont deux d’un premier mariage), pour lesquels il est, selon un proche, un père « affectueux ».
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Le Katanga attend son heure
Les plus lus – Culture
- Algérie : Lotfi Double Kanon provoque à nouveau les autorités avec son clip « Ammi...
- Stevie Wonder, Idris Elba, Ludacris… Quand les stars retournent à leurs racines af...
- RDC : Fally Ipupa ou Ferre Gola, qui est le vrai roi de la rumba ?
- En RDC, les lampions du festival Amani éteints avant d’être allumés
- Bantous : la quête des origines