Les finalistes au crible #1 : Cellou Dalein Diallo

« Jeune Afrique » passe les finalistes de l’élection présidentielle guinéenne au crible. Avant le candidat du RPG Alpha Condé demain, présentation de celui de l’UFDG Cellou Dalein Diallo. Grâce à son profil de technocrate et à sa réputation d’homme posé, l’ancien ministre de Lansana Conté rassure. Mais il doit aussi répondre de ses années passées au pouvoir.

Au bureau de vote à Conakry, le 27 juin. © Youri Lenquette pour J.A.

Au bureau de vote à Conakry, le 27 juin. © Youri Lenquette pour J.A.

cecile sow

Publié le 22 juillet 2010 Lecture : 6 minutes.

Présidentielle guinéenne : le duel
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Profil :

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43,63 % des voix au premier tour (résultats définitifs).

58 ans, marié, trois enfants

Candidat de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG)

Ministre de 1996 à 2004 sous Lansana Conté

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Premier ministre de décembre 2004 à avril 2006

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Pour les uns, Cellou Dalein Diallo est un homme d’expérience capable de reconstruire la Guinée. Pour d’autres, moins nombreux si on en juge par son score lors du premier tour de l’élection présidentielle du 27 juin (43,63 %), il est un « prédateur de l’économie » puisqu’il a été aux affaires sous le régime corrompu de Lansana Conté. À ces deux catégories s’en ajoute une troisième. Les Peuls (son ethnie) estiment que l’heure est venue pour un membre de leur communauté de prendre les rênes du pays, déjà tenues par un Malinké (Ahmed Sékou Touré), un Soussou (Lansana Conté) et un Forestier de l’ethnie guerzée (Moussa Dadis Camara). La somme de tous ces ingrédients a placé le président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) en tête dans la course à la présidence. Un destin qui a débuté en 1952 à Labé (Moyenne-Guinée) au sein d’une famille d’érudits musulmans.

Parcours impeccable de haut fonctionnaire

Après une brillante scolarité dans sa ville natale puis dans la capitale, Cellou Dalein Diallo décroche son premier diplôme supérieur à l’École supérieure de gestion de l’université de Conakry, en 1976. Il part ensuite à l’étranger pendant les années 1980 et 1990 pour suivre des formations au Centre d’études économiques, financières et bancaires (Cefeb) de Paris, à l’Institut du Fonds monétaire international (FMI), à Washington, ou encore à la Federal Reserve Bank de New York. De retour au pays, il intègre la Banque guinéenne du commerce extérieur en 1982 à l’âge de 30 ans, comme inspecteur du commerce.

Parcours impeccable pour un fonctionnaire qui rejoint en 1986 le saint des saints, la Banque centrale de la République de Guinée (BCRG), où il gravit tous les échelons jusqu’en 1994. Après un court passage à l’Administration et contrôle des grands projets (ACGP, de 1994 à 1996), la politique a fini par le rattraper.

« Le bâtisseur »

Repéré et soutenu par Ibrahima Kassory Fofana – un proche du président Lansana Conté et candidat malheureux à la présidentielle du 27 juin –, il est nommé en 1996 ministre des Transports, des Télécommunications et du Tourisme dans le gouvernement de Sidya Touré, qui, en 2009, avait d’ailleurs déclaré publiquement qu’il a été son « meilleur ministre ». De tous les gouvernements jusqu’en 2004, il enchaîne les portefeuilles techniques (Équipement, Transport, Télécommunications, Travaux publics et Environnement ; Pêche et Aquaculture…) et se forge une réputation d’homme solide, méthodique et sérieux, et de « bâtisseur ». Les ponts sur la Fatala (320 m de long et des fondations de 40 m de profondeur) et sur le Niger font encore aujourd’hui sa « fierté ». Tout comme les routes bitumées en Haute-Guinée reliant Kouroussa, Kankan et Kourémalé (à la frontière malienne) sur environ 300 km. En 1997, il fut aussi celui qui permit l’introduction de la téléphonie mobile. « Je suis fier de mon bilan. Et si je suis entré en politique, c’est bien parce que je n’ai rien à me reprocher et que je me sais capable de faire avancer ce pays », soutient cet homme courtois, qui peut à juste titre faire valoir des états de service sous Conté sans être tombé dans l’asservissement à un régime en déliquescence.

En 2004, à peine promu Premier ministre, il décide d’assainir la gestion du pays. Plein d’audace – ou avec une bonne dose d’inconscience ! –, il veut interdire les marchés de gré à gré et supprimer les passe-droits devenus monnaie courante dans l’administration. Pour mener à bien sa mission, il souhaite s’appuyer sur des collaborateurs et des ministres de confiance. À la présidence, ça coince. Et, en avril 2006, il est limogé pour « faute lourde », accusé d’avoir fait signer la veille au chef de l’État « un faux décret » qui avait profondément remanié son gouvernement. « Quand la nouvelle de mon limogeage est tombée, je me suis senti à la fois blessé et soulagé », se souvient Diallo, qui échappe quelques jours plus tard à une tentative de déstabilisation. « Deux hommes voulaient me confondre en faisant croire que je m’apprêtais à quitter le pays avec une importante somme d’argent. Ils étaient venus m’attendre à l’aéroport avec une mallette. J’avais prévu d’aller à Paris. Mais comme quelques heures avant mon départ j’ai décidé de partir pour Abidjan dans un vol prévu plus tôt, ils m’ont manqué et la mallette est restée entre leurs mains », dit-il amusé.

Viennent ensuite un exil de douze mois, une série d’audits sur sa gestion puis un engagement partisan de premier plan. Si à l’époque du président Lansana Conté il lui arrivait de battre campagne pour le Parti de l’unité et du progrès (PUP, ancien parti au pouvoir), ce n’est qu’en 2007 qu’il devient officiellement membre d’un parti politique. Après de longues tractations avec notamment l’Union pour le progrès et le renouveau (UPR, présidée par Ousmane Bah), il intègre et prend la tête de l’UFDG, avec la bénédiction d’un autre opposant historique, Mamadou Bâ (décédé en mai 2009).

Imperméable aux attaques

Après les humiliations de Conté, Diallo subit les foudres de Moussa Dadis­ Camara. À peine arrivé au pouvoir, le capitaine commandite, le 1er janvier 2009, une descente musclée de militaires à son domicile. « Opposant aux mains sales », « orgueilleux pensant qu’une ethnie peut diriger le pays »…, les injures lors des fameux « Dadis Show » sont encore dans toutes les mémoires. En août de la même année, Dadis va jusqu’à ordonner la fermeture de l’aéroport de Conakry à tous les vols commerciaux après avoir appris que les militants de l’UFDG préparaient un accueil grandiose à leur leader de retour de voyage. Un mois auparavant, la tournée de Diallo à l’intérieur du pays avait été brutalement interrompue par l’armée.

L’aversion du putschiste pour « Cellou » a plusieurs explications. Ce dernier n’a jamais salué sa prise de pouvoir au lendemain de la mort de Lansana Conté. Il a refusé de renoncer à ses ambitions présidentielles au profit du capitaine, qui lui proposait en échange un poste de chef de gouvernement. Il a été le premier opposant d’envergure à déclarer publiquement son refus d’une candidature de Dadis à la magistrature suprême.

Le 28 septembre 2009, lors de la manifestation de l’opposition au stade de Conakry sauvagement réprimée par les militaires, il est grièvement blessé. Cet acharnement dont il a été victime a largement contribué à sa popularité. D’autant que les preuves d’une mauvaise gestion lorsqu’il fut Premier ministre n’ont jamais été apportées. De toute façon, Cellou » reste imperturbable. On le dit peu « réseauté » par rapport à Alpha Condé, mais il entretient des relations cordiales avec de nombreux dirigeants africains (entre autres Abdoulaye Wade, Amadou Toumani Touré, Blaise Compaoré, Faure Gnassingbé, Ali Bongo Ondimba). « Cellou est un homme droit. Il a toujours regardé ses adversaires sans sourciller. Cela confirme qu’il n’a rien à se reprocher », affirme un cadre de l’UFDG, tandis que Condé multiplie les attaques sur ses années au pouvoir.

Parfois accusé d’être un leader ethno­centriste à la tête d’un parti peul, le candidat prend soin de tenir un discours rassembleur. Quand on lui reproche d’avoir été généreusement financé par des commerçants peuls dont il deviendrait l’otage s’il était élu, il répond qu’il sera « impartial » en cas de victoire. Alors que ces contempteurs exigent que la lumière soit faite sur les audits, il répète qu’il ne se sent pas concerné et que le plus urgent est de « protéger l’avenir en instaurant un climat sain alimenté par une gestion transparente, condition essentielle à l’avancée de la Guinée ». Toujours imperturbable, la voix posée.

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