Le cas algérien

Les relations diplomatiques algéro-françaises ayant toujours évolué sous le signe des rendez-vous manqués, ses secteurs les plus développés restent la sécurité et le « business first ».

Zinedine Zidane, Jean-Pierre Raffarin et Claude Guéant incarnent les relations algéro-françaises. © Reuters/Montage JA

Zinedine Zidane, Jean-Pierre Raffarin et Claude Guéant incarnent les relations algéro-françaises. © Reuters/Montage JA

Publié le 8 décembre 2010 Lecture : 5 minutes.

France – Maghreb : voyage au coeur des réseaux
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France – Maghreb : voyage au coeur des réseaux

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En visite à Alger, le 24 novembre, Jean-Pierre Raffarin est le nouveau missi dominici pour tenter de relancer les relations entre les deux pays. Le choix de l’ancien Premier ministre français a été conclu, le 20 juin, lors de la rencontre entre Claude Guéant et Abdelaziz Bouteflika. Le secrétaire général de l’Élysée était accompagné de Jean-David Levitte, le sherpa de Nicolas Sarkozy, et du diplomate Nicolas Galey, chargé de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient au Château.

La nomination de Michèle Alliot-Marie – considérée comme une amie de l’Algérie (elle s’y est rendue à trois reprises, comme ministre de la Défense en 2003, ministre de l’Intérieur en 2007, et garde des Sceaux en 2010) – à la tête de la diplomatie est plutôt bien accueillie de l’autre côté de la Méditerranée. Son prédécesseur, Bernard Kouchner,­ avait mauvaise presse à Alger. L’ambassadeur de France, Xavier Driencourt, a pour principal interlocuteur au Quai d’Orsay Patrice Paoli, directeur Afrique du Nord - Moyen-Orient. Dans ce service, le « rédacteur Algérie » Fabrice Desplechin a la particularité d’être diplomate et acteur de cinéma, notamment dans certains films de son frère Arnaud.

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Lutte antiterroriste

Fille aînée de l’Église, la France a toujours été représentée par des ecclésiastiques en Algérie. Bien qu’ayant pris sa retraite en 2007, l’archevêque d’Alger, Henri Tessier,­ a choisi de rester dans son « deuxième pays » pour y prôner le dialogue des religions et défendre la liberté de culte.

Au plan politique, la gauche française a trusté les premiers rangs durant les deux premières décennies postindépendance. Elle disposait de ses « entrées », à l’instar du milliardaire rouge Jean-Baptiste Doumeng, ou des socialistes Claude Cheysson et Roland Dumas. Au fil du temps, on a ensuite assisté à une sorte de glissement idéologique chez les lobbyistes français, qui se recrutent désormais à droite.

Cette évolution a paradoxalement commencé sous la présidence Mitterrand. C’est un centriste, l’UDF Yves Bonnet, qui prend la tête en 1982 de la Direction de la surveillance du territoire (DST, contre-espionnage). Pour avoir participé aux « opérations de maintien de l’ordre » durant la guerre d’indépendance, la DST était particulièrement « arabophobe ». En 1985, le préfet Bonnet convainc François Mitterrand qu’il convient de tourner la page pour mieux coopérer. Il invite à Paris le colonel Mejdoub Lakehal Ayat, alors patron de la sécurité militaire, et son adjoint Smaïn Lamari. Ce dernier, directeur du renseignement extérieur (DRE), devient très proche de Bonnet. Et, dans un milieu où « l’affectif est aussi important que le fonctionnel », selon l’ancien patron de la DST, cela va révolutionner les relations et permettre d’intensifier les échanges d’informations dans la lutte antiterroriste. Ce n’est pas le superflic Bernard Squarcini, natif de Rabat et directeur central du renseignement intérieur (DCRI), qui s’en plaindra aujourd’hui.

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Droite et gauche

Le libéral et ancien ministre Alain Madelin – qui a multiplié les actions de solidarité envers les militants algériens de la laïcité durant les années de plomb –, Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille – dont le port enregistre près de 30 % de ses activités avec le voisin du Sud –, ou le giscardien Hervé de Charette – ancien chef de la diplomatie dans le gouvernement d’Alain Juppé et actuel président de la Chambre de commerce franco-arabe – ont comblé le vide laissé par les décideurs de gauche, naguère habitués des palaces algérois. Cela dit, la gauche résiste à travers des personnalités comme Michel Vauzelle, président du Conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), le député socialiste Bernard Derosier, actuel président du groupe d’amitié Algérie-­France à l’Assemblée nationale, ou encore l’étoile montante du PS, Manuel Valls, maire d’une commune (Évry) où vit une importante communauté algérienne.

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Conséquence de la guerre de libération, les armées des deux pays ne sont pas réputées pour la qualité de leurs relations. Il a fallu attendre 2003 pour qu’un chef d’état-major français, le général Henri Bentégeat,­ se rende officiellement en Algérie. Quatre ans plus tard, son successeur, le général Jean-Louis Georgelin, remet à son homologue les plans des sites minés par l’armée coloniale. Autre haut gradé à s’être régulièrement rendu en Algérie : le général Christian Quesnot, ancien chef d’état-major particulier de François Mitterrand­ et récemment sollicité par Areva pour revoir ses mesures de sécurité au Niger.

Côté business, les patrons du CAC 40 qui veulent pénétrer le marché algérien (Danone, Alstom, Accor…) tentent de tisser leur toile. L’ancien commissaire européen Yves-Thibault de Silguy, président de Vinci et vice-président du Medef International, fait office de facilitateur. Si le pétrolier Total et le gazier GDF Suez n’ont pas franchement besoin de ses services, les autres sociétés peuvent compter localement sur Jean-Marie Pinel, PDG de KPMG Algérie et président de la Chambre de commerce et d’industrie algéro-française. Présent dans la capitale algérienne, Suez Environnement est représenté par Jean-Marc Jahn, directeur général de la Société des eaux et de l’assainissement d’Alger. Au sein du groupe européen EADS (aéronautique et défense), le « dossier Algérie » est suivi par Jean-Philippe Gouyet, vice-président Afrique. Depuis Paris, l’avocate franco-algérienne Maya Kellou, du cabinet Fidal, s’active au sein du Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian). À Alger, Nassila Sellal, déléguée générale de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP), est l’ordonnatrice du pavillon France lors de la Foire internationale d’Alger.

L’apport des rapatriés

Enfin, les relations complexes et passionnées entre les deux pays reposent aussi sur un réseau d’universitaires et d’intellectuels ayant maintenu la densité des échanges au-delà des crises qui ont émaillé l’Histoire. C’est notamment le cas des historiens Benjamin Stora et Olivier Le Cour Grandmaison. Au plan artistique, l’apport des « rapatriés » est indéniable. Le cinéaste Alexandre Arcady, les comédiens Robert Castel et Roger Hanin ou encore l’humoriste Guy Bedos véhiculent une certaine idée de la France dans leur pays natal. L’apport de la communauté algérienne en France et des binationaux, à l’instar du footballeur Karim Ziani, du cinéaste Rachid Bouchareb et de la réalisatrice Yamina Benguigui, est loin d’être négligeable. Mais le plus illustre défenseur de l’image de la France au pays de Bouteflika est sans conteste Zinedine Zidane.

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