Le clan des Tunisiens

Le réseau français des « pro-Tunisiens » n’a pas attendu que les lobbys soient à la mode pour user de son entregent.

Publié le 1 décembre 2010 Lecture : 4 minutes.

Dans le premier cercle, on compte les attachés du cœur comme le fils du pays, Bertrand Delanoë, le maire de Paris, qui fait « terre natale commune » avec Pierre Lellouche. Le nouveau secrétaire d’État au Commerce extérieur plaide en faveur de Tunis auprès de l’Union européenne (UE) et dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée (UPM).

Le médecin Gabriel Kabla reconnaît d’ailleurs l’existence « d’un lobby tunisien en France » dans lequel gravitent, notamment, deux vieux copains du lycée Carnot de Tunis : Jean-Paul Fitoussi – économiste et membre du Conseil d’analyse économique chargé d’éclairer le gouvernement de François Fillon – et Alain-Gérard Slama, membre du comité éditorial du Figaro.

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Le carnet d’adresses du cancérologue des VIP, David Khayat, n’a rien à envier à celui de son amie, l’avocate au barreau de Paris Samia Maktouf, proche de Leïla Ben Ali, qui défend, entre autres, les intérêts de nombreuses entreprises françaises en Tunisie.

Le charme du pays du Jasmin repose notamment sur le business. Le promoteur le plus remarqué de la Tunisie, oasis de l’offshore, est Philippe Cussonnet, patron de SEA LATelec (filiale du groupe aéronautique Latécoère), président du Groupement des industries tunisiennes aéronautiques et spatiales (Gitas) et membre de la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie (CTFCI). Une vraie tour de contrôle. Sur le tarmac de l’aéroport de Tunis, on voit également Fabrice Brégier, directeur général d’Airbus, et Christian Cornille, le patron d’Aerolia, autre filiale d’EADS.

Oasis de l’offshore

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Le patron du groupe électronique Actia, Christian Desmoulins, proche d’Afif Chelbi, ministre tunisien de l’Industrie et de la Technologie, n’est pas en reste non plus lorsqu’il s’agit de vanter les mérites de la destination tunisienne. Tout comme Éric Hayat, vice-président du groupe Steria (services) et président du Conseil France-Tunisie du Medef. Tandis que Jean Azéma, vieil ami des patrons français et directeur général de Groupama – qui détient 35 % de la Star, première société d’assurances en Tunisie -, a remis, en septembre, les insignes de chevalier de l’ordre national de la Légion d’honneur à Elyès Jouini, le vice-président de l’université Paris-Dauphine. Ce normalien spécialiste des mathématiques appliquées à l’économie est un maillon incontournable des réseaux d’influence français en Tunisie, tout comme l’agrégé de géographie Hakim el-Karoui, de la banque Rothschild, fondateur du Club XXIe siècle et des Young Mediterranean Leaders. Ces deux forts en thème sont issus de familles impliquées dans la politique tunisienne : les Mzali et les Ben Mahmoud pour le premier, les Karoui et les Ben Salah pour le second.

Les sphères de ces deux Tuniso-Français mêlent intellectuels, hommes d’affaires et responsables politiques. Hakim el-Karoui a été la plume du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui participe à toutes les réunions importantes de l’Institut arabe des chefs d’entreprises (Iace) et qui est un proche de Hedi Djilani, l’inamovible patron des patrons tunisiens. Porte d’entrée à Matignon – il est président du Conseil d’analyse économique -, le très écouté Christian de Boissieu, également président du Cercle d’amitié France-Tunisie, est un fin connaisseur des enjeux de développement. Pour la promotion des échanges, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca), présidée par Michel Vauzelle, est également en pointe.

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Outre les questions de développement, les droits de ses compatriotes établis en Tunisie font partie des préoccupations de Monique Cerisier-Ben Guiga, sénatrice des Français établis hors de France, alors que l’ami inconditionnel du pays, Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture, soutient les artistes tunisiens et se fait le chantre des échanges culturels entre les deux pays, notamment dans l’audiovisuel. C’est d’ailleurs Valéry Fréland, l’un de ses fidèles, qui, depuis septembre, est chargé de l’Institut français de coopération en Tunisie (IFC Tunis). Dans le sillage du neveu de l’ancien président, Mathieu Gallet, le très jeune directeur de l’Institut national de l’audiovisuel (INA), se préoccupe des archives tunisiennes en France, et Marie-Christine Saragosse, la directrice de TV5 Monde, programme régulièrement des productions tunisiennes.

C’est autour de l’image internationale du pays que veulent officier deux communicants. Jacques Séguéla, qui vient d’installer Havas en Tunisie, devra compter avec Anne Méaux, la toute-puissante patronne d’Image Sept, qui prodigue ses conseils et ouvre son carnet d’adresses au président Ben Ali. Hosni Djemmali semble aussi orchestrer la confrérie médiatique. Cet hôtelier, fondateur de la revue Tunisie Plus et de l’association Échanges franco-tunisiens – présidée par l’ancien magistrat et ex-député Georges Fenech, né à Sousse -, cultive une vieille amitié avec la famille Debré et le journaliste Michel Schifres, membre du comité éditorial de Tunisie Plus. Étienne Mougeotte et Jérôme Béglé, du Figaro, sont également fans de la Tunisie. Fidèle à une amitié née durant les années de lutte pour l’indépendance, Jean Daniel, cofondateur du Nouvel Observateur, reste très attaché au pays.

Le lobby tunisien, en France, a aussi ses ambassadrices de charme telles que la décoratrice Leïla Menchari, qui réunit tout le bottin mondain autour de ses créations pour la maison Hermès, et l’écrivain Hélé Béji, qui convie régulièrement l’intelligentsia parisienne aux rencontres du Collège international de Tunis. Son frère est le producteur de cinéma et homme d’affaires Tarak Ben Ammar, le VRP franco-tunisien certainement le plus puissant.

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