Mali : ce qu’ATT veut laisser en héritage
Dernier chantier d’envergure président malien Amadou Toumani Touré : le projet de révision de la Constitution. Il pourrait être soumis à référendum en décembre ou janvier.
Où va le Mali ?
Des milliers de kilomètres de routes bitumées, des centaines de milliers d’hectares de terres mis en valeur, des dizaines de milliers de logements sociaux (les fameux « ATT Bougou » ou « cités ATT »), des centaines de centres de santé, une capitale malienne transformée, avec ses quartiers d’affaires, des centres commerciaux fonctionnels et un urbanisme maîtrisé… Amadou Toumani Touré (ATT) aurait pu se contenter d’entrer dans l’Histoire comme le bâtisseur du Mali moderne. Mais cela ne suffit pas, car le dirigeant nourrit d’autres ambitions pour son pays.
« Construire des ponts et désenclaver l’arrière-pays, améliorer le quotidien du Malien et son pouvoir d’achat ne sauraient être suffisants si l’on ne consolide pas les fondements de l’État, martèle-t-il. Et un État, c’est d’abord la Constitution, et ensuite, l’édifice institutionnel. »
Adoption, réaction
Le projet de révision de la Constitution, dernier chantier d’envergure du chef de l’État sortant, a été adopté, le 3 août, par le Parlement, avec 141 voix pour, 3 contre et 3 abstentions. Soupçonné de vouloir retoucher le texte fondamental pour briguer un troisième mandat, ATT a fait taire ses détracteurs : l’article limitant à deux le nombre de mandats présidentiels demeure inchangé.
Cependant, si la classe politique se range unanimement derrière le président actuel, il en va autrement de la société civile. Un collectif « Touche pas à ma Constitution », regroupant une vingtaine de partis, de syndicats et d’associations, dénonce « la nette “présidentialisation” du régime ». À la tête de ce mouvement, Ali Nouhoum Diallo, l’un des barons de l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adema), ancien président de l’Assemblée nationale et ex-président du Parlement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Afin de ne pas être en porte-à-faux avec son parti, qui soutient sans réserve la démarche d’ATT, Ali Nouhoum s’est engagé dans ce combat à titre individuel. Pour lui, « le nouveau texte codifie la pratique antidémocratique en concentrant tous les pouvoirs entre les mains du locataire de Koulouba, au détriment des prérogatives des élus de la nation ».
Les amendements introduits sont pourtant le fruit d’une concertation de près de trois ans, sanctionnée par le rapport Daba Diawara – qui pilotait le comité chargé de la « réflexion sur la consolidation de la démocratie au Mali » et a été nommé ministre de la Réforme de l’État en avril. ATT a ensuite mis en place la Commission d’appui aux réformes institutionnelles (Cari), qui a apporté des modifications à une trentaine d’articles.
Contre la montre. « Mon prédécesseur [Alpha Oumar Konaré, NRLR] avait constaté les dysfonctionnements de nos institutions, mais n’a pas eu le temps d’y remédier, explique le président Touré. Je suis le mieux placé pour le faire, pouvant légitimement revendiquer une part de paternité de l’actuelle Constitution, élaborée par la Conférence nationale que j’ai présidée en 1992. »
ATT aura-t-il assez de temps, lui-même, pour organiser un référendum avant le premier tour de la présidentielle ? « Oui, assure un constitutionnaliste membre du Cari, ce sera d’ailleurs une excellente opportunité pour tester notre dispositif électoral avant les scrutins de 2012. » La révision du fichier électoral a débuté le 1er octobre et s’achèvera le 30 novembre. Dans les délais pour tenir un référendum en décembre 2011 ou janvier 2012.
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Cherif Ouazani, envoyé spécial à Bamako
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