RDC – Présidentielle : le scrutin manque de transparence, selon l’UE
Après les observateurs nationaux, le Centre Carter et l’archevêque de Kinshasa, c’est au tour de la mission d’observation de l’Union européenne de regretter le manque de transparence et de pointer du doigt les nombreuses irrégularités de l’élection présidentielle du 28 novembre en RDC. Le mot fraude n’est pas prononcé, mais il est sur toutes les lèvres à Kinshasa.
Présidentielle et législatives 2011 en RDC
Déclaré vainqueur de la présidentielle du 28 novembre en RDC par la Ceni, Joseph Kabila pourra-t-il se prévaloir à l’avenir du titre de président démocratiquement élu ? Rien n’est moins sûr. Alors qu’il considère que les « erreurs » du processus électoral ne remettent pas en cause selon lui la « crédibilité » du scrutin, les observateurs de l’Union européenne ont donné des arguments à l’opposition congolaise groupée autour d’Étienne Tshisekedi qui rejette « en bloc » la victoire du chef de l’État.
« L’absence d’observateurs lors de la consolidation des résultats au Centre national de traitement de la Commission électorale à Kinshasa ne peut qu’affecter la confiance dans les résultats annoncés et leur crédibilité », écrit dans un communiqué la Mission d’observation électorale de l’UE (MOE-UE), qui a déployé 147 observateurs en RDC. Non seulement la centralisation et le traitement des données électorales suscitent la suspicion de fraude – et le président de la Ceni, le pasteur Daniel Ngoy Mulunda, aura du mal à objecter qu’il s’agit là d’un simple problème d’organisation ou de moyens – mais la publication des résultats provisoires est elle-aussi entachée de nombreuses irrégularités et marquée par un grave manque de transparence.
Résultats volatilisés
« Les résultats par bureau de vote (BV) publiés par la Ceni, ne comprennent pas les procès-verbaux de chaque BV établis à la fin du dépouillement. Ces résultats ne reprennent que la saisie informatisée des PV, réalisés au sein des Centres locaux de compilation (CLCR dans 169 circonscriptions), parfois sans témoins », explique la MOE-UE. Qui liste aussi les cas les plus troublants. « Plusieurs résultats de BV rendus publics le soir du dépouillement (…), notamment à Lubumbashi, ne correspondent pas avec ceux publiés par la Ceni », ajoute le MOE-UE.
Autre problème de taille : au total, 7,63% des 64 000 bureaux de votes répartis sur le territoire n’ont pas été comptabilisés, ce qui représente 1,6 million d’électeurs dont les voix ont purement et simplement disparu. En d’autre termes, les résultats de 4 875 bureaux de vote – dont 2 020 à Kinshasa, le fief de l’opposant Étienne Tshisekedi ! – se sont mystérieusement volatilisés.
Un problème qui alimente évidemment les soupçons de fraude, surtout si on le considère avec un autre chiffre troublant : quelque 3,2 millions d’électeurs ont voté sur des listes de dérogations ou d’omis – leur nom manquant sur les listes électorales des bureaux. Or cela représente 17% du total des votants, contre 8% environ en 2006 lors du précédent scrutin présidentiel. Les élections ont-elles été encore plus mal organisées en 2011 qu’il y a cinq ans, où cette liste a-t-elle été purement et simplement gonflée ?
Autre indice laissant présager la possibilité de fraudes massives, les problèmes ayant affecté l’affichage et la compilation des résultats au niveau provincial, en particulier au Katanga, dans le Sud-Kivu, à Kinshasa et dans la Province orientale. Des observateurs et des témoins de partis politiques y ont été fréquemment empêchés par les autorités de vérifier l’intégrité du processus électoral.
Comble de l’opacité
Le comble de l’opacité semble avoir été atteint lorsque des bureaux de la Ceni ont publiquement violé la loi électorale en demandant à plusieurs CLCR de ne pas afficher immédiatement les résultats de la compilation mais de les envoyer d’abord au siège de la Ceni afin de réaliser « un contrôle de cohérence », explique la mission de l’UE, qui cite à nouveau les cas de Kinshasa, Lubumbashi, Kisangani ou Goma.
« Il est de la responsabilité des acteurs politiques et des institutions congolaises de mener leur propre examen des résultats des élections et d’identifier les solutions à la situation actuelle », conclut la députée bulgare Mariya Nedelcheva qui dirige la MOE-UE, citée dans le communiqué. Et la position des observateurs de l’UE est loin d’être isolée.
Les observations de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) ont également remis en question la crédibilité du scrutin, par la voix de l’archevêque de Kinshasa, le cardinal Monsengwo, qui a déclaré lundi que que les résultats de la présidentielle « n’étaient pas conformes à la vérité ni à la justice. » Samedi, la mission d’observation du Centre Carter avait estimé que le processus électoral manquait de crédibilité. Un jugement balayé d’un revers de main par le pasteur Daniel Ngoy Mulunda. Mais deux jours avant, Me Mwila Kayembe, président du Réseau national pour l’observation et la surveillance des élections en RDC, avait déclaré à jeuneafrique.com : « Joseph Kabila n’aurait pas remporté ces élections sans les fraudes ».
(Avec AFP)
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