États-Unis : la nouvelle frontière africaine
De grands espoirs en petits progrès, la politique américaine sur le continent n’a guère évolué sous le premier mandat de Barack Obama. Mais les changements intervenus après les révolutions arabes et les perspectives de croissance dans la plupart des pays incitent Washington à réviser ses objectifs.
États-Unis – Afrique : good morning Africa !
Les Africains espéraient chez lui un tropisme naturel, il a assuré le service minimum. En trois ans et demi de présidence, Barack Obama, fils d’un Kényan et d’une Américaine, ne s’est rendu que deux fois sur le continent : au Caire en juin 2009 pour une ode au monde arabe ; et à Accra, un mois plus tard, pour vanter démocratie et bonne gouvernance. Et puis plus rien, hormis la réception ponctuelle de quelques chefs d’État en quête de photos-souvenir à la Maison Blanche et de leaders de la société civile pour les 50 ans des indépendances africaines. Les États-Unis se désintéresseraient-ils de l’Afrique ? Non, bien sûr. Le continent n’est certes pas au coeur des priorités de leur politique étrangère, mais il constitue une zone d’intérêt croissant où Hillary Clinton, la secrétaire d’État, a effectué plusieurs tournées. À Washington, les dossiers africains sont suivis par le département d’État (à savoir Johnnie Carson, secrétaire d’État adjoint du bureau des Affaires africaines, Jeffrey Feltman, son homologue pour le Proche-Orient et l’Afrique du Nord, et Susan Rice, l’ambassadrice à l’ONU), le Conseil national de sécurité, le Pentagone et la CIA.
Surprise par le Printemps arabe, la Maison Blanche a fini par épouser sa cause en favorisant les changements de régime en Égypte et en Libye. Elle a investi 500 millions de dollars (386 millions d’euros) pour appuyer les transitions en 2011. Depuis longtemps, contrairement aux Français, les Américains discutent avec les partis islamistes. Washington s’inquiète toutefois de la prolifération des armes dans la région sahélo-saharienne depuis la chute de Kadhafi. Comme son prédécesseur George W. Bush, Obama cherche à réduire l’influence des djihadistes. Si la lutte contre les Shebab enregistre des progrès en Somalie, le Sahel est un nouveau sanctuaire pour les terroristes. La recrudescence des attaques de la secte Boko Haram au Nigeria est une autre inquiétude. Le géant ouest-africain assure 8 à 9 % des besoins pétroliers américains, soit l’équivalent des importations provenant d’Arabie saoudite. Washington redoute la constitution d’un arc de cercle terroriste allant de l’Atlantique au Pacifique.
Construction
Alors que les troupes américaines ne sont pas les bienvenues, la Maison Blanche assure une contribution multiforme (assistance en matériel, formation des troupes, renseignement, actions ciblées contre des islamistes) pour aider les gouvernements et les organisations régionales. Ce soutien s’articule autour du Partenariat transsaharien contre le terrorisme et sa version militaire, l’opération Liberté durable dans le Trans-Sahara menée par le Commandement américain pour l’Afrique (Africom), basé à Stuttgart.
Presque 20 % des approvisionnements pétroliers américains proviennent d’Afrique, où les majors texanes sont très implantées (Algérie, Libye, Nigeria, Angola, Guinée équatoriale…). Une part qui n’a cessé de progresser depuis dix ans et qui a dopé les importations des États-Unis, pour atteindre 74,2 milliards de dollars en 2011. Les exportations vers le continent, quant à elles, sont passées de 7 milliards de dollars en 2001 à 21 milliards de dollars en 2011. « L’Afrique est un marché en pleine expansion », rappelle Johnnie Carson, qui a emmené en février 2012 les grands groupes (Anadarko Petroleum Corporation, Chevron, General Electric, Caterpillar…) en prospection dans quatre pays (Mozambique, Nigeria, Tanzanie, Ghana). « Dans les dix à quinze prochaines années, le continent va connaître un essor de la construction d’infrastructures – énergie, routes, ports, chemins de fer. C’est important pour nos entreprises d’y participer », précise Nils Tcheyan, directeur Afrique de General Electric.
Pour le reste, la doctrine américaine n’a pas évolué depuis Bill Clinton. « Nous prévoyons de continuer à privilégier le financement des programmes qui renforcent la démocratie, la bonne gouvernance et la primauté du droit, et de promouvoir la participation des femmes et de la société civile », a expliqué Johnnie Carson devant la Commission des affaires étrangères du Sénat, le 18 avril dernier. Régulièrement, Washington adresse bons et mauvais points. Le président américain a reçu le 29 juillet 2011 ses homologues Boni Yayi (Bénin), Mahamadou Issoufou (Niger), Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire) et Alpha Condé (Guinée). « Tous ces dirigeants ont été élus lors d’élections libres et justes », a-t-il justifié. Cette année, l’administration américaine a appelé le président Wade à respecter les institutions et le verdict des urnes. Carson a déploré que la présidentielle camerounaise ait été entachée d’irrégularités. Une façon de justifier l’aide américaine à l’émergence de sociétés civiles dynamiques, seuls véritables contre-pouvoirs de régimes jugés autocratiques. Onze présidents règnent en Afrique depuis plus de quinze ans. C’est visiblement trop pour Washington, qui préconise la limitation de la durée des mandats.
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