L’Afrique, dans cinquante ans
Véronique Tadjo a écrit plusieurs romans et recueils de poèmes et consacré une partie de son oeuvre à la jeunesse. Née à Paris, elle a passé toute son enfance et fait l’essentiel de ses études en Côte d’Ivoire. Elle réside actuellement à Johannesburg, où elle enseigne à l’université du Witwatersrand. Son dernier livre, Loin de mon père, a été publié en 2010 par Actes Sud.
Développement : l’Afrique idéale
Dans cinquante ans, il n’y aura plus de guerre. Jamais. Nous vivrons sur un même continent, traversant les frontières allègrement d’un pays à l’autre. Pays ? Non, cette notion aura disparu car nous serons africains avant tout. Je serai moi, tu seras toi, mais nous serons multiples, forts du même enracinement. C’est le plus grand projet qui nous attend. Le projet qui rendra les autres projets possibles.
Nous serons tous multilingues, tous polyglottes. Nous parlerons une langue unique d’Afrique et nous parlerons aussi nos langues maternelles car elles seront enseignées à l’école de la même manière que nos langues officielles protégées par la Constitution.
Nous aurons une monnaie commune, bien sûr. Nous abandonnerons les taux de change et les barrières douanières.
Des villes en pleine expansion et aux centres multiples. Mais des villes propres où la pollution sera un mauvais souvenir. Plus de déchets toxiques. Plus de lagunes qui suffoquent sous l’étreinte meurtrière des jacinthes d’eau. Plus de mers dans lesquelles se déversent nos saletés et le poison des usines malfamées. Nous nous baignerons dans les vagues pour retrouver la vigueur des océans.
Et les jeunes dans les écoles et les universités auront des tablettes – jusque dans les villages reculés – et seront connectés au monde extérieur. Ils suivront des cours dispensés virtuellement et collaboreront à des travaux scientifiques avec d’autres étudiants à des milliers de kilomètres. De nouvelles façons de partager, de nouvelles façons d’apprendre.
Nous aurons trouvé notre place au niveau planétaire car nous marquerons notre présence sur internet, via Twitter, Facebook, Google et autres. Les images transmises au monde entier ne seront plus celles de peuples affamés et malades, de colonnes de réfugiés et de pays en conflit, mais celles d’hommes et de femmes en accord avec leur temps.
La guerre de l’eau n’aura pas lieu, malgré les mauvaises prédictions, car nos déserts auront retrouvé leur allure verdoyante et l’eau coulera, claire et propre, comme une musique à nos oreilles.
Dans cinquante ans, nous aurons compris que nos ressemblances sont plus nombreuses que nos différences et que nos destins sont liés à jamais. Nous saurons que l’important c’est de vivre ensemble et de rassembler nos énergies. Il ne sera plus nécessaire de nous convaincre que l’Histoire nous appartient et que nous pouvons la façonner.
Oui, deux et deux ne font pas forcément quatre. La meilleure façon d’innover, c’est de mêler le passé au présent afin d’imaginer le futur. Le soleil est brûlant, mais il faut se souvenir que l’ombre a toujours existé.
Dans cinquante ans, nous cesserons de croire que l’argent est plus fort que tout. Il ne restera plus seulement au fond des poches de quelques-uns, et la majorité pourra mettre les petits plats dans les grands. De toute façon, le volontariat sera à l’ordre du jour et les présidences seront tournantes.
Dans cinquante ans, l’Afrique courra plus vite. L’industrialisation sera pour de vrai car nous fabriquerons des machines et produirons en quantités suffisantes pour satisfaire nos besoins et bien plus. Notre agriculture sera à la pointe du progrès.
Enfin, dans cinquante ans, je t’aimerai encore. Tu seras l’homme, l’ami que j’ai rencontré sur mon chemin et qui a bien voulu marcher avec moi. Tu seras le jeune vieillard et je serai la grand-mère séduisante. Nous aurons fait trois fois le tour du monde. Nos enfants seront beaux comme les grands arbres de la forêt et nos rêves seront devenus réalité.
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Développement : l’Afrique idéale
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