Burundi : ici et nulle part ailleurs…
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 18 septembre 2012 Lecture : 2 minutes.
Burundi : retour sur scène
Qui, hors des frontières de ce petit pays de 10 millions d’habitants niché au coeur de l’Afrique des Grands Lacs, s’en est rendu compte ? Jusqu’en avril 2012 et l’amnistie définitive de l’intéressé, prononcée presque en catimini dans la torpeur d’un vendredi traditionnellement consacré aux sports collectifs, le Burundi avait à sa tête un condamné à mort. Ancien rebelle démocratiquement élu en 2005 (puis réélu en 2010), Pierre Nkurunziza traînait derrière lui cette sentence assénée à la fin des années 1990 avant que les accords de paix d’Arusha ne viennent la suspendre. Apparemment, cette incongruité ne gênait personne.
Autre étrangeté dans une Afrique où le politiquement correct, mais aussi le souvenir cuisant des identités meurtrières, veut que l’on taise en public son appartenance tribale, l’existence des deux ethnies – Hutus majoritaires et Tutsis – est ici non seulement revendiquée, mais donne lieu à une politique de quotas, au sein tant de l’exécutif que du Parlement et de l’armée.
Pour construire leur pays, les Burundais ont adopté une démarche inverse de celle de leurs voisins rwandais.
C’est en assumant ses différences et ses spécificités communautaires que l’on construit une nation : cette démarche, radicalement inverse de celle du voisin rwandais, est unique sur le continent. Au Burundi et nulle part ailleurs…
La pesanteur des réflexes sociaux et l’univers mesquin, trop souvent violent, qui est celui de la politique burundaise font cependant que la voie choisie il y a douze ans à Arusha est périlleuse à suivre.
Au pouvoir depuis 2005, le président Nkurunziza, 48 ans, footballeur émérite, prédicateur explosif et ancien maquisard des collines, est certes parvenu à ratisser au-delà de son socle ethnique, en nouant de bonnes relations avec le Rwanda de Paul Kagamé et en quadrillant les campagnes, où résident plus de 80 % de ses comspatriotes. Sa simplicité, son enracinement rural et les mesures spectaculaires prises en faveur de l’éducation et de la santé du monde paysan ont contribué à asseoir sa popularité, même si l’opposition et la société civile, pugnaces et essentiellement implantées à Bujumbura, y voient avant tout l’expression d’une dérive populiste, personnelle et autoritaire.
Reste que le clivage principal, s’il n’oppose plus les Hutus et les Tutsis mais les Hutus entre eux, dans le cadre d’une compétition pour le pouvoir qui s’est substituée au cycle infernal des revanches ethniques du passé, n’en est pas moins lourd de menaces.
Les récentes velléités de reprise des hostilités par une faction se réclament des Forces nationales de libération, groupe longtemps proche des ex-génocidaires hutus rwandais, sont à cet égard aussi irresponsables qu’inquiétantes.
Pierre Nkurunziza, dont l’élection en 2010 a été contestée par ses adversaires et à qui l’on prête l’intention de se représenter en 2015 (le débat constitutionnel sur ce point n’est toujours pas tranché), doit veiller à ce que la réponse de l’État soit proportionnée. Rien ne serait plus dommageable pour l’exception burundaise qu’une réaction indiscriminée confondant démocrates et hors-la-loi.
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