Idriss Déby, le parrain
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Tshitenge Lubabu M.K.
Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.
Publié le 20 mars 2013 Lecture : 3 minutes.
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Jamais Idriss Déby Itno, le président tchadien, n’aura été une figure aussi consensuelle sur le continent. Partout, chacun loue le courage et la détermination qui l’ont poussé à envoyer plus de 2 000 hommes, dont son propre fils, dans le nord du Mali. Ils y sont allés, dans ce désert malien, non pas pour pique-niquer, mais pour défendre un idéal : faire preuve de solidarité envers un peuple frère en péril.
Pendant que la plupart de ses pairs ne cessent de se dédire, le numéro un tchadien s’est montré cohérent dans son engagement. Ses hommes sont aux avant-postes, sur un terrain qui leur rappelle le nord de leur propre pays, en train d’en découdre avec les jihadistes et consorts. Malgré le nombre de morts dans ses rangs, malgré ce sang versé qui abreuve le sol aride, l’armée tchadienne a toujours le coeur à l’ouvrage pour éradiquer – dit-on à N’Djamena – le terrorisme. Idriss Déby Itno bénéficie du soutien clairement exprimé de l’opposition, sans parler de l’accord tacite de son opinion publique. Du coup, oubliés les problèmes internes, il apparaît comme un faiseur de paix sans peur et… sans reproche. Tel un parrain, sûr de lui, il laisse l’image du dirigeant qui prend ses responsabilités quand il le faut, quand il le veut.
Cette aptitude à voler au secours des autres a, dans une certaine mesure, renforcé la carapace de Déby Itno. Il peut donc se permettre de toiser ses pairs, de leur dire droit dans les yeux ce qui l’agace. Ce fut le cas le 27 février à Yamoussoukro, en Côte d’Ivoire, où se tenait un sommet de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Le dirigeant tchadien ne s’est pas privé de secouer le cocotier en demandant à ses homologues, à propos du Mali, de passer de la tergiversation aux actes.
En janvier, alors que le régime de son ami centrafricain François Bozizé était menacé par les rebelles de la coalition Séléka, le dirigeant tchadien a sifflé la fin de la recréation en sommant les uns et les autres d’entamer sans délai des négociations. Ce qui a abouti à l’accord signé entre les deux parties à Libreville, au Gabon, dans le cadre de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC).
Son ascendant psychologique est tel qu’il n’est pas exagéré de dire que le chef de l’État tchadien peut se prévaloir d’un leadership régional incontesté, même au sein de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac).
Lorsqu’il s’est agi de la mort d’Abou Zeid, leader d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), et de celle du « Borgne », Mokhtar Belmokhtar, Idriss Déby Itno a encore montré une réelle indépendance d’esprit. Prenant de court les Français, il a annoncé au tout début du mois que les deux hommes avaient été tués par l’armée tchadienne lors des affrontements dans l’Adrar des Ifoghas. Une façon de prouver que son armée reste déterminée à combattre l’ennemi sans la moindre concession. ?Malgré la prudence affichée par Paris, Idriss Déby Itno n’a pas modifié sa stratégie de communication : il a persisté et signé. Veut-il montrer par là que, dans cette guerre, le Tchad n’est pas un parent pauvre mais un partenaire à part entière, avec une armée à prendre au sérieux, sur laquelle on peut compter dans une région où s’engager est problématique ? Certainement. Et personne n’en doute. Lui ne semble de son côté rien redouter, même pas une réaction négative de ses concitoyens, quand on sait que l’islam est la première religion au Tchad. Ainsi va, désormais, Idriss Déby Itno.
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