Burkina Faso : le choix de Blaise
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 4 mars 2014 Lecture : 3 minutes.
Burkina Faso : à plein régime
Drôle de mélodrame que celui qui se joue aujourd’hui à Ouaga. Les acteurs ? Un président au pouvoir depuis des lustres, jadis omnipotent, et qui peine à quitter son palais. Une opposition longtemps anémique et divisée mais désormais revigorée, notamment depuis le retour au pays de Zéphirin Diabré. Enfin, d’anciens caciques du régime en rupture de ban, qui se découvrent subitement une âme de démocrates et basculent dans l’opposition pour contrecarrer le supposé projet de maintien au pouvoir de leur ex-mentor, dans la main duquel ils mangeaient jusqu’à ce que ce dernier leur retire postes et privilèges.
On se croirait presque au Gabon de feu Omar Bongo Ondimba… C’est sans doute là que réside la principale erreur de jugement de Blaise Compaoré : s’il s’était appuyé sur les actuels "rebelles" pour obtenir la révision de la Constitution, s’il les avait maintenus sous les ors de la République, se serait-il retrouvé dans la situation actuelle, fragilisé et contraint de subir des médiations, ivoirienne ou burkinabè ? Peu probable. Jamais, dans sa très longue carrière, il n’a été aussi contesté politiquement.
Attention cependant aux apparences : rien ne dit que, s’il se décidait à aller jusqu’au bout, il ne remporterait pas la bataille, et le référendum qui lui permettrait de poursuivre son aventure à la tête du pays au-delà de 2015.
Personne ne sait ce que pensent réellement les Burkinabè de tout cela, notamment ceux qui ne vivent pas dans la capitale et qui, peut-être, ne sont pas mécontents des progrès réels qu’a connus le pays depuis plus de deux décennies, sur le plan économique et social notamment. Le Burkina, qui n’a que peu d’atouts naturels dans sa manche, représente, grâce à Compaoré, une nation qui compte en Afrique de l’Ouest, plus en tout cas que ce que son potentiel initial laissait augurer.
En outre, ruraux et provinciaux, qui s’intéressent assez peu aux joutes politiciennes ouagalaises, ne sont pas pour autant naïfs : hormis quelques opposants sincères, comme Bénéwendé Sankara, la plupart des acteurs politiques actuels qui entendent pousser Compaoré dehors sont tous ses "créatures" ; et aucun d’entre eux, ou presque, ne l’a quitté de son propre chef. À chaque fois, c’est lui qui les a écartés… La sincérité de leur démarche est donc sujette à caution.
Le bras de fer engagé n’en est qu’à sa première manche. "Blaise", qu’il ne faut jamais sous-estimer, est un animal à sang froid, qui ne laisse rien paraître. Son silence n’est donc pas forcément bon signe pour ses adversaires. Il n’a rien du chef d’État vieillissant (il n’a que 63 ans) qu’une cohorte de séides s’évertuent à contenir dans sa tour d’ivoire. C’est un homme qui maîtrise ses dossiers et cultive toujours autant ses réseaux. Et un véritable caméléon : jeune capitaine jadis installé dans son fief de Pô, révolutionnaire, rectificateur puis politique, d’extrême gauche, avant de se convertir au libéralisme, déstabilisateur puis faiseur de paix… Il a, jusqu’à présent, fait montre d’une capacité d’adaptation hors norme.
Mais, en politique comme dans le domaine militaire, les victoires d’hier ne garantissent pas celles de demain. Et même les plus fins stratèges finissent par perdre.
Sommaire
- Burkina Faso : Compaoré en pleine zone de turbulences
- Révision de la Constitution burkinabè : la réplique du parti présidentiel s’organise
- Rappeur, politilogue ou prélat… ils disent non à la modification de la Constitution burkinabè
- Le boom des compagnies de sécurité
- Le Verdoyant, petite oasis urbaine à Ouagadougou
- L’or n’est pas éternel
- Transports : Ouaga bat le fer tant qu’il est chaud
- Croissance : Bagré et Samendéni mènent la danse
- Électricité fini les grosses coupures ?
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