L’Afrique du Sud est-elle vraiment une puissance émergente?
L’Afrique du Sud accueille pour la première fois mardi et mercredi le sommet annuel des grandes puissances émergentes –Brésil, Russie, Inde, Chine– qu’elle a rejointes en 2011 au sein des BRICS mais les mauvaises langues disent qu’elle y a obtenu sa place pour des raisons politiques.
Si l’on s’en tient à la taille de son économie (2,5% du PIB total des BRICS) ou de sa population (52 millions d’habitants), l’Afrique du Sud est un nain face aux autres pays de cette alliance qui lui coûte par ailleurs un alignement diplomatique à l’opposé des idéaux de la lutte anti-apartheid.
Pour ménager la Chine, le dalai-lama a été refusé deux fois sur le sol sud-africain depuis 2009. Et sur le dossier syrien, la solidarité avec la Russie, soutien de Bachar al-Assad, place l’Afrique du Sud en position de commentateur impuissant de la tragédie, choisissant l’abstention à l’ONU et réitérant tout au plus des appels au « dialogue », à la « retenue » et à la « fin des violences ».
Talonné par l’autre géant africain, le Nigeria, l’Afrique du Sud se classe au 29e rang économique mondial, après l’Autriche, l’Iran ou l’Argentine, ce qui n’en fait pas exactement un monstre du commerce planétaire.
Par comparaison, la Chine est la deuxième économie mondiale, le Brésil 7e, et la Russie 9e, devant l’Inde 10e.
Les grands du business sud-africain, la Standard Bank (banque) ou MTN (téléphone mobile), font pâle figure à côté des géants Gazprom (Russie), Vale (Brésil), Sinopec (Chine) ou Reliance Industries (Inde) et sur même les marchés africains, la Chine taille des croupières aux Sud-Africains.
L’Afrique du Sud a aussi connu une révolution industrielle dès la fin du XIXe siècle qui en font davantage une économie mature avec des problèmes de désindustrialisation et de croissance faible (2,5% en 2012) qu’une économie émergente croissant à contre-courant du cycle économique mondial.
« Tout dépend. On pourrait dire qu’à cause de notre histoire politique, on vit une émergence économique », analyse pour l’AFP Neren Rau, directeur de la chambre de commerce et d’industrie sud-africaine (SACCI).
« En un pays, nous avons deux économies: une partie très sophistiquée et tout à fait comparable aux économies développées, et une autre partie, très importante, qui, en raison de notre histoire, est bien moins développée », dit-il.
« C’est vraiment une question de définition et un débat idéologique. On peut nous comparer dans une certaine mesure avec la Grèce, mais nos indicateurs sociaux sont très faibles: inégalités extrêmes, grande pauvreté, problèmes d’éducation qui forment la toile de fond pour se dire +économie émergente+ », ajoute-t-il.
Mais l’entrée de l’Afrique du Sud dans les BRICS a aussi été la grande affaire du président Jacob Zuma, concède-t-il. « Il y a beaucoup de politique là-dedans, peu importe qu’on soit émergent ou pas » et maintenant « nous devons nous assurer que nous nous positionnons correctement » au sein des BRICS.
Le sommet de Durban (est) pourrait apporter des réponses, notamment si l’Afrique du Sud obtient le siège de la future banque de développement commune, ce qui faciliterait le financement de ses grands projets d’infrastructure.
« Pour être crédible et représenter le Sud sur la scène mondiale, les BRICS avaient besoin d’un membre africain, et le choix de l’Afrique du Sud est très judicieux », estime de son côté Catherine Grant, ancienne diplomate et chercheuse à l’Institut sud-africain pour les affaires internationales (SAIIA).
« Les BRICS ne sont pas une union économique. Lorsque c’était une construction pour investisseurs du temps de Jim O’Neil –l’économiste de Goldman Sachs qui a créé l’acronyme BRIC en 2001–, la taille économique comptait, mais maintenant c’est un regroupement politique », dit-elle.
L’Afrique du Sud a apporté au BRICS la voix d’une Afrique démocratique pour critiquer la domination occidentale sur les institutions mondiales, FMI, ONU, ou Banque mondiale.
En outre, elle abrite la plus importante place boursière d’Afrique, des banques puissantes et une partie des produits manufacturés venus de Chine ou d’Inde transite par les ports sud-africains, tandis que le cuivre zambien, le charbon du Botswana ou le platine sud-africain prend le chemin inverse.
Et même si son statut de porte d’entrée du continent est un tantinet usurpé car les Chinois et si les Indiens ne l’ont pas attendue pour s’implanter partout, l’Afrique du Sud est aussi adossée à l’immense marché de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) avec 15 pays et 250 millions d’habitants.
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