Tunisie: Amina, la Femen qui fait scandale

Amina Sbouï, jeune Tunisienne emprisonnée après une action anti-salafiste, est devenue pour des féministes occidentales un symbole du combat face à l’islamisme, mais ses méthodes « seins nus », inspirées de Femen, sont loin de faire l’unanimité en Tunisie.

Tunisie: Amina, la Femen qui fait scandale © AFP

Tunisie: Amina, la Femen qui fait scandale © AFP

Publié le 5 juin 2013 Lecture : 3 minutes.

C’est sous le nom d’Amina Tyler qu’en mars elle choque ses compatriotes en publiant sur internet des photos seins nus, défiant les traditions arabo-musulmanes tout en s’attirant les menaces des islamistes radicaux.

« Chacun a le droit de s’exprimer à sa manière et moi je me retrouve dans le style des Femen », dit-elle en avril à l’AFP, dénonçant les « restrictions conservatrices des libertés notamment après la prise du pouvoir par Ennahda », le parti islamiste arrivé aux affaires dans la foulée de la révolution de 2011.

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« Je serais heureuse d’assister à la chute d’Ennahda », lance-t-elle, fumant lentement une cigarette.

Cheveux courts, visage mince et silhouette fragile, Amina, 18 ans, se réjouit de sa notoriété: « Bien sûr je suis contente de devenir une célébrité et d’attirer l’intérêt des médias ».

La jeune rebelle, qui depuis ses premières photos a donné une teinte blond platine à ses cheveux noirs, raconte combien son acte a choqué sa famille qui l’a, selon elle, enlevée et séquestrée pour la faire rentrer dans le rang.

Sa mère dément et assure avoir voulu la protéger après les menaces d’islamistes et souligne que sa fille dépressive depuis ses 14 ans devait être isolée.

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« Ma fille souffre de troubles psychiatriques depuis 2009 et a consulté des médecins à l’hôpital (psychiatrique) Razi », près de Tunis, relate-t-elle.

Ses dires semblent confirmés par des certificats médicaux présentés à l’AFP. L’un, daté de mars, note qu’elle « présente depuis quelques mois une rechute avec une insomnie, une tristesse de l’humeur, une irritabilité avec réactions explosives, des idées délirantes d’autodépréciation et de culpabilité, des troubles du comportement avec des conduites suicidaires avec des automutilations ».

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Atteinte aux bonnes moeurs

La jeune fille raconte elle une enfance difficile passée en partie en Arabie saoudite et dit avoir été victime d’attouchements à trois ans. Sa mère dément encore et martèle que le mouvement « sextrémiste » Femen instrumentalise les troubles de sa fille sans se soucier de son avenir.

Amina, qui n’a cure des mises en garde de sa mère et a fui le domicile familial, a décidé de continuer la protestation dans l’attente d’obtenir un visa pour la France et y passer son bac.

Le 19 mai, elle est arrêtée à Kairouan (centre), ville sainte de l’Islam, pour avoir tagué le mot « Femen » sur le muret d’un cimetière. Le geste visait un rassemblement de la mouvance salafiste jihadiste qui n’a finalement pas eu lieu, le gouvernement l’ayant interdit.

Elle doit être entendue mercredi par le juge d’instruction en vue d’une éventuelle inculpation pour atteinte aux bonnes moeurs et profanation de sépulture, des accusations passibles de prison.

En France, des féministes sont dithyrambiques, louent une « héroïne ». Le mouvement Femen envoie trois activistes européennes manifester la poitrine dénudée à Tunis, une première dans le monde arabe qui leur vaudra d’être arrêtées dans l’attente d’un procès mercredi.

« Visiblement, il est plus facile d’incriminer une gosse qui ne manque ni d’audace ni de courage. . . Une gosse qui sait ce qu’elle ne veut pas! Et qui tente de réveiller ce peuple qui de nouveau veut faire la sourde oreille, l’aveugle et le muet à la fois », s’exclame sur son blog l’essayiste Caroline Fourest.

En Tunisie, l’opposition anti-islamiste reste bien plus mesurée. Nadia Chaabane, député et militante féministe, dit soutenir Amina dans ses déboires judiciaires mais pas les méthodes de Femen.

« Ses choix (de lutte) ne font pas le consensus, je pense que c’est une adolescente un peu perdue mais l’acharnement contre elle n’est pas justifié », note-t-elle.

Mounir Sbouï, le père d’Amina dont elle est très proche, a lui voulu résumer la controverse en une phrase. « Je suis fier de ma fille. . . Elle commet des actes démesurés mais elle défend ses idées », a-t-il dit.

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