Le Maroc toujours aux prises avec une crise gouvernementale

Le Maroc va-t-il vers un simple remaniement ou des élections anticipées? Un mois après avoir annoncé son retrait du gouvernement, le principal allié des islamistes n’a toujours pas mis sa décision à exécution, affirmant attendre un « arbitrage » du roi, en séjour privé à l’étranger.

Le Maroc toujours aux prises avec une crise gouvernementale © AFP

Le Maroc toujours aux prises avec une crise gouvernementale © AFP

Publié le 11 juin 2013 Lecture : 3 minutes.

Cantonné dans l’opposition durant des décennies, le parti islamiste Justice et développement (PJD) a remporté un succès historique lors des législatives de fin 2011, dans le sillage du Printemps arabe.

Faute de majorité, son chef Abdelilah Benkirane a toutefois dû former une coalition hétéroclite avec trois autres formations, dont l’Istiqlal, le parti de l’indépendance. Le 11 mai, ce dernier a décidé de mettre un terme à l’expérience, ouvrant la voie à un remaniement voire à des législatives anticipées.

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Dirigé par le maire de Fès Hamid Chabat, un trublion de la vie politique marocaine, il a dit reprocher au PJD un manque d’action et de concertation.

Dans la foulée, sa décision de quitter le gouvernement a néanmoins été mise en suspens après un échange téléphonique entre M. Chabat et le roi, selon le propre porte-parole du parti, Adil Benhamza.

Depuis, c’est le statu quo. L’Istiqlal affirme attendre un « arbitrage » définitif de Mohammed VI, lequel se trouve en séjour privé en France depuis plus d’un mois d’après la presse locale.

« Nous attendons toujours son retour (. . . ) et nous n’avons pas changé de position », a réaffirmé mardi à l’AFP Adil Tchikitou, député et membre du Conseil national de l’Istiqlal.

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En l’absence de communication officielle, les médias marocains se perdent eux en conjectures.

Lundi, le quotidien L’Economiste a estimé que Mohammed VI devrait « probablement » recevoir M. Chabat « dans les jours qui viennent ». Le 27 mai, Le Soir Echos avait déjà prévu un développement imminent.

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« Les ministres sont suspendus » à cet arbitrage « qui ne serait pas pour l’heure à l’ordre du jour », a pour sa part avancé Libération.

« Attention, le temps passe »

Cette incertitude est en partie liée à l’existence d’une nouvelle constitution adoptée mi-2011, censée renforcer les pouvoirs du gouvernement.

L’Economiste, évoquant une « interprétation libérale » du nouveau texte, avance que Mohammed VI « s’est donné pour règle de ne pas intervenir dans les conflits entre acteurs politiques ».

En résumé, il ne serait donc pas pressé d’intervenir: « Si le roi avait voulu trancher la question tout de suite il l’aurait fait. Donc cela peut durer », affirme à l’AFP Pierre Vermeren, spécialiste du Maghreb.

Par ailleurs, « dans la mesure où Mohammed VI a semblé (dès le 11 mai) prendre le contre-pied de sa décision, l’Istiqlal peut paraître coincé », précise-t-il.

Selon lui, ce parti « a peut-être cru voir des signes encourageants sur le fait que l’expérience PJD allait être terminée. Ceux qui n’aiment pas les islamistes voient qu’ils ont des difficultés en Egypte, en Tunisie. . . Ils se disent que c’est peut-être le moment de reprendre les choses en main ».

Du fait de cette attente, la presse marocaine s’est en tout cas inquiétée des risques de paralysie du gouvernement, pressé d’engager des réformes à haut risque.

Celui-ci bénéfice de la « confiance » du roi et « poursuivra son action », a assuré son porte-parole, Mustapha Khalfi.

« Si l’on arrête de réfléchir aux grands problèmes du pays, le compteur, lui, continue de tourner », a toutefois prévenu le quotidien Akhbar Al-Yaoum, dans un édito « Attention, le temps passe ».

Malgré une solide croissance, le Maroc est notamment confronté à une dégradation de ses comptes publics (7% de déficit en 2012), en partie liée au gouffre de sa caisse de compensation, qui subventionne des produits de grande consommation.

La réforme promise tarde à venir et une équipe du Fond monétaire international (FMI) –qui a accordé l’an dernier une ligne de précaution de 6,3 mds de dollars– vient d’effectuer une nouvelle visite.

Ils pensent que « notre façon de faire la réforme n’est pas claire et est hésitante », a reconnu samedi Abdelilah Benkirane.

Dans ce contexte, l’économiste Najib Akesbi se montre lui alarmiste.

« Même si on arrive à régler la question politique et que ce gouvernement commence à mettre en oeuvre des réformes, chacun sait que les résultats ne tomberont pas avant 2015-16 », déclare-t-il à l’AFP.

Il va même plus loin: « les réformes n’ont pas lieu parce qu’il y a une crise politique. Et la crise politique est là pour éviter de faire les réformes », juge-t-il.

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