En Algérie, un vent de racisme souffle sur les immigrés africains

« Ils ont amené avec eux les maladies, ils ne se lavent même pas ». Comme nombre de ses compatriotes, Mohamed Amine exprime sans fard son rejet des migrants subsahariens arrivés en Algérie, où le racisme ne se cache plus.

En Algérie, un vent de racisme souffle sur les immigrés africains © AFP

En Algérie, un vent de racisme souffle sur les immigrés africains © AFP

Publié le 20 mai 2014 Lecture : 3 minutes.

Les migrants qui s’installaient dans la grande ville saharienne de Tamanrasset, proche du Mali et du Niger, ou ne faisaient que traverser l’Algérie pour tenter de rallier l’Europe, sont désormais nombreux à s’établir dans les métropoles du Nord. La crise en Libye, traditionnel pays d?accueil des subsahariens, a encore accentué le phénomène.

Au c?ur de la plaine agricole qui borde Alger, la ville de Boufarik accueille dans un terrain vague un camp de toile dressé par des migrants, où s’entassent des centaines de personnes dans des conditions sommaires. Ici, on l’appelle le « camp des Africains » ou le « camp des noirs ». Plusieurs camps similaires sont disséminés un peu partout dans le pays.

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« Ces Africains propagent les maladies, sont sales et ne travaillent pas », affirment Karim et Amin, deux trentenaires rencontrés à Boufarik, articles de presse à l’appui. Le quotidien Al-Fadjr (L’Aurore) a fait dimanche sa une sur les « milliers d’Africains qui ont envahi les rues de la capitale », accusés de « propager les épidémies et d’autres maux sociaux comme le trafic de la fausse monnaie ».

« Quand nous entendons les Algériens parler des Africains, nous nous demandons dans quelle région du monde nous sommes », s’étonne la sociologue Fatma Oussedik, qui s’alarme de la montée du racisme. « Ce refus de l?autre, c?est un déni de soi d’abord », l’Algérie étant le plus grand pays d’Afrique.

La semaine dernière, le représentant de l’Onusida à Alger, Adel Zeddam, a poussé un cri d’indignation après des articles « scandaleux » et « discriminatoires », qui établissaient un lien entre l’arrivée des migrants et une prétendue propagation du virus du Sida qui touche, selon les chiffres officiels, 8. 258 personnes sur une population de 38 millions d’habitants.

– Manque d’humanité –

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Rencontré près du camp, Ali, un enseignant à la retraite, craint qu’une « société raciste » ne puisse que « le devenir un peu plus avec ce genre d?articles », regrettant le manque d’humanité de ses compatriotes, en particulier devant la détresse des femmes.

Pour arriver en Algérie, les migrants traversent des épreuves nombreuses, parfois mortelles. Début mai, des dizaines d’entre eux en provenance du Niger ont disparu dans le désert.

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Une fois arrivés, les Nigériens doivent souvent vivre cachés, de crainte d’être « renvoyés à la case départ », raconte Mahamadou, un maçon qui vivote en travaillant au noir pour envoyer de l’argent à sa famille restée à Zinder, dans le sud du Niger.

Vêtue d’une robe aux couleurs chatoyantes et les cheveux recouverts par un foulard, Laoura, une mère de famille d’une cinquantaine d’années arrivée il y a sept mois, se tord de douleur dans sa tente. Mais elle refuse d’en sortir pour se faire soigner.

« Elle ne veut pas aller à l’hôpital de peur de se faire appréhender par la police », confie son amie Soulaima, les yeux soulignés de Khôl au milieu de son visage scarifié.

Selon Souleïmane, un autre habitant du camp, « quelque 300 personnes ont été embarquées samedi par la police dans des bus chargés de les reconduire à Tamanrasset ». Une fois là-bas, les Nigériens peuvent être reconduits dans leur pays ou régularisés, selon les situations.

Les migrants du camp de Boufarik viennent tous de Zinder, la deuxième ville du Niger. Ils ont payé 700. 000 franc CFA (1. 100 euros) à des passeurs, qui leur ont fait traverser le désert en deux jours.

« Le prix est fixe, peu importe qu’il s’agisse d’un adulte ou d’un enfant », raconte Massahoudou. Ils doivent ensuite payer 1. 500 dinars (15 euros) pour se faire déposer à Tamanrasset (2000 km au sud d’Alger), avant de tenter de rejoindre le nord du pays.

Massahadou est arrivé il y a quelques mois, puis a fait venir sa famille « pour une vie meilleure ». Il n’a pas de travail, mais espère bien en trouver un bientôt, et compte bien rester en Algérie, passée de pays de transit vers l’Europe à pays d’accueil.

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