Rwanda : accusé de provocation raciale dans son livre sur le génocide, Pierre Péan relaxé en appel
La cour d’appel de Paris a confirmé mercredi la relaxe de l’écrivain et enquêteur Pierre Péan et de son éditeur qui étaient poursuivis pour diffamation raciale et provocation à la haine à la suite du livre sur le génocide rwandais « Noires fureurs, blancs menteurs ».
Son avocate, Me Florence Bourg, a salué « une victoire de la liberté d’expression ».
De son côté, l’avocat de SOS Racisme, partie civile au procès, Me Lef Forster, a annoncé qu’il allait se pourvoir en cassation.
Dans ce livre sur le génocide rwandais, qui en 1994 a fait selon l’ONU 800. 000 morts, essentiellement parmi la minorité tutsie, Pierre Péan soutient que « la culture du mensonge et de la dissimulation domine toutes les autres chez les Tutsis ».
« Dès leur plus tendre enfance, écrit-il encore dans les quatre pages incriminées, les jeunes Tutsis étaient initiés à la réserve, au mensonge, à la violence et à la médisance ». « C’est ce qui fait de cette race l’une des plus menteuses qui soit sous le soleil ».
En octobre 2006, de telles affirmations avaient décidé SOS Racisme à porter plainte. Pour l’association, ces propos – d’autant plus graves selon elle qu’ils émanent d’un écrivain « de renommée » – sont les mêmes que ceux qui ont conduit au génocide.
En dépit de cette argumentation, le 7 novembre 2008, le tribunal correctionnel de Paris avait relaxé Pierre Péan et son éditeur Claude Durand.
Le ministère public avait alors fait appel sur le seul délit de provocation à la haine raciale, tandis que SOS Racisme avait fait appel sur le tout.
A l’audience, l’avocat général avait requis une peine d’amende. Mais mercredi, la cour d’appel, présidée par Alain Verleene, ne l’a pas suivi.
Dans un premier temps, la cour a estimé, tout comme les juges de première instance, que les propos litigieux « ne présentaient pas de caractère diffamatoire ».
Pour les magistrats parisiens, il s’agit en effet de « l’expression d’un point de vue, discutable mais argumenté, permettant d’expliquer, au moins en partie, la thèse de la manipulation de l’opinion publique internationale soutenue par Pierre Péan et ne franchissant pas les limites permises par la liberté d’expression ».
Les juges soulignent en outre que l’auteur ne stigmatise pas « l’ethnie tutsie en tant que telle », mais prête « la culture du mensonge » également aux Hutus et plus généralement aux Rwandais, sans jamais nier la réalité du génocide.
Concernant la provocation à la haine raciale, la cour d’appel a considéré que M. Péan ne pouvait être condamné car il n’avait pas eu « l’intention coupable d’inciter, de provoquer ou d’encourager des sentiments de haine ou des comportements positifs que la loi réprime ».
Lors de l’audience d’appel, la députée PRG de Guyane Christiane Taubira, citée comme témoin, avait « condamné avec la plus grande fermeté ces quelques pages ».
« L’auteur connaît le poids des mots », or de tels mots, qui « enferment les Tutsis dans une définition lapidaire et méprisante » ont « incité à tuer au Rwanda », avait-elle rappelé, disant ressentir de la « gêne » face à ces « pages de propagande ».
Tout comme en première instance, MM. Péan et Durand ont toutefois été déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts vis-à-vis de SOS Racisme à qui ils reprochaient d’avoir engagé une procédure abusive à leur encontre.
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