Côte d’Ivoire: Magic system au secours de la réconciliation nationale
« Nous sommes devenus des messagers ! », clame A’Salfo, leader du Magic System, le groupe star de la scène musicale ivoirienne, qui après 17 ans de carrière s’est trouvé une nouvelle ambition: « réconcilier » les Ivoiriens.
Formé en 1997 par quatre garçons issus des quartiers populaires de la capitale économique ivoirienne, Magic System a connu la consécration deux ans plus tard avec son tube « Premier gaou », exporté dans toute la francophonie.
Le groupe a depuis lors collectionné quinze disques d’or, trois de platine, et joué dans des salles aussi mythiques que l’Apollo à New York et l’Olympia à Paris, où ils doivent retourner en septembre.
Avec « Africainement vôtre », leur septième et dernier album, présenté mi-juin à Abidjan, les artistes ont décidé de mettre leur notoriété au service d’une Côte d’Ivoire qui « sort », selon eux, de « sa convalescence » après une décennie de crise.
Le pays a été coupé en deux de 2002 à 2011 entre un Nord tenu par une rébellion favorable à l’actuel président Alassane Ouattara et un Sud loyal à l’ex-chef d’Etat Laurent Gbagbo.
La crise postélectorale, liée au refus de M. Gbagbo de reconnaître la victoire de son adversaire à la présidentielle de novembre 2010, fit plus de 3. 000 morts en cinq mois.
L’opus de 14 titres, qui se veut « thérapeutique », « arrive pour soigner les maux du pays car le mot réconciliation est devenu diviseur en Côte d’Ivoire », explique A’Salfo, Salif Traoré dans le civil, à l’AFP.
La campagne de promotion du groupe servira de plaidoyer permanent en faveur de la réconciliation, poursuit-il.
Le chanteur n’en est pas à son premier essai. Dès juillet 2011, trois mois à peine après la chute de Laurent Gbagbo, il lance une campagne pour le retour d’artistes exilés proches de l’ex-président, aujourd’hui détenu par la Cour pénale internationale, devant laquelle il est poursuivi pour « crimes contre l’humanité ».
Fin mars, Magic system décide de dédier une partie des concerts du Femua (Festival des musiques urbaines d’Anoumabo), un événement qu’il a créé à Yopougon, un quartier pro-Gbagbo d’Abidjan, au thème: « Paix et cohésion sociale ».
– La musique pour la paix –
« C’est une mission noble », salue Angelo Kabila, un promoteur de spectacle lui-même rentré d’exil.
La musique a « besoin de prospérer dans un environnement de paix », souligne cet organisateur du Festival de la musique Zouglou, la bande-son de la jeunesse ivoirienne depuis 20 ans, dont Magic system est le groupe phare.
La Commission justice, vérité et réconciliation (CDVR), « séduite » par ces actions, souhaite que Magic system l’ »aide pour une grande mobilisation aux séances d’écoutes », selon Sran Kouassi, l’un de ses responsables.
Environ 16. 000 personnes avaient participé fin mai aux audiences de la CDVR, qui s’inspire du modèle sud-africain de justice transitionnelle, sur la base d’audition des bourreaux par leurs victimes, pour encourager le pardon.
Les « Gaous », l’autre nom des Magic system, qui signifie « homme crédule » en nouchi, la langue de la rue, prévoient aussi un « grand concert » le 30 novembre à Abidjan, dont le mot d’ordre sera la défiance envers les politiciens ivoiriens, accusés d’être les « grands déstabilisateurs communs ».
Le spectacle est pensé par le groupe comme une grande séance de catharsis, durant laquelle des Ivoiriens de tous bords se retrouveront.
Dans la villa huppée d’A’Salfo à Abidjan, où trônent les trophées glanés ici et là, une photo dans le salon capte l’attention du visiteur : les quatre garçons se trouvent à l?Élysée, aux côtés de l’ex-président français Jacques Chirac et de son épouse Bernadette.
Nommé en septembre 2012 « ambassadeur de bonne volonté » de l’Unesco, A’Salfo, également proche du président ivoirien Alassane Ouattara, veut s’appuyer sur son large carnet d’adresses pour atteindre son objectif.
« Ce n’est pas un rêve. . . J’y crois dur comme fer à la réconciliation », lance ce père de quatre enfants, âgé de 35 ans.
Une mission périlleuse, rétorquent ses détracteurs. « Tu ne peux être la voix du peuple et en même temps être proche d’un chef de l’Etat », déplore l’un d’eux, ajoutant : « un artiste ne chante pas pour le pouvoir ! »
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