Des satellites pour sauver la forêt et surveiller les eaux du Gabon

« Le satellite est en train de passer dans notre zone de couverture ! » Sur la commune de Ntoum, à une trentaine de kilomètres de Libreville, dans la forêt équatoriale, la parabole géante se met tranquillement en mouvement, la gueule d’acier ouverte vers le ciel.

Publié le 1 décembre 2015 Lecture : 3 minutes.

Sur un rayon de 2.800 km couvrant 23 pays, du Sahara à l’Afrique australe, les images captées par cette antenne de réception satellite vont permettre d’établir des relevés extrêmement précis du sol africain.

Objectif: mieux protéger un environnement menacé par les grandes sécheresses, les pollutions marines ou encore l’exploitation forestière.

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L’idée du projet Ageos (Agence gabonaise d’études et d’observation spatiale) – financé pour neuf millions d’euros par un accord de conversion de dette géré par l’Agence française de développement – est née en 2007 lors de négociations internationales sur le climat.

D’une part, « on s’est rendu compte du rôle joué par nos forêts », et d’autre part, « l’imagerie satellite était devenue la référence en matière scientifique », explique Tanguy Gahouma Bekale, conseiller spécial du président Ali Bongo Ondimba et secrétaire permanent du Conseil national gabonais du climat.

Comment le lac Tchad a-t-il pu perdre 90% de sa superficie en 50 ans ? La forêt gabonaise recule-t-elle ou gagne-t-elle du terrain face à l’activité humaine ? Pour les pays forestiers du bassin du Congo, les défis environnementaux sont aujourd’hui immenses.

« Nous avons la responsabilité du deuxième poumon vert de la planète (après l’Amazonie, ndlr) et nous avons désormais les moyens de répondre à ces questions », estime M. Gahouma.

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Plusieurs accords ont été passés avec des agences étrangères dont la Nasa (Etats-Unis) et des groupes industriels comme Telespazio (franco-italien) pour pouvoir capter directement les images de leurs satellites. L’Ageos reçoit aussi l’assistance technique d’experts français de l’Institut de recherche pour le développement (IRD).

– ‘Traiter et interpréter’ l’image –

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A la station de réception de Nkok, une vingtaine de scientifiques essentiellement gabonais s’activent pour exploiter les dernières données recueillies. « C’est comme une radio de médecin, il faut traiter et interpréter correctement l’image satellite pour qu’elle puisse être lisible par un utilisateur lambda », explique le Dr Ghislain Moussavou.

Son équipe est en train d’élaborer une nouvelle carte du couvert forestier gabonais, qui représente 88% du territoire du pays, dont une grande partie de forêt primaire traversée par un réseau dense de fleuves et de rivières.

L’objectif de cette carte est aussi de permettre une meilleure protection de la biodiversité, ces forêts comptant notamment une riche faune sauvage, des panthères aux éléphants, en passant par les buffles, antilopes, grands singes…

Le gouvernement gabonais dit vouloir concilier la protection de cet écosystème exceptionnel avec le développement économique, agricole et minier du pays, dont les sols fertiles et riches en minerais, terres rares, pétrole… aiguisent les appétits.

Par exemple, selon leur type, les forêts « ne séquestrent pas les mêmes niveaux de carbone », explique le Dr Moussavou. L’idée est ainsi de déforester le moins possible les arbres qui absorbent et gardent le plus de carbone.

– Partager les données –

A Nkok, derrière une autre porte du bâtiment flambant neuf inauguré il y a deux mois, une autre équipe scrute à distance les eaux du golfe de Guinée: elle tente d’identifier d’éventuelles nappes de pollution pétrolière autour des plateformes et surveille la pêche industrielle.

Sur un écran, plusieurs points indiquent la présence de navires au large des côtes gabonaises. Là encore, un « travail de photo-interprétation » est nécessaire pour les identifier et comprendre ce qu’ils font là, explique le responsable de l’unité, Dominique Rozier, détaché par Telespazio auprès de l’Ageos.

Des informations très précises sont récoltées à propos d’une forme sombre, à première vue parfaitement anonyme: « Ici, on a un relevé de balise qui nous indique que ce bateau s’appelle l’AS Venetia, que son numéro d’immatriculation est le +tant+, qu’il bat pavillon libérien, etc (…) Il sera donc facile de vérifier s’il a le droit de venir pêcher ici », explique l’ingénieur.

Consignées dans des rapports qui seront ensuite transmis aux autorités gabonaises, ces informations seront un outil précieux pour qui veut sanctionner les navires opérant illégalement au Gabon ou mieux gérer les stocks de poissons dans l’océan – en estimant les volumes quotidiennement prélevés.

Au-delà du seul cas gabonais, l’Ageos entend partager « gratuitement » ses données avec les pays couverts par le champ de réception de son antenne.

« Les forêts du bassin du Congo sont un patrimoine que nous devons gérer de manière commune. Ça ne sert à rien si nous préservons la forêt d’un côté et que l’immense territoire restant n’est pas protégé », estime M. Gahouma, le conseiller du président du Gabon.

Des discussions sont en cours avec le Rwanda et la République démocratique du Congo pour voir comment étendre l’accès des images satellites aux intéressés.

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