L’Erythrée compte sur ses minerais pour sortir de l’isolement

Dans une vaste fosse où se mêlent terre rouge, pierre blanche et mares d’eau verte à 150 km à l’ouest d’Asmara, des excavatrices extraient or et cuivre de la mine de Bisha, première mine d’ampleur d’Erythrée, petit pays pauvre, isolé et fermé de la Corne de l’Afrique.

L’Erythrée compte sur ses minerais pour sortir de l’isolement © AFP

L’Erythrée compte sur ses minerais pour sortir de l’isolement © AFP

Publié le 22 août 2013 Lecture : 3 minutes.

Opérationnelle depuis trois ans, la mine de Bisha – qui contient aussi du zinc – est le premier investissement international majeur dans le pays et laisse entrevoir d’énormes profits pour le pays, qui figure dans les queues de classements mondiaux en matière économique, de richesse ou de développement.

Le régime d’Asmara, considéré comme l’un des plus répressifs du monde par les organisations de défense des droits de l’Homme, compte sur cette mine pour attirer en Erythrée d’autres investissements étrangers, qui y sont quasi inexistants.

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« Les gens (de l’industrie) des mines sont les premiers à prendre des gros risques avec beaucoup d’argent », explique Alasdair Smith, géologue néo-zélandais et expert en prospection en Erythrée. « Il va y avoir une période bénie pour l’industrie minière, tant qu’elle ouvrira la voie et aura une contribution significative au Produit intérieur brut, ensuite d’autres industries la dépasseront », poursuit-il.

Bisha est détenue à 60% par l’entreprise Nevsun Resources, basée au Canada et dont c’est la seule mine exploitée au monde, et à 40% par le gouvernement érythréen, qui a bénéficié d’un prêt chinois pour financer son investissement initial.

Les ressources minières de l’Erythrée suscitent l’intérêt de plusieurs acteurs étrangers du secteur. Trois entreprises – australienne, canadienne et chinoise – envisagent de commencer à extraire de l’or et de la potasse dans les deux prochaines années. Dix-sept autres compagnies prospectent à travers le pays, à la recherche d’or, de cuivre, de zinc et de potasse.

Infrastructures limitées

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Le gouvernement érythréen assure qu’il utilisera les profits miniers pour développer d’autres secteurs tels que l’agriculture, la pêche et le tourisme et éviter la malédiction qui frappe de nombreux pays africains riches en ressources naturelles.

Les mines vont « être un secteur majeur de l’économie érythréenne, mais (. . . ) nous voudrions faire en sorte que l’Erythrée ne devienne pas une économie basée sur un seul secteur », affirme le ministre érythréen de l’Investissement, Woldai Futur, qui compte sur l’industrie minière pour attirer d’autres investisseurs.

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Avec un PIB annuel par habitant de 430 dollars, l’Erythrée figure parmi les nations à faible revenu, selon la Banque mondiale.

Nevsun a publié un chiffre d’affaires de 71,1 millions et 54,8 millions de dollars au deux premiers trimestres 2013. Et le directeur général de la mine, Kevin Moxham, balaie le fait que la Banque mondiale classe l’Erythrée comme le troisième pire pays du monde où faire des affaires. « Le risque-pays (en Erythrée) est, selon moi, bien moins important que nulle part ailleurs » en Afrique, assure M. Moxham à l’AFP.

« Le gouvernement est réellement impliqué, parce qu’il veut que ça fonctionne (. . . ) il joint le geste à la parole en sortant son portefeuille », poursuit-il, se disant confiant que la croissance du secteur minier va doper la création d’entreprises des secteurs complémentaires et des emplois dont le pays a grand besoin.

Pour l’heure, les infrastructures restent limitées, les réserves de change faibles et les sanctions imposées par l’ONU à l’Erythrée, accusée de soutenir des groupes armés dans la région, rendent difficile l’importation d’équipements.

La création d’emplois est le premier bénéfice visible du développement du secteur minier. La mine emploie 1. 800 salariés, à 90% érythréens. Ceux-ci se félicitent publiquement de recevoir un salaire au-dessus de la moyenne nationale et d’emmagasiner de nouvelles compétences.

« Je voulais travailler ici, c’est la première mine d’or jamais exploitée en Erythrée », assure Asmerom Habte, 47 ans, conducteur d’engin et ancien soldat, devant son chariot élévateur jaune. Son salaire de 500 dollars par mois, dit-il, représente sept fois son ancienne paie de soldat. Difficile toutefois d’apprécier la sincérité des témoignages dans un pays où la moindre critique peut conduire au cachot pour de longues années.

Et à Asmara, la population s’interroge sur la façon dont les premiers revenus miniers ont été dépensés, en continuant de se plaindre des pénuries chroniques d’eau et d’électricité et du manque d’emplois.

Quant à la mine elle-même, elle suscite de nouvelles critiques à l’étranger. En janvier, l’ONG de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch accusait Nevsun d’employer des travailleurs forcés, piochés dans la vaste masse des conscrits du très dur service national érythréen, que sont tenus d’effectuer garçons et filles, dans l’armée puis à des travaux d’intérêt général, et dont la durée peut être étendue quasi-indéfiniment.

Des accusations rejetées par Asmara et par Nevsun. Tous les employés de la mine travaillent volontairement, assure M. Moxham et « quiconque est employé ici doit être libéré des obligations militaires ».

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