Accord d’Alger pour la paix au Mali : le plus dur reste à faire

Après des mois de négociations, un accord de paix a finalement été signé le 20 juin. Encore faut-il le faire appliquer dans des régions où beaucoup de gens craignent de voir leurs affaires menacées.

Le président, Ibrahim Boubacar Keïta, et Mahamadou Djeri Maïga, puissant chef rebelle, le 20 juin, à Bamako. © HABIBOU KOUYATE/AFP

Le président, Ibrahim Boubacar Keïta, et Mahamadou Djeri Maïga, puissant chef rebelle, le 20 juin, à Bamako. © HABIBOU KOUYATE/AFP

BENJAMIN-ROGER-2024

Publié le 1 juillet 2015 Lecture : 4 minutes.

À ses confidents, il glisse que ses larmes ont coulé. Lorsque les rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) ont signé, le 20 juin à Bamako, l’accord de paix négocié depuis des mois à Alger, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) s’est senti soulagé. À tel point qu’après la cérémonie le président malien est tombé dans les bras de Mahamadou Djeri Maïga, puissant chef militaire de la rébellion peu réputé pour ses élans de tendresse envers le pouvoir central. Les deux hommes se sont chaleureusement embrassés avant de partager ensemble, comme des « frères », l’iftar, le repas de rupture du jeûne en ce mois de ramadan.

IBK est passé à la vitesse supérieure

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Il faut dire que l’accord de paix, signé une première fois par le gouvernement et les groupes armés loyalistes le 15 mai, a été difficile à décrocher. Longtemps accusé de ne rien faire pour régler la situation dans le Nord, durement critiqué en coulisses par ses partenaires régionaux et internationaux, IBK a fini par passer la vitesse supérieure. « Il s’est enfin bougé et a réactivé, en début d’année, son dispositif de négociations, glisse une source ministérielle occidentale. La signature de cet accord ne se serait pas faite s’il n’avait pas été à la manœuvre. »

S’il se dit déterminé à aller au bout de ses engagements et à réaliser ce pour quoi il a été élu (restaurer l’intégrité territoriale du Mali), le chef de l’État est encore loin d’avoir atteint ses objectifs. « La signature de ce texte est une étape nécessaire mais pas suffisante, qui marque le début du règlement de la crise. Sur le terrain, tout reste à faire », affirme un haut gradé français de l’opération Barkhane.

Le chantier du désarmement, de la démobilisation et de la réintégration

La première et principale difficulté sera le vaste chantier du DDR (désarmement, démobilisation et réintégration), dont le calendrier s’annonce extrêmement serré. D’ici à quatre mois, il faudra déterminer les effectifs exacts des groupes armés signataires du texte (une fourchette de 3 000 à 5 000 combattants est avancée, mais personne ne dispose d’estimation précise), établir des points de cantonnement et de démobilisation, et enfin organiser l’intégration progressive de ces hommes au sein de l’armée. « Cela va prendre du temps. Nous voulons faire les choses correctement, en tenant compte des réalités du terrain », affirme Tieman Hubert Coulibaly, ministre malien de la Défense. De leur côté, les membres de la médiation internationale insistent sur la nécessité d’agir rapidement afin de profiter du climat de confiance ambiant.

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Garantissant l’unité et l’intégrité territoriale du Mali, le texte prévoit aussi le déploiement progressif de l’armée dans le Nord – notamment à Kidal, bastion de la rébellion touarègue – et l’introduction de différentes mesures de décentralisation. Un fonds destiné au développement des régions du Nord, financé par des bailleurs internationaux, doit également être mis sur pied.

Des menaces sécuritaires 

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Outre la rivalité ancestrale qui oppose les populations du Nord et celles du Sud, plusieurs menaces sécuritaires pourraient remettre en question la mise en application de l’accord de paix. Malgré l’intervention militaire internationale lancée en janvier 2013, les groupes jihadistes sont toujours actifs dans le Nord et constituent encore un obstacle sérieux au retour de la paix. La lutte pour le contrôle des différents trafics (drogue, armes, carburant…) est également un important facteur de troubles. Face à ces dangers bien présents, la coopération entre la force française Barkhane, qui se consacre à la lutte antiterroriste, et la Minusma (la mission de l’ONU au Mali), chargée d’assurer le maintien de la paix, devrait donc s’accentuer dans les semaines à venir.

Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la Défense, a annoncé que Barkhane allait légèrement réorganiser son dispositif

En déplacement à Gao et à Bamako le 22 juin, Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la Défense, a annoncé que Barkhane allait légèrement réorganiser son dispositif pour mieux épauler les Casques bleus, en ajoutant des moyens de liaison supplémentaires dans les secteurs de commandement de la Minusma. Il devrait également solliciter ses différents partenaires européens pour augmenter le nombre d’officiers dans l’état-major de la mission onusienne. L’idée d’une reconversion de l’EUTM, la mission européenne de formation de l’armée malienne, en outil d’accompagnement du processus de DDR est également à l’étude.

L’attitude du Gatia

Dernier point d’interrogation : l’attitude du Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia) et de ses alliés. Qualifiée d’élément « perturbateur » par la plupart des acteurs de la crise, cette milice progouvernementale est accusée d’avoir tout fait pour empêcher qu’un terrain d’entente soit trouvé avec la CMA, son ennemi juré. Après avoir piloté le Gatia à distance via l’intouchable général Gamou, les autorités maliennes, sous pression internationale, chercheraient désormais à couper les liens avec un groupe désormais vu, selon un médiateur de premier plan, comme « un vrai problème pour le retour de la paix au Mali ».

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