Fatimetou Abdel Malik, première femme maire de Mauritanie

Toujours disponible, la maire de Tevragh-Zeina, la plus riche des neuf communes de la capitale, s’évertue depuis quatorze ans à améliorer la ville… Pour tous.

Le 6 août, place de la Mairie. © Lee Gottemi pour J.A.

Le 6 août, place de la Mairie. © Lee Gottemi pour J.A.

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 10 septembre 2015 Lecture : 3 minutes.

Un an après la réélection de Mohamed Ould Abdelaziz, la conjoncture économique est difficile et le climat social tendu. © Patrice Terraz/Signatures
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Le bureau où elle est assise derrière ses parapheurs est littéralement cerné par une foule de quémandeurs venus qui pour une aide financière, qui pour des médicaments. Fatimetou Mint Abdel Malik, première femme à avoir été élue à la tête d’un conseil municipal en Mauritanie, en 2001, ne chasse jamais personne. « Ma porte est toujours ouverte ! » proclame-telle fièrement.

Maire de Tevragh-Zeina (« la toujours belle »), l’une des neuf communes de la Communauté urbaine de Nouakchott (CUN), ce petit bout de femme dégage une formidable énergie. « Ce que je n’ai pas en taille, je l’ai gagné en caractère », plaisante-telle. Et il lui en faut pour écouter les doléances à longueur de journée et pour agir sans grands moyens, même si sa commune est considérée comme la plus riche de la capitale. « L’État s’est désengagé financièrement, explique l’élue. Et notre budget s’élève à 580 millions d’ouguiyas [1,6 million d’euros], c’està-dire celui d’une toute petite ville française. »

Elle doit se « dédoubler » pour maintenir la cohésion sociale, se préoccuper des veuves et des orphelins, tout en veillant à encadrer les jeunes

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Une ONG à elle toute seule

Commune des ministères, des ambassades et des beaux quartiers, Tevragh-Zeina n’est pas le Neuilly de Nouakchott que l’on pourrait croire. Tout au plus « la capitale de la capitale ». Ses 79 000 habitants ne sont pas tous fortunés et « les pauvres y sont encore plus pauvres qu’ailleurs, parce qu’ils côtoient des très riches », souligne Fatimetou Abdel Malik. C’est pourquoi elle doit se « dédoubler » pour maintenir la cohésion sociale, se préoccuper des veuves et des orphelins, tout en veillant à encadrer les jeunes. Une ONG à elle toute seule !

La municipalité de Tevragh-Zeina n’a pas compétence sur les transports, la gestion des ordures ou les égouts, qui relèvent de la CUN, ce qui ne chagrine pas outre mesure Mme le maire. En revanche, en tant qu’ancienne secrétaire générale du ministère de l’Urbanisme, elle regrette son manque de pouvoir en matière foncière.

Non contente de parcourir le continent et de prendre la parole à Paris ou à New York, elle sillonne le pays « en caravanes » pour appuyer la candidature de femmes

Elle aimerait tant améliorer l’aménagement de ses 40 km de littoral pour maîtriser les inondations, y implanter un corridor vert et, pourquoi pas, en faire une sorte de quartier des Almadies, comme à Dakar. Pour l’instant, elle tire autant qu’elle peut la sonnette d’alarme quand « on » attribue des autorisations de construction dans des zones insalubres ou fragiles. « Mais ce n’est pas facile, parce qu’il y a de l’argent en jeu… »

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La « chef de famille »

Ce caractère bien trempé, Fatimetou Abdel Malik le tient peut-être du désert qui l’a vue naître, en 1958, à Tamchekett, où son père était administrateur. Après des études d’informatique à Louvain-la-Neuve, en Belgique, elle ouvre un bureau de prestations informatiques à Nouakchott, avant d’accepter d’administrer les réseaux d’une grande banque. Son tropisme social lui fait répondre présent quand, en 2001, le parti majoritaire de l’époque (Parti républicain démocratique et social, PRDS) lui demande de se présenter aux municipales.

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C’est aussi le début de son combat féministe. Elle, que l’on dit « chef de famille » (c’est à-dire « sans mari »), a éduqué seule ses trois enfants et entend ouvrir la voie à ses sœurs. Elle a rejoint le Réseau des femmes élues locales d’Afrique (Refela), dont elle est présidente depuis 2012. Non contente de parcourir le continent et de prendre la parole à Paris ou à New York, elle sillonne le pays « en caravanes » pour appuyer la candidature de femmes. Elle est fière que six d’entre elles soient désormais maires, dont la présidente de la CUN, Maty Mint Hamady (élue en 2014), elle-même, et quatre autres élues à l’intérieur du pays. Elles sont 6 sur… 218 maires en Mauritanie.

Fatimetou Abdel Malik a encore du travail pour venir à bout de la tradition qui confine les femmes dans les tâches domestiques, même si les Mauritaniennes jouissent d’une autonomie et d’un pouvoir rares en terre d’Islam. « Après tout, conclut-elle, c’est nous les vrais chefs de famille. » Alors, autant être chef tout court. Et pas question de prendre de vacances.

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