L’Algérien Zak Allal déniche les futurs talents de la Silicon Valley dans les pays francophones

Pianiste et médecin-entrepreneur, il représente l’Université de la Singularité dans les pays francophones.

Zak Allal représente l’Université de la Singularité dans les pays francophones © Zak Allal/Twitter

Zak Allal représente l’Université de la Singularité dans les pays francophones © Zak Allal/Twitter

Publié le 14 septembre 2015 Lecture : 4 minutes.

Celui qui se définit simplement comme « méditerranéen » arrive en avance, tout sourire, gouaille facile. Les yeux noirs et rieurs sont cernés : « Je dors peu la nuit », s’excuse-t-il.

Et pour cause. Depuis 2013, Zak Allal a été nommé représentant de l’Université de la Singularité. À la recherche de talents triés sur le volet, il promet : « Je veux permettre à Mounira, qui a d’excellentes notes dans son village algérien, de rejoindre la Silicon Valley pour y apprendre encore plus et pouvoir revenir, ensuite, construire le pays. »

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Fondée en 2008 par Ray Kurzveil, patron du développement chez Google, et par le physicien Peter Diamandis, l’Université de la Singularité se situe à mi-chemin entre l’incubateur de start-up et le dispositif éducatif. Basée dans la Silicon Valley (États-Unis), à deux pas de la Nasa, elle forme 80 étudiants aux nanotechnologies, aux biotechnologies et à l’intelligence artificielle.

Zak Allal y enseigne la médecine et les neuro-sciences. Un travail qu’il mène de front avec ses activités entrepreneuriales. En 2010, il a en effet fondé une start-up spécialisée dans le don d’organes, Organ Preservation Alliance, financée par l’un des plus grands investisseurs américains, Peter Thiel, cofondateur de Paypal.

Né à Tlemcen, élevé dans les quartiers chics d’Oran, expatrié en Californie, le jeune homme de 28 ans a conservé de son expérience « silicon valleyienne », comme il se plaît à dire, l’apparente décontraction américaine. La langue est fluide, le discours direct mais contrôlé.

Lorsqu’on l’interroge sur l’objectif de l’Université de la Singularité, il répond : « Changer les écosystèmes pour impacter directement l’homme. » Il prévient : « Ce n’est pas de la vantardise, mais de l’ambition. » Au programme, bourses d’études et partenariats d’entreprises.

L’université, en Algérie, c’est l’école de la vie

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Allal, fils d’un père chirurgien et d’une mère médecin, a toujours baigné dans l’univers de la santé. C’est tout naturellement qu’il s’est inscrit à l’université d’Oran Es-Senia. Selon lui, le système éducatif algérien, souvent décrié, a le mérite de créer des personnalités fortes. « L’université, en Algérie, c’est l’école de la vie. La galère est un système formidable qui vous apprend à ne pas vous laisser marcher sur les pieds. »

Sous ses airs spontanés, Allal confie être de nature angoissée et très sensible. C’est l’une des raisons pour lesquelles, très jeune, il s’est tourné vers le piano. Jusqu’à se produire au Grand Carnegie Hall de New York. « J’étais fasciné par cet instrument complexe qui me permettait de mettre de l’ordre dans toutes les idées qui inondaient mon cerveau », raconte-t-il.

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Cette passion pour la musique, il la doit à son père, qui l’a inscrit dès l’âge de 4 ans à des cours de musique andalouse. Pourtant, au piano, Zak ne se distinguait alors pas des autres élèves, ses professeurs le décrivant même comme médiocre. Il préférait déjà composer plutôt que reproduire…

À 15 ans, en petit prodige, il signe ses propres compositions. Plus tard, il naviguera entre les bancs de la fac et le conservatoire de Palma de Majorque. Son inspiration ? Il la puise dans l’observation de la nature. Son album, sorti en 2012, s’appelle Celestial. Les extraits publiés sur YouTube l’ont fait connaître des professionnels du milieu.

Bien qu’installé aujourd’hui à Los Angeles, le jeune homme assure n’avoir jamais quitté l’Algérie. Elle le suit partout, comme ce soir de représentation au Carnegie, où un vieillard en fauteuil roulant l’interroge sur ses origines. Ce soldat américain retraité lui confie alors : « J’ai défendu l’indépendance du peuple algérien, quelle fierté pour moi de voir aujourd’hui un citoyen algérien libre jouer ici ! »

Allal retourne régulièrement à Oran, où sa famille et ses amis sont restés. « Les voir m’aide à ne pas prendre la grosse tête. » Mais pour celui qui a tout du gendre idéal, la vie de famille attendra. La rupture avec sa fiancée restée au pays alors qu’il montait son entreprise à San Francisco a laissé des cicatrices. « J’ai fait des sacrifices, j’ai laissé des gens partir pour mener à bien mes projets, confie-t-il. Je prendrai ma retraite un jour pour fonder une famille et voyager, mais pas maintenant. »

En fait-il trop ? Son collègue et ami à l’Université de la Singularité, Gabriel Baldinucci, confirme : « Il est intéressé par trop de choses, il doit apprendre à mesurer sa passion. »

Cette hyperactivité, le concerné a du mal à l’expliquer sans évoquer avec émotion la mémoire de son grand-père. Un militant indépendantiste, analphabète, qui a appris à lire seul, et passait ses soirées à feuilleter des numéros du magazine Sciences & Vie. « Il a toujours regretté de ne pas être allé à l’école », raconte Zak Allal.

Son décès, en 2012, a été un électrochoc pour le petit-fils. « J’avais toujours demandé à mon grand-père d’écrire ses Mémoires, il est parti sans rien laisser. Je me suis alors demandé ce qu’à mon tour je laisserai lorsque je quitterai cette terre… » S’investir en politique, il n’y pense pas. Mais transformer les écosystèmes, il y compte bien.

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