Pèlerinage : changer de Mecque ?
La tragique bousculade de la Mecque qui a causé la mort de plus de 2 100 personnes, selon des chiffres officiels fournis le 22 octobre par 34 pays, fait partie d’une série d’accidents meurtriers survenus ces dernières années au moment du pèlerinage.
Ces catastrophes ne remettent pas tant en question la pratique du hadj, cinquième pilier de l’islam, que son maintien en Arabie saoudite. Des propositions, des plus sérieuses aux plus farfelues, sont régulièrement avancées. Du grand dignitaire chiite en colère qui dénonce l’incapacité des Al Saoud à gérer seuls les sanctuaires de l’islam au simple croyant qui, comme ce Tunisien, a dressé une maquette de la Kaaba dans un parc public, appelant ses concitoyens à y accomplir leurs circonvolutions, ou comme ces fidèles nigérians qui ont pris l’habitude de tourner autour d’une pierre noire en répétant : « Dieu est partout. Pas la peine de se faire voler ses sous ! », chacun y va de sa suggestion.
Je propose l’édification d’une Kaaba dans chaque ville et village musulmans. L’argent économisé ira au profit d’une organisation qui s’occupera de construire des écoles et des hôpitaux, a proposé Sami Dhib
Le 2 octobre, voilà qu’un journal marocain publie la proposition choc d’un intellectuel palestinien scandalisé que la manne financière atterrisse dans les poches d’émirs qui « ne la valent pas ». Sami Dhib affirme qu’un jour, entendant un voisin implorer Dieu de lui donner de quoi accomplir le pèlerinage, il lui suggère : « Tu prends le premier poteau que tu rencontres dans cette rue et tu tournes autour en priant. Allah te le pardonnera. » Son voisin trouve la recommandation raisonnable. Et Dhib de conclure : « Je propose l’édification d’une Kaaba dans chaque ville et village musulmans. L’argent économisé ira au profit d’une organisation qui s’occupera de construire des écoles et des hôpitaux. »
À noter que nombre d’intellectuels arabes, tels l’Irakien Ahmed al-Qabbanji ou l’Égyptien Mahmoud al-Qomni, avaient déjà mis en doute l’utilité de se rendre obligatoirement à La Mecque pour le pèlerinage. Le dernier proposait la construction d’une Kaaba au Sinaï – où Moïse reçut la Révélation -, affirmant que les bénéfices d’une telle entreprise feraient gagner à l’Égypte quelque 30 milliards de livres par an.
Comment concevoir le pèlerinage sans l’idée centrale du voyage ?
Personnellement, je veux bien. Mais allez répéter ces propos au musulman lambda. Il s’en offusquerait, et je lui donne raison. Car comment concevoir le pèlerinage sans l’idée centrale du voyage ? Comment lui ôter son côté risques et périls sans porter atteinte au mythe, ancré dans l’imaginaire musulman, de valeureux ancêtres pèlerins, s’en allant à dos de chameau sur les chemins, des années durant, bravant la faim, la soif et les razzias ! Et comment se passer de l’euphorie liée au sentiment d’être sur les lieux de la Révélation ? Ces lieux où tout bon croyant souhaite mourir afin de reposer à jamais à deux pas du Prophète.
Tout compte fait, je préfère le pèlerinage dans sa forme actuelle, non pas parce que je me réjouis d’engraisser les Saoudiens, ni parce que je raffole de leur wahhabisme qui fait tant de mal au monde, mais parce que je souhaite le voir garder son côté romanesque et aventurier qui disparaîtrait si l’on tournait autour d’un poteau en guise de Kaaba. Pour une fois que les Saoudiens nous fournissent du mythe et du rêve !
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