Yossi Beilin : « La gauche peut accomplir le rêve de Rabin »

Le 4 novembre 1995, le jour où Yitzhak Rabin est assassiné, Yossi Beilin, son négociateur attitré et ministre israélien de l’Économie, est à New York en compagnie de la consule générale d’Israël, Colette Avital, et de l’écrivain Amos Oz. Ironie du sort, « ce jour-là, précise-t-il, je venais d’achever deux ans de pourparlers avec Mahmoud Abbas » (alors président du Comité exécutif de l’OLP).

Yossi Beilin (à g.) et Yasser Abed Rabbo, le 16 décembre 2003, à Paris. © JOËL ROBINE/AFP

Yossi Beilin (à g.) et Yasser Abed Rabbo, le 16 décembre 2003, à Paris. © JOËL ROBINE/AFP

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Publié le 11 novembre 2015 Lecture : 2 minutes.

À 15 h 30, il reçoit un appel de son chef de cabinet, qui lui apprend qu’un attentat a visé Rabin. « Nous avons tout de suite allumé CNN pour suivre les événements, se souvient-il. Jusqu’à ce que mon téléphone sonne à nouveau et qu’on m’annonce son décès. »

Les services de sécurité intérieure du Shabak élèvent leur niveau d’alerte et renforcent la sécurité de toutes les personnalités proches de Rabin. Beilin est escorté dans un hôtel de Manhattan, où il retrouve Ehoud Barak, alors ministre de l’Intérieur. « Nous avons tout de suite été rapatriés à Tel-Aviv, raconte-t-il. Dans l’avion, nous n’avons pas cessé de discuter de la situation. Ça a duré la nuit entière. » Sitôt arrivé, l’architecte des accords d’Oslo part rencontrer Shimon Peres pour préparer l’intérim. « Son visage, je me souviens de son visage, s’étonne-t-il encore aujourd’hui. Il était gris, je n’avais jamais vu ça. Comment peut-on vieillir autant en une nuit ? Cette image de Peres m’a durablement marqué. »

Je persiste à dire que nous commettons une erreur en maintenant en l’état l’Autorité palestinienne. Et puis, à l’exception de la paix avec la Jordanie, que nous devons à Rabin, nous avons perdu tous les liens noués avec le monde arabe, déplore Beilin

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Vingt ans après les faits, le négociateur de 67 ans reste étroitement associé aux accords intérimaires de 1993 et n’a jamais cessé de s’impliquer dans le processus de paix avec les Palestiniens. En 2001, il prend une part active dans les pourparlers de Taba, perçus comme une séance de rattrapage après l’échec de Camp David II, avant de tenter de redynamiser l’esprit d’Oslo à la faveur de l’Initiative de Genève, en 2003, où lui et le ministre palestinien Yasser Abed Rabbo proposent un nouveau plan de paix. « Je persiste à dire que nous commettons une erreur en maintenant en l’état l’Autorité palestinienne. Et puis, à l’exception de la paix avec la Jordanie, que nous devons à Rabin, nous avons perdu tous les liens noués avec le monde arabe », déplore Beilin.

Nous pouvons reprendre le pouvoir et concrétiser le rêve de Rabin, confie Beilin

Aujourd’hui, la réélection de Netanyahou n’a pas altéré sa confiance en l’avenir. « Je ne le vois pas comme un leader fort, regardez comme il se démène pour maintenir une courte majorité. Comment imaginer qu’il puisse convaincre son parti, le Likoud, de relancer les négociations avec les Palestiniens ? » Pourtant, en autorisant la mise en place de barrages filtrants aux entrées de Jérusalem-Est, « Bibi » a divisé de facto la ville sainte, suscitant l’ire de son parti. « Netanyahou a compris qu’il ne pourrait pas maintenir les Palestiniens sans droit de vote et qu’il y aura une séparation. » Et Beilin de conclure : « Les prochaines élections seront décisives. La gauche et la droite sont au coude à coude. Nous pouvons reprendre le pouvoir et concrétiser le rêve de Rabin. »

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