Automobile : le difficile chemin vers l’industrialisation du secteur en Afrique

De plus en plus de groupes veulent produire des voitures au Maghreb et en Afrique de l’Ouest. Mais la transformation des lignes de montage en usines de fabrication bute souvent sur l’absence de leurs principaux fournisseurs.

Zéro carbone et zéro rejet liquide pour l’usine Renault Tanger Med. © WILFRIED MAISY/REA

Zéro carbone et zéro rejet liquide pour l’usine Renault Tanger Med. © WILFRIED MAISY/REA

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Publié le 16 novembre 2015 Lecture : 6 minutes.

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Automobile : le difficile chemin vers l’industrialisation en Afrique

Découvrez un tour d’horizon complet d’un secteur automobile africain en pleine transformation : des aspirations contrariées des constructeurs automobiles dans le développement de leurs usines en Afrique à l’envol du commerce de véhicules en ligne sur le continent, de la percée de Volkswagen au Maghreb au ralentissement de Hyundai et Kia au sud du Sahara.

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Après Renault, qui a ouvert la voie en 2012 avec sa grande usine marocaine de Tanger Med puis avec celle d’Oran, inaugurée en 2014, les constructeurs automobiles regardent désormais le continent comme une possible base industrielle. L’annonce, en juin 2015, par le patron de PSA Peugeot Citroën, Carlos Tavares, de l’implantation d’une usine à Kenitra, au Maroc, et d’une autre, en cours de discussion, en Algérie montre que l’Afrique n’est plus perçue uniquement comme une zone d’importation. Les visites prospectives de constructeurs comme Toyota et Volkswagen dans plusieurs pays d’Afrique du Nord se sont multipliées ces derniers mois. Tout comme les annonces, de la part de Peugeot, de Ford, de Nissan, de Hyundai, de Honda ou de Tata, de lancement ou de redémarrage de petites usines d’assemblage au Nigeria.

Renault s’implante au Maghreb

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Dans le Nord et dans quelques pays au sud du Sahara, les usines automobiles sont perçues, à juste titre, comme de véritables moteurs pour l’industrialisation d’un pays, susceptibles de drainer des milliers de fournisseurs. En effet, la fabrication d’un véhicule intègre une diversité des composants – métalliques, plastiques, électriques, électroniques, mécaniques et pneumatiques -, fait appel à des technologies variées – emboutissage, tôlerie, montage, et peinture -, et, pour le maintien des cadences, des performances logistiques sont requises.

Au Maghreb, où les ventes ont atteint des volumes importants – entre 200 000 et 300 000 véhicules neufs pour la seule Algérie -, tout comme dans le très peuplé Nigeria, potentiel eldorado, les gouvernants ont compris qu’ils disposaient de marchés suffisamment attractifs pour décider les constructeurs à s’implanter. Et mis en place des politiques douanières et fiscales incitatives. Reste qu’il faut du temps.

En Algérie, l’entrée en exploitation de l’usine de Renault près d’Oran en 2014 a pu laisser espérer que les carnets de commandes des sous-traitants algériens se garniraient du jour au lendemain. Il n’en est toujours rien. Et pour cause : l’industrie automobile algérienne avait disparu dans les années 1970.

Aucun équipementier international – comme Valeo ou Faurecia – n’y est présent. « La renaissance de la filière en Algérie ne peut pas se faire en un claquement de doigts. C’est illusoire et un non-sens de penser qu’on peut créer un écosystème automobile du jour au lendemain. C’est un processus long et progressif », estime Latifa Liot, consultante basée à Alger, où elle accompagne les projets de plusieurs industriels internationaux. Selon elle, les sous-traitants algériens sont encore loin d’être au niveau, rappelant que les Marocains ont parcouru un long chemin avant d’ouvrir Renault Tanger Med.

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« Le royaume chérifien s’est engagé sans interruption depuis 1960 dans l’industrie avec l’usine de la Société marocaine de construction automobile, basée à Casablanca et privatisée en 2003. Assemblant des véhicules pour Renault, Peugeot et Fiat, elle a été reprise par le constructeur au losange en 2011 », rappelle depuis Casablanca Abdelaziz Meftah, le secrétaire général de l’Association marocaine de construction automobile (Amica), qui regroupe 90 % des équipementiers du secteur. « Le fait de séduire des constructeurs automobiles comme Renault et Peugeot a été possible grâce à l’implantation de leurs grands fournisseurs de rang un, tels que les japonais Yazaki [câblages], Takata [systèmes de sécurité] et Sumitomo [verre et électronique], présents chez nous depuis très longtemps », explique le Marocain.

Dans leur sillage, des fabricants du royaume ont pu se développer et passer du rang deux au rang un, comme les sociétés Induver (fabricant de verre) et Tuyauto (tubes). « Notre industrie s’est étoffée et diversifiée, détrônant même, en 2014, la filière des phosphates pour devenir le premier secteur à l’exportation, avec un chiffre d’affaires de 4 milliards d’euros », se félicite le secrétaire général de l’Amica.

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« Au Maroc et en Algérie, nous avons des équipes d’acheteurs qui travaillent à augmenter nos performances en matière d’intégration locale [une exigence administrative également]. Il ne s’agit pas de plaire aux autorités, mais aussi et surtout d’améliorer la compétitivité de nos usines marocaines, en donnant la priorité aux pièces pour lesquelles les coûts logistiques sont élevés, en particulier le câblage et les sièges », explique Pascal Felten, directeur industriel de Renault pour la région Afrique – Moyen-Orient – Inde.

« La tâche est plus difficile en Algérie, qui dispose d’un tissu industriel automobile moins développé qu’au Maroc, avec des volumes d’usine moindres, qui n’attirent donc pas encore nos grands fournisseurs de rang un », reconnaît ce Français, qui anime les équipes industrielles et logistiques de Casablanca, de Tanger et d’Oran. « On peut toutefois d’ores et déjà appuyer le développement de filières spécifiques. Le pays dispose par exemple d’un réel savoir-faire en matière d’emboutissage et de tôlerie. Des partenariats mixtes avec des fournisseurs du panel constructeurs seraient à ce titre un réel atout pour renforcer leurs compétences », analyse Latifa Liot.

« Seul le Maroc me semble capable d’approvisionner la zone Afrique de l’Ouest, aujourd’hui encore presque exclusivement alimentée par les usines européennes et asiatiques, note le patron de la Sénégalaise de l’automobile, Jérôme Barth. D’une part, le nombre de lignes maritimes entre Tanger ou Casablanca et la région augmente. D’autre part, le royaume chérifien dispose d’accords de libre-échange avec plusieurs pays, dont le Sénégal et le Mali », note le distributeur, qui regrette de voir les véhicules Mercedes fabriqués en Afrique du Sud et destinés à sa concession remonter jusqu’à Rotterdam avant de revenir à Dakar, faute d’une liaison maritime directe.

Bientôt en Afrique de l’Ouest ?

Si l’usine de Renault à Tanger a clairement été lancée pour sa compétitivité industrielle et sa capacité à exporter tant en Afrique qu’en Europe, la plupart des autres projets d’usines sur le continent, d’une bien plus faible capacité, sont plus opportunistes. « Au Nigeria, sans les incitations fiscales et douanières, nous ne fabriquerions pas de voitures », reconnaît Éric Maydieu, le patron de Peugeot dans le pays, qui a rouvert en 2014, avec son partenaire local PAN, son usine d’assemblage de Kaduna, à l’arrêt depuis 2011. La production attendue en 2015 est seulement de 400 véhicules : des modèles 301 et 508. « Ici, nous ne pourrons pas aligner le coût par véhicule sur celui obtenu dans nos usines de Vigo [Espagne] ou de Rennes [France], mais les exigences de qualité sont identiques », ajoute-t-il.

Le directeur industriel prévoit d’ailleurs le démarrage au Nigeria d’une petite usine de remontage de véhicules démontés en Europe, d’ici à décembre

Chez Renault, Pascal Felten est sur la même longueur d’onde. « Pour être compétitive, une usine doit croître en volume, à l’instar de notre installation de Tanger, qui produit 800 véhicules par jour, contre 125 à Oran, dont les coûts de production sont logiquement plus élevés. Mais avec l’évolution récente de la réglementation algérienne, qui, pour les voitures fabriquées localement, diminue les taxes et autorise le crédit automobile, nous nous félicitons d’être présents industriellement en Algérie », indique-t-il. Le directeur industriel prévoit d’ailleurs le démarrage au Nigeria d’une petite usine de remontage de véhicules démontés en Europe, d’ici à décembre, et étudie des projets similaires au Kenya et en Angola, tournés exclusivement vers leurs marchés nationaux respectifs. « En revanche, précise-t-il, Renault n’annoncera pas à court terme un projet de la taille de celui de Tanger, tourné vers l’exportation. »

Les petites usines d’assemblage, même nées pour des raisons fiscales et commerciales, peuvent entraîner la naissance ou la renaissance industrielle de certains pays. « Il y a un cheminement naturel entre les usines de remontage de véhicules démontés, les véritables usines de montage et les grandes usines complètes, de la formation des pièces de la carrosserie, jusqu’à la peinture », indique Pascal Felten, qui prend le Maroc comme un bon exemple de cette progression. Reste que pour les pays dont le tissu automobile est faible, le principal défi pour attirer les constructeurs est de faire venir leurs grands fournisseurs de rang un.

Dans les pays où les marchés de véhicules neufs sont encore très limités et irréguliers, il faudra nécessairement créer les conditions d’un marché régional pour augmenter les volumes

Et quand un premier constructeur s’installe, de s’appuyer sur lui pour qu’il incite à produire sur place ceux qui l’approvisionnent en pièces. Enfin, dans les pays où les marchés de véhicules neufs sont encore très limités et irréguliers – tel le Nigeria, avec seulement 15 000 véhicules en 2015, contre 50 000 en 2014 -, il faudra nécessairement créer les conditions d’un marché régional pour augmenter les volumes. Sans oublier l’amélioration des capacités logistiques et électriques, essentielles pour les usines et leurs sous-traitants.

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