Le marché automobile tunisien doit se relever du Printemps arabe
Face à la baisse des ventes, les marques confisquées par l’État au clan Ben Ali, puis revendues, dominent encore leurs concurrentes.
Automobile : le difficile chemin vers l’industrialisation en Afrique
Découvrez un tour d’horizon complet d’un secteur automobile africain en pleine transformation : des aspirations contrariées des constructeurs automobiles dans le développement de leurs usines en Afrique à l’envol du commerce de véhicules en ligne sur le continent, de la percée de Volkswagen au Maghreb au ralentissement de Hyundai et Kia au sud du Sahara.
Le moteur du marché automobile tunisien se révèle poussif. Sur les huit premiers mois de l’année, 34 091 véhicules ont été immatriculés, un chiffre en baisse de 5,9 % par rapport à la même période en 2014.
Dans ce contexte morose, c’est le segment des petites cylindrées qui s’en sort le mieux, prenant 10 % du marché (contre 2,5 % en 2010). Les concessionnaires ont dû s’adapter, à commencer par le groupe leader, Ennakl Automobiles (Volkswagen, Seat, Audi, Skoda et Porsche), qui conserve 15,4 % du marché tunisien (+ 9,22 %). « Notre volonté de nous diversifier sur les entrées de gamme nous permet de rester leader », explique Ibrahim Debache, PDG d’Ennakl Automobiles, qui a fait 281,6 millions de dinars de chiffre d’affaires en 2014 (127,6 millions d’euros). Avec ses modèles Leon et Ibiza, Seat (+ 17,9 %) tire Ennakl vers le haut.
Citroën est leader, car nous proposons 13 modèles qui couvrent l’ensemble des gammes, explique Bassem Loukil, le PDG du groupe
La montée en puissance des marques asiatiques confirme l’importance des petites cylindrées. En Tunisie depuis six ans, le coréen Kia se place déjà en cinquième position des ventes avec un chiffre d’affaires de 116,8 millions de dinars en 2014. Le modèle Rio Sedan est l’un de ses grands succès. « Le secret est de savoir se positionner par rapport aux concurrents : proposer plus d’options, tout en restant le plus attractif », dévoile Mehdi Mahjoub, le PDG de City Cars, qui distribue Kia. La règle du « plus performant au moindre coût » s’impose aussi sur le secteur des voitures premium, où Audi progresse de 14,6 % grâce à l’arrivée du modèle A3, plus abordable que le modèle A4.
Pour survivre, les concessionnaires doivent offrir un meilleur service. Par exemple en étendant leur réseau et en proposant davantage de modèles. Le groupe Loukil, qui distribue Citroën – la marque la plus vendue dans le pays avec 13,9 % de part de marché – et Mazda, compte 17 points de vente et en ouvrira d’autres prochainement dans les régions intérieures (Gafsa, Sidi Bouzid et Kairouan). « Citroën est leader, car nous proposons 13 modèles qui couvrent l’ensemble des gammes », explique Bassem Loukil, le PDG du groupe, dont la branche automobile a fait 374,6 millions de dinars de chiffre d’affaires en 2014.
Le succès d’Ennakl Automobiles
Les concessionnaires liés à l’ancien régime supportent mieux le ralentissement du marché. Ils continuent de bénéficier, comme au temps de Zine el-Abidine Ben Ali, de plus gros volumes d’importation. C’est le cas d’Ennakl Automobiles et de Stafim Peugeot, qui, en 2010 comme en 2015, sont restés respectivement premier et troisième plus gros importateur de voitures. Ces sociétés, administrées par l’État au titre des biens confisqués après la révolution, ont pu faire le dos rond quelques années avant d’être rachetées. La première par le consortium Amen-Poulina, la seconde par le groupe Khéchine.
Le distributeur Alpha – qui possède Ford, Land Rover, Jaguar et Hyundai – est toujours aux mains du holding d’État Al Karama, qui gère les biens confisqués
Ennakl Automobiles et Stafim Peugeot ont pu établir un plan marketing ambitieux sans repartir de zéro. Kia était également dans la liste des biens confisqués avant d’être revendu au holding HBG et au groupe Chabchoub, mais la marque, apparue juste avant la révolution, ne bénéficie que d’un faible volume d’importations. Le distributeur Alpha – qui possède Ford, Land Rover, Jaguar et Hyundai – est toujours aux mains du holding d’État Al Karama, qui gère les biens confisqués. Les résultats sont mauvais : Ford a perdu 42,3 % de part de marché entre les mois d’août 2014 et 2015 ; Land Rover, 22,7 % ; Jaguar, 35 %. Seul Hyundai gagne 9,5 %.
Le salut d’Alpha pourrait venir de sa privatisation, mais, pour l’heure, même si le groupe Loukil se dit intéressé, rien n’a filtré. Al Karama Holding devrait en revanche prochainement céder Car Pro, qui détient la marque Suzuki et n’avait pas démarré ses activités au moment de sa nationalisation.
Les bonnes affaires de la diaspora
Le marché parallèle légal est le grand bénéficiaire de la course aux prix bas. En cas de retour au pays, les Tunisiens de l’étranger peuvent rapatrier leur voiture en s’acquittant de taxes réduites. De nombreux émigrés préfèrent monnayer ce droit, appelé FCR, auprès d’intermédiaires qui font revenir et revendent les voitures ainsi réimmatriculées à bas coût. En 2014, ce commerce a représenté 52 % du marché des voitures neuves, contre 29 % en 2010.
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