Télécoms : sale temps pour MTN

Grève, controverse fiscale, amende record infligée par le Nigeria, démission du PDG… Le groupe sud-africain enchaîne les déboires, alors que le secteur des télécoms tout entier voit ses marges fondre.

En cinq jours, l’action du groupe a perdu 17 % de sa valeur. © PIUS UTOMI EKPEI/AFP

En cinq jours, l’action du groupe a perdu 17 % de sa valeur. © PIUS UTOMI EKPEI/AFP

Publié le 27 novembre 2015 Lecture : 4 minutes.

Un internaute à Abidjan. © Mathieu Olivier pour J.A.
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Télécoms & internet : focus sur les start-up africaines

Dans ce dossier, « Jeune Afrique » revient sur les blocages auxquels sont confrontés les start-up africaines, des difficultés de financement aux erreurs d’analyse du marché. Découvrez également un focus sur de jeunes pousses africaines en pointe ainsi que le décryptage des stratégies africaines de groupes plus matures, tels que le sud-africain MTN, l’opérateur indien Airtel et le géant de l’électronique Motorola Solutions Inc.

Sommaire

En 2010, MTN avait repeint l’aéroport international de Johannesburg d’un jaune conquérant pour célébrer la Coupe du monde de football. Cinq ans plus tard, le géant de la téléphonie mobile sud-africain a perdu une partie de son éclat. Son PDG depuis 2011, Sifiso Dabengwa, a démissionné après l’amende record de 5,2 milliards de dollars (4,7 milliards d’euros) infligée à l’opérateur par les autorités nigérianes.

Cette pénalité sanctionne une infraction à la nouvelle législation anti-terroriste imposant de déconnecter des abonnés non identifiés. MTN, qui conteste la pénalité – équivalente à environ 1,3 fois son chiffre d’affaires au Nigeria, son premier marché -, n’aurait pas respecté les délais impartis. Même si le Nigeria transige sur une partie du montant et qu’une solution à l’amiable est trouvée, c’est un avertissement sévère du nouveau gouvernement de Muhammadu Buhari, doublé d’une grosse claque boursière.

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En cinq jours, l’action MTN, huitième valeur de la Bourse de Johannesburg, a perdu 17 % et une bonne part de son crédit auprès des agences de notation, alors que le groupe se remet à peine de la première longue grève de son histoire en Afrique du Sud, son deuxième marché après le Nigeria. Ce mouvement social inédit qui a duré de mai à juillet, a bloqué les centres d’appels de l’opérateur, de nombreuses boutiques et les services de réparation.

Les revendications portaient sur la revalorisation des primes et la transformation d’emplois précaires en emplois permanents

Il s’est aussi soldé par le départ précipité du patron de la filiale sud-africaine, Ahmad Farroukh, un baron du groupe, recruté depuis par le consortium Etihad Etisalat pour la société affiliée Mobily. Les revendications portaient sur la revalorisation des primes et la transformation d’emplois précaires en emplois permanents. Un accord a finalement été trouvé, mais les ventes de smartphones, cruciales par les temps qui courent, ont souffert.

« La vente des terminaux est essentielle pour la stratégie de MTN, car les revenus de la voix diminuent, et ils doivent donc, comme leurs concurrents, pousser au maximum leurs clients vers l’utilisation de données », explique Thecla Mbongue, analyste franco-camerounaise au cabinet d’études Ovum. Un nouveau dirigeant a été nommé pour l’Afrique du Sud, le troisième en deux ans, Mteto Nyati, 50 ans. Ce transfuge d’IBM et de Microsoft a reçu pour mission de remettre MTN sur la voie de la croissance dans le pays en misant sur les services spécialisés aux entreprises et sur le numérique.

MTN doit faire des économies

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Comme un malheur n’arrive jamais seul, l’entreprise vient d’être épinglée par la presse sud-africaine pour ses montages financiers aussi alambiqués que lucratifs lui permettant de transférer des revenus dans des paradis fiscaux comme Maurice ou Dubaï, en toute légalité selon le groupe, mais en parfaite contradiction avec son noble plaidoyer au service du développement du continent. MTN jure ses grands dieux qu’il est « totalement en règle ». Mais selon le Mail & Guardian, le litige est encore en suspens avec les autorités fiscales de l’Ouganda, du Nigeria et du Ghana.

Les marges bénéficiaires de MTN sont sous pression et l’heure est aux économies.

Au-delà de ces controverses et des difficultés conjoncturelles, les marges bénéficiaires du groupe, encore relativement élevées, sont sous pression, et l’heure est aux économies.

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Fini par exemple le parrainage de l’équipe cycliste africaine Qhubeka ; ce budget a été supprimé après le Tour de France. Début août, MTN annonçait un recul de son chiffre d’affaires semestriel de 4,9 % par rapport au premier semestre de 2014, à environ 69,21 milliards de rands (5 milliards d’euros). La marge Ebitda a également fondu (- 10,1 %, à 30,27 milliards de rands de janvier à juin) alors que le nombre d’abonnés progresse (231 millions dans 22 pays).

Patron par interim © MTN

Patron par interim © MTN

« Ce à quoi l’on assiste, c’est à une tendance générale au déclin des recettes sur notre marché traditionnel, qui était principalement la voix et les SMS », expose Chris Maroleng, porte-parole du groupe. « Les données, en revanche, sont un moteur de recettes en pleine émergence », ajoute cet ancien présentateur de télévision, en détaillant avec la foi d’un VRP les trois piliers de la nouvelle stratégie MTN pour générer des recettes : le numérique, avec l’e-commerce, la musique, la télévision payante – l’opérateur vient d’acheter une licence au Nigeria, où il est le premier distributeur de musique -, la banque, l’assurance, et même l’épargne par téléphone mobile ; un meilleur profilage marketing des clients ; et, surtout, le service aux entreprises. « Nous proposons à celles qui ont des activités en Afrique ou au Moyen-Orient du stockage de données (cloud), des services de serveur à serveur, etc. », explique Chris Maroleng.

D’autres développements géographiques ?

Le but est de reprendre des parts de marché en Afrique du Sud face au leader Vodacom et surtout de rester profitable « dans une phase critique où la technologie évolue très rapidement et les habitudes des consommateurs aussi », souligne Thecla Mbongue.

Le groupe refuse strictement d’évoquer tout projet d’expansion alors qu’il lui manque une implantation en Afrique du Nord et en RD Congo.

Phuthuma Nhleko, le prédécesseur de Sifiso Dabengwa, avait fait le choix de s’aventurer jusqu’en Iran, un marché peu concurrentiel et très rentable jusqu’à une date récente, ainsi que dans d’autres pays du Moyen-Orient, comme le Yémen, la Syrie, l’Afghanistan. Aujourd’hui, le groupe refuse strictement d’évoquer tout projet d’expansion alors qu’il lui manque une implantation en Afrique du Nord, en RD Congo, voire une vraie licence au Kenya.

« L’époque est plus aux restructurations ou aux externalisations qu’à un nouvel essor géographique, assure Thecla Mbongue. Il leur faut optimiser ce qui a été déployé, continuer à faire du rendement alors qu’il y a la concurrence non seulement des autres opérateurs, mais aussi de la voix sur IP, de Skype ou Viber, de WhatsApp. Les opérateurs comme MTN ne savent pas si demain un génie de la Silicon Valley ou même d’un township ne va pas inventer une nouvelle application qui va encore faire diminuer leurs revenus. »

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