RDC : Mobutu Sese Seko et nous
Le 24 novembre, quelques Congolais se sont souvenus, grâce à une radio internationale, du cinquantième anniversaire de la prise de pouvoir du lieutenant-général Joseph-Désiré Mobutu, le futur maréchal Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Zabanga.
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Tshitenge Lubabu M.K.
Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.
Publié le 1 décembre 2015 Lecture : 2 minutes.
Mais les Congolais n’ont jamais cessé de parler de lui. Par nostalgie pour les uns. Par dépit pour les autres, qui l’accusent de tous les maux du pays. Ses détracteurs, à coup d’illogismes, le décrivent comme l’incarnation du mal absolu. Souvent, dans l’argumentaire, l’ignorance et la mauvaise foi l’emportent sur la vérité historique.
C’est le cas de cet « ami » qui pense que Mobutu fut « le plus grand tyran que l’humanité ait connu ». Avant d’ajouter que les Zaïrois, morts de peur, jetaient des regards inquiets autour d’eux pour s’assurer qu’ils n’étaient pas suivis par la « police politique » avant d’évoquer son nom. Et qu’« il a massacré plusieurs millions » de personnes durant son règne de trente-deux ans. Dans ces conditions, Caligula, Néron, Benito Mussolini, Adolf Hitler, Pol Pot, François Duvalier, Sékou Touré, Idi Amin Dada, Joseph Staline, Nicolae Ceausescu, Augusto Pinochet et une flopée d’autres présidents militaires et civils latino-américains, européens, africains, asiatiques n’étaient que de pauvres apprentis.
Le fiasco est dû, il me semble, au fait que le Zaïre n’avait pas encore suffisamment d’hommes d’affaires éprouvés
Les détracteurs de Mobutu lui reprochent les mesures de zaïrianisation – c’est-à-dire la nationalisation de l’économie – adoptées en novembre 1973, soit treize ans après l’indépendance. Ce fut un échec. Mais le fiasco est dû, il me semble, au fait que le Zaïre n’avait pas encore suffisamment d’hommes d’affaires éprouvés. Curieusement, on ne replace jamais la présidence de Mobutu dans le contexte national et international du XXe siècle marqué, en Afrique ou ailleurs, par le parti unique et des hommes qui se voulaient forts et « providentiels ».
Le futur Zaïre, secoué par une crise politique dès les premiers jours de son indépendance, traumatisé par des sécessions dans le Sud et le Centre, ainsi que des rébellions dans l’Ouest, le Nord-Est et l’Est, avait sans aucun doute besoin d’un homme qui pouvait éteindre le feu et rassembler. Mobutu réussit à pacifier le pays, à réaliser l’unité du territoire et de ses habitants, à créer en chacun le sentiment d’appartenir à une nation. En plus de cette volonté de mettre en valeur la culture nationale, qui a permis aux Zaïrois d’enterrer leurs complexes d’infériorité et d’assumer leur identité africaine.
Quand on est à la tête d’un pays aussi vaste que le sien, les rêves prennent des ailes de géant
Les contempteurs de Mobutu l’accusent de mégalomanie, de mauvaise gestion. Mais quand on est à la tête d’un pays aussi vaste que le sien, les rêves prennent des ailes de géant. Et face à une population habituée à attendre la faveur du chef et à des collaborateurs qui, telles des chèvres, broutent là où ils sont attachés, le credo collectif devient : « Je mange, tu manges, il mange, nous mangeons, vous mangez, ils mangent. » Évidemment, les caisses se vident. Mobutu, un saint ? Non. Le diable ? Non plus. Juste un homme qui aimait son pays. Et on oublie qu’il l’a ouvert à la démocratie en avril 1990 et que la conférence nationale qui devait conduire à un nouvel ordre se transforma en un cirque monté par une classe politique clownesque.
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