Odon Vallet : « Pour une fois, le pape a été diplomate »

Pour sa première visite en Afrique, du 25 au 30 novembre, le pape François s’est rendu au Kenya, en Ouganda et en Centrafrique. Trois pays où les difficultés politiques exacerbent les tensions religieuses. L’analyse du chercheur français Odon Vallet.

Odon Vallet, historien des religions © CHRISTOPHE LEBEDINSKY/CHALLENGES-REA

Odon Vallet, historien des religions © CHRISTOPHE LEBEDINSKY/CHALLENGES-REA

Clarisse

Publié le 8 décembre 2015 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique: Quels enseignements peut-on tirer de cette première visite du pape ?

Odon Vallet : C’est une réussite. Il est allé au terme de son périple, y compris en Centrafrique, qu’on lui avait déconseillé en raison de l’insécurité. La foule était heureuse de le voir, même si on était très loin de l’enthousiasme que suscitait Jean-Paul II. Et puis François, habitué des déclarations à l’emporte-pièce, s’est pour une fois montré diplomate. Il a évoqué les prélats qui vivent dans le confort en se gardant de les traiter d’« évêques des aéroports » (qui vont souvent à Rome demander de l’argent), comme il l’avait fait auparavant.

Les fidèles africains exigent de leurs prêtres un comportement exemplaire et des comptes moins opaques

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En Ouganda, la corruption a été au cœur de son discours…

Il a parlé de celle des gouvernants, moins de celle de l’Église. Pourtant, elle est présente partout. Au Vatican aussi… Même s’il y a là-bas plus d’incompétence que de malhonnêteté. Pourquoi nommer des évêques à des fonctions administratives et financières pour lesquelles ils ne sont absolument pas formés ? Les fidèles africains exigent de leurs prêtres un comportement exemplaire et des comptes moins opaques. Le pape l’a rappelé, en des termes plus modérés que d’ordinaire, préférant insister sur les vertus du dialogue interreligieux entre l’islam et le christianisme, entre catholiques et protestants, sur un continent où les évangéliques progressent de manière significative.

Peut-être le pape a-t-il voulu faire passer au second plan ses divergences avec certains évêques africains ?

Elles demeurent entières à propos de la famille et du célibat des prêtres. Mais leurs relations ne se sont pas détériorées. Si elles devaient se tendre davantage, on verrait sortir des livres évoquant des scandales dans les diocèses africains, et les évêques du continent accuseraient le Saint-Siège de ne pas réformer correctement. Ils se tiennent par la barbichette.

Tel un funambule, l’Église catholique avance sur un fil

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Quel est l’intérêt d’un tel statu quo ?

Éviter un schisme. Tel un funambule, l’Église catholique avance sur un fil. Mais elle est bordée par des contrepoids : le Vatican et les évêques africains. Comment régler leurs divergences ? C’est là tout le problème. François aime à rappeler qu’il ne restera pas longtemps pape.

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Quels espoirs pour la paix, après son passage en Centrafrique ?

Cette étape a été brève et il n’a été qu’à Bangui. La population a sans aucun doute été sensible à son appel à la paix. Dans ce pays comme partout dans le monde, la grande majorité des musulmans ou des chrétiens est pacifique. Hélas, les factions belliqueuses, qu’elles soient Séléka ou anti-balaka, n’entendent pas ce message. L’important, c’est qu’elles restent isolées de la masse des pratiquants.

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