2016 en vue : vive les élections !
Décerner le titre d’Africain (ou d’Africaine) de l’année qui s’achève s’apparente à la recherche parfois désespérée des jurés du prix Nobel : il y a des années avec et des années sans.
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 28 décembre 2015 Lecture : 3 minutes.
Dans le dernier cas, mieux vaut s’abstenir de distinguer un immortel de l’éphémère. Si, en 2014, le peuple burkinabè s’est imposé à nous, en 2015, pas vu, pas pris, pas trouvé ; 365 jours, 365 déceptions ? Non, bien sûr. Il y a eu l’alternance à la nigériane, la transition réussie au Burkina, le quartet tunisien nobélisé, des élections apaisées en Côte d’Ivoire et en Guinée, la résistance exemplaire du Burundais Pierre-Claver Mbonimpa et l’héroïsme ordinaire de celles et ceux qui, chaque jour, se battent pour survivre. Mais rien qui fasse l’unanimité si ce n’est, contre elle, l’hydre Daesh, à laquelle nous n’allions tout de même pas offrir une médaille, fût-elle celle de la psychopathie meurtrière ou des fracas à venir puisqu’une énième intervention occidentale destinée à l’éradiquer – cette fois dans son nouveau fief libyen – apparaît de plus en plus inéluctable.
2016, donc. Année du destin pour une poignée de détenus célèbres : Laurent Gbagbo, dont le procès va s’ouvrir, Jean-Pierre Bemba et Hissène Habré, qui verront le leur se conclure sur un verdict, Karim Wade, dont les proches se battent pour une libération anticipée, Djibrill Bassolé, Gilbert Diendéré, peut-être Blaise Compaoré si le fantôme de Sankara le rattrape. Année électorale, surtout, avec pas moins de seize présidentielles – dix-sept, si la centrafricaine débouche sur un second tour -, toutes concurrentielles en théorie, si ce n’est tout à fait en pratique, tant la redistribution clientéliste y joue un rôle important en période de campagne.
Loin des préjugés encore entendus en Occident, ces élections ne seront pas, par définition, truquées, frauduleuses et ethnicisées : elles iront de l’ouvert à l’extrême (Bénin) au joué d’avance (Ouganda, Guinée équatoriale), du haut risque (RD Congo) au zéro risque (Ghana, Cap-Vert) en passant par le risque maîtrisable (Congo, Niger, Tchad). Même si les programmes, les projets de société ou tout simplement les idées font trop souvent défaut chez la plupart des candidats, l’offre existe au sein de laquelle l’électeur est prié de faire son choix. Certes, les imperfections sont encore nombreuses, mais il n’est pas inutile de rappeler que les systèmes politiques occidentaux, qui recourent avec succès à la démocratie élective, proposaient un tableau tout aussi incertain durant la phase d’institutionnalisation de ce modèle présenté comme universel.
Plus que jamais, on s’apercevra qu’il n’existe pas une Afrique mais des Afriques
En 2016, plus que jamais, on s’apercevra qu’il n’existe pas une Afrique mais des Afriques, les circonstances et les conditions préalables aux changements de pouvoir variant parfois du tout au tout selon les pays. Ainsi en va-t-il des fameuses sociétés civiles, concept importé dont la Banque mondiale, l’ONU et les bailleurs de fonds ont fait un mot-valise. Leur reconnaître un rôle de précurseur et de « chiens de garde » dans la résistance à l’autoritarisme au Burkina, en Afrique du Sud, au Sénégal ou en Tunisie ne doit pas faire oublier qu’elles peuvent être aussi le faux nez d’intérêts (américains ou européens) extérieurs, voire des appareils de cooptation politique dans le système dominant, sorte de salles d’attente des gouvernements.
En Afrique centrale particulièrement, où les allégeances verticales, la confusion des sphères publique et privée et le primat des solidarités communautaires sur l’individualisme sont ce qu’ils sont, ces sociétés civiles et les ONG qui les composent sont trop facilement adoptées par les chancelleries occidentales comme des interlocuteurs privilégiés, sans que nul ne se pose la question de leur représentativité, de leur responsabilité, de leur mandat démocratique et de leur autonomie par rapport à l’État.
En aucun cas ces prolongements parfois bien artificiels de la « gouvernance mondiale », telle qu’on nous l’enseigne depuis Washington, ne sauraient se substituer au politique et à la seule légitimité qui vaille : celle qui émane de la souveraineté populaire.
Plus que jamais : vive les élections !
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