Économie : malheureusement, au Bénin ça patine !

Ce n’est pas que le Bénin aille mal. Avec une croissance de 5,2 % en 2015 et peut-être de 5,5 % en 2016, selon les estimations du FMI, son économie progresse enfin au rythme du reste de l’Afrique subsaharienne.

L’ancien président Thomas Boni Yayi avait annoncé 800 soldats béninois, contre les 200 qui seront finalement déployés. © Vincent Fournier pour J.A.

L’ancien président Thomas Boni Yayi avait annoncé 800 soldats béninois, contre les 200 qui seront finalement déployés. © Vincent Fournier pour J.A.

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Publié le 3 février 2016 Lecture : 3 minutes.

Les jeux sont ouverts au Bénin © Jean-Pierre De Mann/Robert Harding/AFP
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Bénin : les jeux sont ouverts

Entre un chef de l’État sortant qui ne se représente pas mais qui compte garder la main jusqu’au bout et la multiplication des candidatures, la présidentielle des 28 février et 13 mars s’annonce pleine de surprises.

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Il y a du mieux un peu partout. Les routes s’améliorent vers le Togo, vers le Nigeria et vers le nord du pays. La gratuité de l’éducation pour les filles et de la césarienne représente un réel progrès. La dette publique est mieux gérée, et le déficit budgétaire maîtrisé. Le programme « Lumière pour tous », lancé par le Premier ministre Lionel Zinsou, devrait changer le quotidien des 75 % de la population toujours plongés dans le noir grâce à ses kits solaires et aux 105 mini-centrales prévues.

Reste que le Bénin patine. La pauvreté ne recule pas. La diversification des productions ne se concrétise pas, comme le prouve l’absence de mise en route des six usines de transformation de produits agricoles en chantier. Les réformes avancent à la vitesse de l’escargot : la meilleure gestion informatisée du port de Cotonou n’est pas suffisante pour attirer les bateaux ; et la reprivatisation de l’égrenage et de la commercialisation du coton n’est toujours pas réalisée, ce qui continue à pénaliser une filière où le prix du kilogramme de la meilleure qualité a encore reculé de 265 à 250 F CFA (moins de 0,40 euro).

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La voie ferrée vers le Niger, chère au groupe Bolloré, affronte des embûches judiciaires. Quoique achevée et réceptionnée, la centrale électrique de Maria-Gléta n’est pas opérationnelle faute de gaz. On ne compte plus les chantiers d’infrastructures en retard.

Du côté des finances aussi, on peut s’inquiéter d’une précipitation certaine, et le FMI a tiré la sonnette d’alarme au sujet de la dette dans un rapport rendu public le 7 janvier. En décembre, le Bénin a placé sur le marché financier régional des obligations d’une durée de sept ans pour 250 milliards de F CFA, soit 5 % de son PIB. Avec un taux de 6,5 %, ce n’est pas donné, et le fardeau pourrait s’alourdir avec la remontée mondiale des taux d’intérêt sous la pression de la Réserve fédérale américaine.

Enfin, le Danemark et les Pays-Bas ont suspendu leur aide en 2015 après avoir découvert qu’une partie de l’argent destiné à des programmes pour l’amélioration de la distribution d’eau potable disparaissait dans des poches privées !

La dépendance vis-à-vis du Nigeria se paiera aussi au niveau de la croissance, car 1 % de croissance nigériane en moins signifie une amputation de 0,3 % de la croissance béninoise

La faute à qui ? Au président Boni Yayi, dont le côté brouillon et impulsif compliquerait la gestion d’innombrables projets lancés à la va-vite ? Daniel Ndoye, économiste à la Banque africaine de développement (BAD), penche plutôt pour un mauvais fonctionnement de l’Administration : « Celle-ci dispose de moins en moins d’effectifs, car les départs à la retraite ne sont pas remplacés et cela freine la mise en œuvre des réformes programmées. » D’autres experts sont plus sévères et incriminent notamment la faible compétence des services des finances.

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Ces errements font du Bénin le jouet des événements. La baisse du tarif extérieur commun de la Cedeao, en vigueur depuis le 1er janvier 2015, pourrait faciliter les exportations béninoises vers le Nigeria… à condition d’avoir quelque chose à y exporter. Faute de quoi les caisses de l’État connaîtront une chute des recettes douanières.

La baisse du prix du baril de pétrole est bienvenue, mais si le Nigeria en profite pour réduire une fois de plus ses subventions en faveur des produits pétroliers, c’est tout le secteur informel béninois de l’importation frauduleuse (80 % de la consommation béninoise !) de carburants qui sera en péril, même si l’État y trouvera son compte par le biais d’une hausse des ventes légales, et donc des taxes.

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La dépendance vis-à-vis du Nigeria se paiera aussi au niveau de la croissance, car 1 % de croissance nigériane en moins signifie une amputation de 0,3 % de la croissance béninoise. Et le grand voisin connaît en ce moment un recul de deux ou trois points de son dynamisme, que la chute continue du baril de pétrole devrait encore aggraver.

En l’absence de volontarisme pour gagner en indépendance par rapport à Lagos et faire reculer la part du secteur informel, il ne reste qu’à se féliciter, avec Jean-François Almanza, économiste à l’Agence française de développement (AFD), de l’absence de tensions politiques à Cotonou. « Le Bénin reste un pays apaisé, conclut-il, et c’est une de ses chances. » C’est bien, mais c’est peu.

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