Tunisie – Ennahdha : Abdelfattah Mourou, partira, partira pas ?
« Je n’ai pas honte de vous le dire, vous êtes tous des menteurs, Ennahdha comprise. Vous prétendez avoir des solutions alors que vous ne connaissez pas le terrain. »
Celui qui fustige ainsi l’ensemble de la classe politique tunisienne n’est autre que l’un des cofondateurs d’Ennahdha, Abdelfattah Mourou. Personnalité préférée des Tunisiens, selon le baromètre de Sigma Conseil de janvier dernier, l’actuel vice-président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a pourtant annoncé, en décembre 2015, qu’il comptait se retirer de la vie politique à l’issue du prochain congrès du parti. Effet d’annonce ou décision définitive ?
Pourtant, les milieux diplomatiques estiment que cet avocat de 67 ans aurait le profil d’un candidat à la présidence à même de séduire les Tunisiens. Avec sa formidable éloquence et son sens de la mise en scène, Mourou s’est forgé une personnalité atypique dont il soigne le moindre détail, non sans coquetterie. Toujours vêtu de l’habit traditionnel citadin, ce natif de Tunis aux origines andalouses tranche avec le reste de la classe politique. Étonnant érudit, il use admirablement du dialecte et de références culturelles au point d’éveiller une nostalgie chez les Tunisiens et se veut le chantre d’un islam modéré. Mais ses détracteurs rappellent une vidéo où on l’entend déclarer au prédicateur radical égyptien Wajdi Ghonim qu’il faut avancer par étapes pour enraciner l’islamisme dans la société.
Le chef de file des colombes d’Ennahdha est en revanche moins populaire parmi les siens
En dépit de quelques couacs médiatiques, ce cinéphile et mélomane averti amateur de Beethoven a beaucoup gagné en popularité depuis la chute de l’ancien régime, sans toutefois parvenir à se faire élire à la Constituante, en 2011, où il s’était présenté en indépendant. Philatéliste depuis l’enfance, le chef de file des colombes d’Ennahdha est en revanche moins populaire parmi les siens ; il a été l’un des rares à briser l’omerta autour des dissensions internes et à prendre ouvertement ses distances pour mieux revenir dans le giron du mouvement.
À l’opposé de Ghannouchi, il ne fait pas autorité dans sa famille politique, et sa marge de manœuvre à la vice-présidence de l’ARP – fonction surtout honorifique – est réduite. Mais avec son entregent, sa courtoisie, son sens de la répartie – et de la ruse, selon certains – , Abdelfattah Mourou pourrait être un atout pour les islamistes.
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