Phillips Oduoza : « Nous espérons bientôt réaliser la moitié de nos bénéfices hors du Nigeria »

À quelques mois de son départ, le patron de la banque, l’une des plus importantes de la première économie du continent, se montre optimiste : la crise qui frappe le secteur ne freinera pas son expansion panafricaine.

Phillips Oduoza. © DR

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Publié le 2 juin 2016 Lecture : 4 minutes.

Dans quelques mois, Phillips Oduoza laissera sa place à l’un de ses adjoints, Kennedy Uzoka, à la tête de United Bank for Africa (UBA). Au terme de ses deux mandats, il a tenu à annoncer la phase 2 du déploiement panafricain de l’entreprise, déjà – et de loin – la plus africaine des banques nigérianes, avec 18 pays d’implantations.

Nommé en 2010 à la tête de UBA, Phillips Oduoza était arrivé à un moment critique : le secteur financier national traversait une grave crise qui s’était soldée par plusieurs nationalisations et quelques décisions phares, dont la limitation des mandats des directeurs. Six ans plus tard, c’est une nouvelle crise que traversent les banques de la première économie du continent. Rencontré au Forum économique mondial sur l’Afrique, qui se déroulait du 11 au 13 mai à Kigali, Phillips Oduoza estime toutefois que les temps ont changé.

Nous nous intéressons aux pays où il est le plus facile de faire des affaires, à leur stabilité politique et aussi à leurs liens avec nos activités existantes

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Jeune Afrique : Vous avez annoncé le 14 mars des résultats pour l’année 2015 plutôt satisfaisants. Comment est-ce possible, alors que le Nigeria connaît de grosses difficultés économiques ?

Phillips Oduoza : Notre économie souffre de la chute des cours du pétrole car celui-ci représente 90 % de ses exportations. Les banques ne sont pas épargnées puisqu’elles financent le secteur. Elles ont dû faire des provisions. Mais, à UBA, nous avons su gérer notre portefeuille d’actifs risqués de manière très prudente. Nous ne sommes pas trop exposés à la chute de ces cours et nous n’avons donc pas eu à passer des provisions pour des prêts à risques. UBA dispose du taux de prêts défaillants le plus faible parmi les banques nigérianes, à environ 1,7 %. Notre principale exposition vis-à-vis de ce secteur concerne les entreprises internationales, qui ne feront pas défaut. Cette stratégie explique nos bons résultats.

Vous avez annoncé votre volonté de vous implanter dans sept nouveaux pays africains. Lesquels ciblez-vous ?

Ce projet n’est pas pour tout de suite. C’est la phase 2 de notre expansion africaine. Nous avons achevé la phase 1, avec notre implantation dans 18 pays hors Nigeria et nous nous consacrons à son renforcement. Nous n’avons pas encore décidé où nous implanterons ses sept filiales – ou plus d’ailleurs, nous ne nous fixons pas de limite. Nous nous intéressons aux pays où il est le plus facile de faire des affaires, à leur stabilité politique et aussi à leurs liens avec nos activités existantes.

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Êtes-vous réellement satisfait de votre première vague d’expansion ? Les résultats sont en demi-teinte…

Toutes nos filiales à l’étranger sont bénéficiaires, sauf trois. Nous allons donc y opérer des restructurations, notamment en ce qui concerne le management. Nous pensons que d’ici à la fin de l’année, toutes les filiales feront des profits. Ces implantations sont récentes, elles ont été réalisées entre 2007 et 2011 – hormis au Ghana, où nous sommes présents depuis 2004. Ces filiales ont apporté 24 % de nos profits avant impôts en 2015, et ce chiffre a grimpé à 28 % au premier trimestre de 2016. Notre objectif à terme est d’atteindre 50 %.

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Selon vous, la volonté de Barclays de diminuer ses parts dans Barclays Africa est-elle le signe d’une défiance vis-à-vis de l’activité bancaire sur le continent ? UBA pourrait-il acquérir certaines de ses filiales africaines ?

Je ne pense pas que ce soit à cause du manque d’opportunités qu’ils ont entamé leur désengagement. Avec le financement des infrastructures et de l’agriculture, une classe moyenne qui augmente, une pénétration bancaire encore faible, le continent représente un marché gigantesque et des marges importantes. J’imagine que les défis de la zone euro sont tels que Barclays a décidé de renforcer ses positions en Europe. Mais nous n’avons aucune ambition de croissance externe concernant ses filiales.

Jugez-vous le naira surévalué ?

Les arguments des deux camps sont recevables. Si vous ne produisez rien et que vous n’exportez rien, la dévaluation n’a pas beaucoup d’impact. Cela n’a de sens que si le Nigeria devient un exportateur solide, qui ne s’appuie pas uniquement sur les produits pétroliers. Il faut étudier le risque d’inflation et les potentiels en matière d’exportation avant de prendre une décision.

Il est certain que le Nigéria est dans une période de troubles, de transformation de l’économie

Dans l’affaire de corruption touchant l’ex-ministre du Pétrole, Diezani Alison-Madueke, des banquiers de premier rang ont été entendus, dont Nnamdi Okonkwo, le DG de Fidelity Bank. Est-ce le signe que les mauvaises pratiques ont toujours cours ?

Je ne pense pas, c’est même très loin d’être le cas. Nous ne savons pas précisément la raison pour laquelle Nnamdi Okonkwo a été arrêté. Notre industrie bancaire est stable : seules trois banques sont concernées, et je ne pense pas que cela soit représentatif de la situation générale des banques et de l’industrie bancaire au Nigeria.

Après l’amende imposée à MTN, l’échec de Tiger Brands, les avantages accordés à Dangote par rapport à Lafarge… peut-on dire que votre pays est ouvert aux investisseurs étrangers ?

Le Nigeria est ouvert à tous types d’investissements. Excepté en 2015, la croissance de son PIB s’est située entre 6,5 % et 7 % ces dix dernières années. Elle reste l’une des plus importantes d’Afrique. Les multinationales sont toujours présentes et continuent d’investir dans le pays. Je pense que seuls les investisseurs de court terme sont actuellement affectés.

Mais il est certain que le pays est dans une période de troubles, de transformation de l’économie. Le nouveau gouvernement est en train d’essayer de faire le ménage, notamment en luttant contre la corruption et le terrorisme.

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