Boko Haram : c’est qui le patron ?

L’allégeance à l’État islamique, en 2015, a créé de fortes dissensions au sein du mouvement. Au point que l’on ne sait plus trop qui le dirige…

Interview de propagande d’Abou Mosab al-Barnaoui (à dr.), alors porte-parole de Boko Haram, en janvier 2015. © François-Xavier Freland pour JA

Interview de propagande d’Abou Mosab al-Barnaoui (à dr.), alors porte-parole de Boko Haram, en janvier 2015. © François-Xavier Freland pour JA

Publié le 18 août 2016 Lecture : 3 minutes.

Comme toujours avec la secte takfiriste, le plus grand flou règne sur sa hiérarchie. « Boko Haram est traversé par des dissensions, affirme un officier nigérien. Il est possible qu’il y ait aujourd’hui plusieurs factions, et donc plusieurs chefs. » La nomination par l’État islamique (EI, auquel Boko Haram a fait allégeance en mars 2015) d’un nouveau « wali » pour l’Afrique de l’Ouest, le 2 août, contestée dès le lendemain par Abubakar Shekau, confirme cette thèse.

Il y aurait d’un côté les partisans de la « logique millénariste » héritée du fondateur de la secte, Mohamed Yusuf, et de l’autre ceux de la « logique terroriste », désireux d’approfondir leurs liens avec l’EI. Ceux-ci pourraient avoir gagné en autonomie et s’être éloignés des fiefs historiques de la secte pour s’établir dans la région du lac Tchad. La thèse de la scission était avancée depuis plusieurs semaines par Thomas Waldhauser, le chef du Commandement des États-Unis pour l’Afrique (Africom).

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« Il y a plusieurs mois, environ la moitié des membres de Boko Haram ont formé un groupe distinct parce qu’ils n’étaient pas contents de la manière dont la marque Daesh est importée », a précisé le général devant des sénateurs. Shekau serait resté sourd à certaines exigences de l’EI, parmi lesquelles : la fin des attentats-suicides commis par des enfants ; la fin des attaques contre les mosquées ; l’intensification des meurtres de chrétiens et de la destruction d’églises, ce que promet par contre Barnaoui.

Abou Mosab al-Barnaoui

Qui est Abou Mosab al-Barnaoui, nommé par l’EI nouveau « wali » de sa « province d’Afrique de l’Ouest » ? Beaucoup de membres du groupe jihadiste tirent leur patronyme de leur lieu de naissance, et son nom indique qu’il est originaire de l’État de Borno. Des sources nigérianes assurent qu’il s’agit d’un des fils de Mohamed Yusuf – décédé à Maiduguri en 2009. Une information difficile à recouper. Toujours selon ces sources, Barnaoui, qu’une vidéo de janvier 2015 présentait comme le porte-parole de Boko Haram, était comme un frère pour Shekau. Jusqu’en 2014, il était le chef des opérations militaires de la secte. Dans l’interview publiée par l’un des organes de propagande de l’EI, il affirme avoir reçu un entraînement militaire dans le Sahara.

Abubakar Shekau

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Il s’est fait très discret ces derniers temps. Fini les déclarations enflammées (et parfois incohérentes) face caméra que Boko Haram postait de manière récurrente en 2013 et 2014. Jusqu’à ce qu’il réapparaisse, le 3 août, à travers un enregistrement sonore pour contester la nomination de Barnaoui, « aucune preuve de vie crédible [n’avait] été fournie depuis au moins un an », notait International Crisis Group (ICG) dans un rapport publié en mai.

On l’avait bien vu sur une vidéo diffusée en mars, mais plusieurs experts estiment que celle-ci était trafiquée. Si le récent message laisse penser qu’il est toujours en vie (mais là aussi, des doutes subsistent sur son authenticité), on le dit néanmoins fatigué, voire malade. Des sources militaires affirment qu’il aurait été blessé par l’armée tchadienne dans des combats l’année dernière. « Il ne s’en remettra pas », estime un officier tchadien. La nomination de Barnaoui au poste de « wali » est en tout cas un désaveu pour Shekau, qui n’a jamais dépassé le rang d’émir au sein de l’EI.

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Bana Blachera

Bakary Sambe, un chercheur sénégalais qui suit de près l’évolution des mouvements radicaux en Afrique de l’Ouest, avait assuré un peu hâtivement que le nouveau chef de Boko Haram s’appelait Bana Blachera. Un temps présenté comme camerounais, ce Kanouri âgé d’une quarantaine d’années serait en fait nigérian. « Il est né dans le village de Blatchiraé, situé dans l’État de Borno, non loin de la frontière avec le Cameroun », indique le journaliste Guibaï Gatama.

Pour cet excellent connaisseur du Nord camerounais, la confusion viendrait du fait que Blachera aurait suivi des études coraniques à Banki, une ville située sur la frontière, et aurait fait ses armes au sein de Boko Haram dans les deux pays.

Quand la chasse aux adeptes de la secte a été lancée au Nigeria, en juillet 2009, Blachera se serait réfugié à Maroua, où il aurait tissé la toile logistique du groupe et joué un rôle majeur dans l’approvisionnement en armes et en carburant aux confins des frontières du Nigeria, du Cameroun et du Tchad. Puis il serait retourné dans son pays en 2014. Chaud partisan de l’allégeance à l’EI, suivra-t-il Barnaoui ou restera-t-il fidèle à Shekau ?

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