Pourquoi l’Afrique est vraiment chic
Paris, siège du Conseil national économique, social et environnemental (Cese), place d’Iéna, le 22 septembre. La Fondation AfricaFrance de l’ex-Premier ministre béninois et financier Lionel Zinsou organise les rencontres Africa 2016, destinées à promouvoir et à dynamiser les relations économiques entre Paris et le continent, mises à mal par la concurrence chinoise, indienne, turque, japonaise…
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 26 septembre 2016 Lecture : 3 minutes.
Il n’est point question ici d’un nouveau raout politique où l’on se paie de mots mais d’une initiative hautement pragmatique. Bienvenue dans le monde du business ! Commentaire du patron d’un grand groupe tunisien : « On commence enfin à voir l’Afrique comme une source de potentiel plutôt que de problèmes. »
Malgré l’actualité – aussi démoralisante sur le continent qu’ailleurs dans le monde, c’est à se demander si les journalistes ne sont pas masochistes –, qui, de Libreville à Harare en passant par Kinshasa ou Syrte, égrène sur nos écrans un chapelet de tragédies dont le dénominateur commun est souvent une crise politique, ce chef d’entreprise se veut confiant.
Même si, pour lui et plus largement pour son pays, l’Afrique subsaharienne, auparavant terra incognita, représente un vecteur stratégique de développement récent et que sa connaissance du terrain n’est pas aussi fine que celle d’un cadre du groupe Castel…
De sommets en conférences, de rapports d’institutions internationales en ouvrages d’experts, le débat sur la réalité du potentiel africain ne cesse de rebondir : après des décennies de clichés cantonnant le continent à une terre marginalisée, gangrenée par la pauvreté, les guerres et les épidémies, apparut, vers la fin des années 2000, la vision d’une tout autre Afrique, nouvelle frontière de l’économie mondiale et continent à l’avenir radieux promis à une émergence à portée de main.
Avant de redevenir, en un tournemain, l’objet d’une évidente défiance. La chute brutale des cours des matières premières, conjuguée à une croissance mondiale en berne, a ainsi sensiblement douché les ardeurs de nombre d’afro-optimistes béats comme elle a permis aux afrosceptiques de se rengorger. Alors, où va réellement notre continent ?
Commençons par écarter autant que faire se peut les thèmes ressassés jusqu’à la lie par les médias – élections, attentats et niveau de croissance nourrissent l’essentiel de la production journalistique – et qui obsèdent les classes politiques, et laissons de côté les statistiques brutes du moment – parfois inquiétantes, mais qui ne tiennent généralement aucun compte de l’informel – pour nous attacher à observer les grandes tendances.
De même, essayons, pour une fois, de voir ce qui nourrit l’espoir plutôt que ce qui tient si souvent lieu de repoussoir. D’abord, s’il est vrai que la croissance moyenne s’est affaiblie et que les pays producteurs de pétrole, de gaz et de minerais souffrent considérablement (Afrique du Sud, Nigeria, Algérie, Angola, RD Congo, Zambie, etc.), d’autres économies sont florissantes : Côte d’Ivoire, Éthiopie, Kenya, Tanzanie, Sénégal, Rwanda, notamment. Pour de « bonnes » raisons, c’est‑à-dire grâce aux réformes menées par les gouvernements en place.
Pour peu qu’on daigne regarder la situation sans œillères, l’Afrique va bien mieux qu’on ne le dit
Ensuite, plus généralement, les moteurs de la croissance demeurent intacts, voire s’affirment de plus en plus. C’est le cas de la démographie (nous constatons une véritable transition, car contrairement aux idées reçues la fécondité baisse, mais c’est l’espérance de vie qui augmente), du développement des marchés et des services financiers et d’autres outils comme l’épargne ou les valeurs foncières, la constitution de classes moyennes (et supérieures), l’urbanisation, l’amélioration évidente du secteur agricole, l’industrialisation et la transformation locale des matières premières.
Enfin, ajoutons à cela l’extraordinaire révolution numérique en cours, qui modifie radicalement les modes de consommation, en particulier grâce à la déferlante de la téléphonie mobile, laquelle permet de pallier une multitude de freins et d’écueils, et résout chaque jour de nouveaux problèmes autrefois insurmontables. Bref, pour peu qu’on daigne regarder la situation sans œillères, l’Afrique va bien mieux qu’on ne le dit.
À vrai dire, elle affiche même des performances impressionnantes. Réaliser entre 2,5 % et 3 % de croissance dans une conjoncture aussi mauvaise, parfois sans électricité (pour les entreprises comme pour les consommateurs) ni financements – deux boulets qui handicapent lourdement l’activité –, c’est tout simplement remarquable.
Rassurons donc nos partenaires, faisons taire les cassandres et croyons en nous. Sur le long terme, rien n’a changé : l’Afrique est parée pour devenir l’une des locomotives de la croissance mondiale en ce XXIe siècle. À charge pour nous de mettre son économie sur les bons rails.
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