Crédit aux entreprises : le crowdfunding à la rescousse des PME ?

De Dakar à Johannesburg, de plus en plus de petites sociétés ont recours au financement participatif. Mais cette solution n’échappe pas aux obstacles du circuit bancaire classique.

Le financement participatif s’impose de plus en plus chez les petites entreprises. © Exdez/Getty Images

Le financement participatif s’impose de plus en plus chez les petites entreprises. © Exdez/Getty Images

Publié le 27 octobre 2016 Lecture : 4 minutes.

La finance participative africaine compte un petit nouveau. Paul Knoery et Gilles Lecerf, deux Français fraîchement diplômés de HEC Paris, ont lancé le 2 octobre, à Dakar, Iroko, une plateforme de crowdfunding destinée aux plus petites sociétés sénégalaises, en pleine pénurie de crédits aux entreprises.

L’objectif des deux partenaires pour la première phase de test, qui doit durer trois mois : mettre en place trois crédits de 30 millions de F CFA (plus de 45 000 euros) chacun, financés par 200 à 300 donateurs. D’après leurs estimations, 100 000 Sénégalais bancarisés ont la capacité d’épargner 200 euros par mois, qu’ils pourraient injecter dans des sociétés via Iroko.

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Des débuts encourageants

Certes, il ne s’agit encore que d’une goutte d’eau dans l’océan des besoins de financement des TPE et PME, mais le modèle fait son chemin sur le continent. En 2015, près de 126 millions de dollars (115 millions d’euros) ont été levés dans le monde par le biais du crowdfunding pour financer des projets en Afrique, selon un rapport d’Afrikstart, plate­forme créée par Edwige Boum, une ancienne de BNP Paribas et de KPMG. Orange Collecte en Côte d’Ivoire, Goomfund en Mauritanie, Smala & Co au Maroc, RainFin en Afrique du Sud…

Les 57 plateformes opérant sur le continent ont collecté au total 32,3 millions de dollars, dont l’immense majorité en Afrique du Sud. Mais le marché croît sur l’ensemble du continent et pourrait atteindre, selon la Banque mondiale, 2,5 milliards de dollars à l’horizon de 2025 – sur un potentiel mondial de 130 milliards.

« C’est possible, mais, pour l’instant, les financements sont encore marginaux », pondère le Camerounais William Nkontchou, directeur du fonds panafricain de capital-investissement Emerging Capital Partners, à Paris. D’après lui, ce modèle est par ailleurs confronté aux mêmes difficultés que le secteur financier traditionnel. À commencer par la solvabilité des entreprises débitrices de ces plate­formes.

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« Regardez les difficultés de recouvrement dans le secteur bancaire classique ou dans le microcrédit… Je ne vois pas pourquoi ces nouvelles plateformes y échapperaient », appuie William Nkontchou, qui insiste sur un « potentiel limité ». Pour les promoteurs du crowdfunding, le risque peut être minimisé en s’appuyant sur des organismes tels que, à Dakar, l’Agence de développement et d’encadrement des petites et moyennes entreprises et le Bureau de mise à niveau des PME, ou, à Abidjan, la Mutuelle de crédit et de financement des PME.

La diaspora bonne cliente

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Autre difficulté majeure : la législation, inexistante sur le continent en matière de crowdfunding. À Dakar, par exemple, quiconque veut opérer sur ce segment se retrouve bloqué par le monopole bancaire du crédit et de l’appel public à l’épargne, réservé uniquement aux sociétés agréées. Les plateformes situées en Europe présentent un gros avantage. Ainsi Afrikwity, immatriculée à Paris, bénéficie-t-elle de la dérogation au monopole bancaire entrée en vigueur au 1er octobre 2014 en France et autorisant les particuliers à financer directement les entreprises.

Lancée en mars, cette plateforme compte lever 15 millions d’euros d’ici à 2019 en misant sur la diaspora. « Le plus gros du potentiel est là », approuve William Nkontchou. Alors que les classes favorisées des capitales africaines ont plutôt la cinquantaine passée et sont peu familiarisées avec internet, ce sont en effet les plus jeunes générations, dans les différentes diasporas, qui maîtrisent ces nouveaux outils numériques.

Des plateformes peu viables

Reste un dernier obstacle à prendre en compte : les taux d’intérêt pratiqués. Ils sont certes plus attractifs pour l’épargne des particuliers, mais le prêt demeure coûteux pour les sociétés, les taux d’intérêt et les commissions cumulés pouvant atteindre 20 %. Les fondateurs d’Iroko entendent ainsi rémunérer les prêteurs à des taux de 9 % à 14 %, auxquels s’ajoutera une commission de 5 % pour la plateforme. « On est plus proche du microcrédit que du secteur bancaire classique », défend Thameur Hemdane, fondateur d’Afrikwity.

Autant de défis qui remettent en question la viabilité des plate­formes actives sur le continent. Arrivé en 2014 en Afrique du Sud, le berlinois Lendico – financé par l’incubateur de start-up allemand Rocket Internet – s’est repositionné en 2015 en fonds d’investissement, faute d’un nombre suffisant d’offres de crédit jugées solvables. Selon l’étude d’Afrikstart, pas moins de dix plateformes ont fermé en Afrique en 2014, dont six avaient été lancées seulement un an auparavant.

L’homme derrière les plateformes

Tout roule pour Particeep. La start-up, fondée en 2013 par Steve Fogue, 31 ans – un diplômé des Ponts et Chaussées passé par le fonds OFI Asset Management et Société générale –, vient de compléter une levée de fonds de 800 000 euros, portant celle-ci à un total de 1,35 million d’euros. L’entreprise fournit clés en main aux acteurs de la finance participative leur plateforme personnalisée ; elle est notamment derrière Afrikwity.

Avec 15 salariés, 50 clients et un objectif de 1 million d’euros de chiffre d’affaires avant la fin de l’année, la société, majoritairement active en France, lorgne l’Afrique. Selon son patron, des banques, au Maroc et en Côte d’Ivoire, pourraient bientôt souscrire à la palette de services rendus possibles par Particeep.

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