Centrafrique : Dieudonné Nzapalainga, prophète en son pays

Premier cardinal centrafricain et l’un des rares hommes du pays capables de rassembler chrétiens et musulmans, Dieudonné Nzapalainga multiplie les prises de position courageuses. Mais il préfère rester loin de la politique.

Dans un pays en pleine crise, l’archevêque de Bangui est largement apprécié. © Fred Dufour/AFP

Dans un pays en pleine crise, l’archevêque de Bangui est largement apprécié. © Fred Dufour/AFP

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Publié le 18 octobre 2016 Lecture : 3 minutes.

Ce 12 octobre, une foule immense est rassemblée sur une artère passante du PK5, un quartier musulman de Bangui régulièrement ravagé par les violences – une nouvelle fois début octobre, après l’assassinat du commandant Marcel Mombéka. Les portables sont sortis. Les yeux rivés sur un seul homme, Dieudonné Nzapalainga.

Le religieux prend la parole : « Avec les musulmans, nous avons chanté l’hymne national pour montrer à l’humanité que nous sommes tous centrafricains. Qu’on soit musulman, catholique, protestant, animiste, nous sommes tous centrafricains. »

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L’assistance approuve d’un « Allah akbar », et le religieux poursuit : « Personne ne pourra construire ce pays à notre place… Il est temps pour nous de nous aimer. Voilà pourquoi je demande que la colère qui est en nous soit apaisée. »

Un personnage fédérateur

Dans un pays encore rongé par les divisions et par la haine, Dieudonné Nzapalainga est l’un des rares à rassembler chrétiens et musulmans. À pouvoir se rendre partout, à discuter avec tout le monde. Né à Bangassou en 1967, le nouveau benjamin du « sacré collège » est, à 49 ans, le premier cardinal centrafricain de l’Histoire.

Une nomination qui récompense le travail exceptionnel qu’il réalise depuis le début de la crise ­centrafricaine et qui couronne une ascension fulgurante.

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Issu d’une famille pauvre de 14 enfants, né d’un père catholique et d’une mère protestante, il découvre la religion grâce à un prêtre spiritain français et prononce ses vœux perpétuels en 1997, après des études en théologie au centre Sèvres des pères jésuites, à Paris. Aumônier des orphelins de la Fondation d’Auteuil et vicaire paroissial de Saint-Jérôme à Marseille, il est ordonné prêtre le 9 août 1998 et restera huit ans en France.

Perte de confiance

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À son retour en Centrafrique en 2005, Nzapalainga émerge à la faveur de la profonde crise que traverse l’Église de son pays. Une enquête du Vatican avait mis en cause la rectitude de prêtres diocésains et, en mai 2009, Mgr Paulin Pomodimo, archevêque de Bangui, et Mgr François-Xavier Yombadje, évêque de Bossangoa, avaient été contraints de démissionner.

Rome décide alors de nommer Dieudonné Nzapalainga administrateur apostolique à Bangui, en attendant le remplacement de Mgr Pomodimo. L’accueil réservé par les diocésains à ce spiritain formé chez les jésuites est loin d’être chaleureux, mais celui-ci parvient à gagner leur confiance.

Un fort engagement pour la paix

En juillet 2012, Rome le nomme archevêque de Bangui. Moins de six mois plus tard, la coalition Séléka lance son offensive sur Bangui, plongeant la Centrafrique dans la plus grave crise de son histoire. Le religieux prend alors une tout autre dimension. Son courage et son travail remarquable pour la paix sont, à juste titre, salués par la presse du monde entier.

Avec Oumar Kobine Layama, l’imam de Bangui, il devient la coqueluche des plateaux télé et parcourt les capitales occidentales pour mobiliser les acteurs internationaux. Ces démarches porteront leurs fruits et culmineront avec la visite du pape François à Bangui en novembre 2015, dont il est un des grands artisans.

Rejet des fonctions politiques

Depuis le début de la crise, et même si ses actions ont souvent débordé la sphère religieuse, Nzapalainga s’est toujours tenu loin du pouvoir, contrairement à un cardinal Monsengwo en RD Congo, aujourd’hui l’un des fervents opposants à Joseph Kabila. Certains ont pourtant essayé de l’y pousser.

Peu de temps avant le départ du président Michel Djotodia en janvier 2014, des hommes politiques centrafricains et des diplomates occidentaux lui ont demandé très directement : « Si les choses dérapent, seriez-vous prêt à assumer des fonctions politiques ? » L’intéressé a poliment décliné. L’Histoire lui donne aujourd’hui raison.

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