Stéphane Le Foll : « Hollande n’a pas dit son dernier mot »

Alors que le chef de l’État est au plus bas dans les sondages, beaucoup, dans le camp socialiste, doutent de sa capacité à briguer un second mandat. Le ministre de l’Agriculture et porte-parole du gouvernement, lui, y croit encore.

Stéphane Le Foll dans son bureau, au ministère de l’Agriculture, à Paris, le 7 novembre. © Vincent Fournier pour JA

Stéphane Le Foll dans son bureau, au ministère de l’Agriculture, à Paris, le 7 novembre. © Vincent Fournier pour JA

FRANCOIS-SOUDAN_2024

Publié le 14 novembre 2016 Lecture : 9 minutes.

S’il n’en reste qu’un pour défendre le Président, ce sera sans doute lui. À 56 ans, ce roc breton natif du Mans, fils d’un postier devenu instituteur, est un fidèle de François Hollande, qu’il fréquente depuis 1994.

Député socialiste, ministre de l’Agriculture avec à la clé un record de longévité absolue depuis que ce poste existe (1836 !), porte-parole du gouvernement, bretteur de débats télévisés, chaleureux et volontiers grande gueule, Stéphane Le Foll fait partie du cercle très restreint que François Hollande réunit régulièrement à l’Élysée pour évoquer sa candidature à la présidentielle de 2017 et élaborer sa stratégie.

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Inutile d’objecter que la perspective de voir l’hôte du Palais rempiler pour un second quinquennat est aussi improbable que semble lugubre l’atmosphère qui, en cette fin de 2016, a envahi ce qui reste de la Hollandie : il le sait. Mais Stéphane Le Foll, qui paraît tabler sur les divisions de la droite pour voir son candidat figurer au second tour contre Marine Le Pen, croit encore au miracle.

Jeune Afrique : François Hollande dira si oui ou non il est candidat à la présidentielle à la mi-décembre. Souhaitez-vous qu’il le soit ?

Stéphane Le Foll: Oui. Vous savez, ils sont nombreux à vouloir empêcher, voire destituer François Hollande. Sur la foi de quoi ? Un livre* qui est devenu l’outil d’un procès à tout-va et dont certaines des personnes que je croise dans ma circonscription se demandent pourquoi il est l’objet de tant de polémiques.

Une mise au point s’impose : celui qui a été élu, c’est François Hollande, et c’est à lui de faire le bilan de son quinquennat. Je ne vois pas en quoi un livre invaliderait ce bilan ou empêcherait sa candidature.

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Ce livre a laissé tout le monde pantois et abasourdi. Dans l’entourage même de François Hollande, on a eu droit à la « colère » de Manuel Valls et à la bouderie de Claude Bartolone. Vous avez ressenti ce climat ?

Que ce soit chez Manuel Valls ou chez Claude Bartolone, j’ai parfaitement perçu la colère. Mais quel est le procès qui est fait au président de la République ? Il a parlé à des journalistes. Que tout le monde balaie bien devant sa porte à ce sujet !

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Le porte-parole de Nicolas Sarkozy, Éric Ciotti, a saisi le procureur de la République pour violation du secret-défense…

Lorsqu’on s’est débrouillé, comme Éric Ciotti, pour ne pas faire son service militaire, lorsqu’on est un tire-au-flanc, on ne fait pas de procès sur le secret-défense. Quand Barack Obama est pris en photo dans la Situation Room avec son chef d’état-major, Hillary Clinton et Joe Biden, et qu’ils suivent tous ensemble sur écran l’opération qui est conduite contre Ben Laden, personne ne fait de commentaires.

François Hollande a en effet indiqué qu’il avait décidé de neutraliser certains terroristes. C’est une réalité dont il nous avait déjà informés en indiquant que nous étions en état de guerre contre des gens qui continuent à vouloir porter le fer contre la France, et sur le territoire français. Il n’a fait que répéter ce qui était su. Quel procès lui fait-on ?

Même chose pour les frappes en Syrie. Ces frappes n’ont pas eu lieu. Cela aurait été grave si ces documents classés avaient été montrés aux deux journalistes avant. Ce qui n’a pas été le cas.

Au fond, les paroles du Président rapportées dans ce livre n’ont qu’une vertu explicative quant aux décisions qu’il a prises.

En d’autres termes, pensez-vous qu’il s’est fait piéger ?

J’avais cru comprendre, à parler avec l’un des deux journalistes qui ont cosigné l’ouvrage, que l’objet était de faire un bilan du quinquennat. Le livre est finalement paru avant la fin du quinquennat et sous le titre Un président ne devrait pas dire ça… Ce qui n’est plus du tout la même chose.

Chaque jour qui passe donne l’impression que vous êtes de moins en moins nombreux à croire encore que François Hollande puisse remporter l’élection présidentielle. Les ministres Jean-Yves Le Drian et Michel Sapin ont évoqué la candidature de Manuel Valls au cas où il ne se représenterait pas. Est-ce l’amorce d’un lâchage de la part de ses proches ?

Sapin et Le Drian ont évoqué Manuel Valls « au cas où », comme vous dites. En ce qui me concerne, je ne suis pas de ceux qui lâchent et tournent casaque. Lorsque j’ai soutenu François Hollande, dès 2006, j’étais persuadé qu’il pouvait gagner. Il se trouve que l’Histoire m’a donné raison.

Et aujourd’hui ?

Celui qui a gagné une fois a plus de chances que d’autres, même s’il est contesté et même si tout le monde semble vouloir l’enterrer. Ce ne sera pas mon cas. Je vais résister.

À la primaire du Parti socialiste, en janvier, plusieurs candidats pourraient mettre en difficulté François Hollande au cas où il s’y présenterait, à commencer par Arnaud Montebourg. Comment le jugez-vous ?

Flamboyant, comme toujours. Il nous avait déjà surpris en 2012 avec le concept de « démondialisation », puis avec son « Made in France » en tant que ministre. Mais il a une grande divergence avec François Hollande, et ce depuis toujours.

Là où Hollande candidat a dit qu’il réduirait les déficits et l’endettement – ce qu’il a fait –, Arnaud Montebourg dénonce incessamment l’austérité, sans jamais dire où il place les curseurs du déficit et de la dette. Il annonce qu’il cassera la vaisselle à Bruxelles sur les règles de stabilité budgétaire communautaire. Croyez-vous que c’est avec ce type de discours que l’on crée de l’envie, du vote ou de l’enthousiasme ? Je suis sûr du contraire.

Je n’ai pas le sentiment d’une fin de règne.

Et Jean-Luc Mélenchon qui, lui aussi, veut être le premier à gauche ?

Même chose. Mélenchon veut renverser la table et renégocier tous les traités européens. Mais la « France insoumise » qu’il propose ne fonctionnera pas. C’est tout. Les cadres du Parti communiste ont refusé de se rallier à lui, et je suis frappé de la discipline de parti qu’il exige des candidats qui représenteront le Front de gauche aux législatives.

C’est le même Mélenchon qui demandait aux socialistes frondeurs de voter contre leur majorité et contre leur gouvernement. Un peu plus de cohérence ne lui ferait pas de mal.

Emmanuel Macron a-t-il trahi en quittant le navire gouvernemental ?

À l’évidence, nous avions tous besoin de rester unis pour défendre un bilan collectif. Macron a fait le choix inverse. Il l’assume et poursuit la démarche qu’il avait déjà engagée, mais il est plus simple de dire ce qu’on n’est pas que ce qu’on est ! Il sera confronté à cette réalité au moment de présenter un programme, qui définira sa capacité à être candidat et à réaliser un bon score. Ce qui n’est pas du tout acquis.

Apparemment, l’ambiance au sein de l’exécutif est à la fin de règne. Le ressentez-vous ?

Non. Les couacs ont été nombreux, et les débats entre ministres demeurent. Mais je n’ai pas le sentiment d’une fin de règne. Nous avons une responsabilité à assumer devant les Françaises et les Français. Nous devons la tenir jusqu’au bout.

Et si François Hollande renonce à se présenter ou qu’il est mis en minorité à la primaire, que ferez-vous ?

Michel Sapin et Jean-Yves Le Drian ont dit ce qu’ils avaient à dire. Moi, je ne me place pas dans cette hypothèse. Un calendrier a été donné et je ne me livrerai pas à des conjectures tant que je n’aurai pas la réponse du président de la République.

Pour le reste, je trouve ahurissant que certains à gauche n’aient plus que la critique du gouvernement aux lèvres, en oubliant qu’une droite de gouvernement et une extrême droite sont à l’affût. Qu’ils n’oublient pas où sont les intérêts de leurs électeurs et dans quelle mesure les propositions que d’autres camps échafaudent s’y opposent radicalement.

Pour que Hollande l’emporte, ce que très peu de monde croit encore possible, sur quoi tablez-vous ? Les divisions de la droite ?

Contrairement à ce que l’on dit, il n’y a pas de vraies divergences à droite. Au cours de la primaire, les candidats des Républicains ont brillé par une formidable unité de propositions : suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune et de 300 000 à 600 000 postes de fonctionnaires, retour sur le facteur pénibilité dans le calcul de la retraite, dont l’âge légal sera reporté… En revanche, en ce qui concerne les personnes, il est évident que leur rassemblement après la primaire ne se fera qu’avec beaucoup de peine.

A priori, Marine Le Pen sera au second tour. Mais il y aura un sursaut.

Il y a tout de même plus que des nuances entre Alain Juppé et Nicolas Sarkozy…

Quelques-unes, peut-être, mais au fond, c’est bonnet blanc et blanc bonnet.

Imaginons un second tour entre Alain Juppé ou Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen. Pour qui voteriez-vous ?

J’ai déjà vécu ce scénario en 2002 et j’ai voté pour Jacques Chirac contre Jean-Marie Le Pen. Je ne m’en cache pas. Je ne serai pas dans le « ni-ni ». L’idéologie que véhicule le Front national est inacceptable. Je revoterai contre sa fille.

Où voyez-vous le score du Front national lors de la prochaine élection ?

Haut, entre 25 % et 30 % des voix.

Donc Marine Le Pen sera au second tour ?

A priori, oui.

Avec une possibilité de l’emporter ?

Je ne crois pas, il y aura un sursaut.

Vous êtes député de la Sarthe. Craignez-vous pour votre siège lors des législatives qui suivront la présidentielle ?

Je suis l’élu d’une circonscription où, quand bien même je l’ai emporté en 2012 avec 59 % des voix, je n’aurai pas la partie facile. Je continuerai à être loyal et sincère, parce que je crois que ce qui perd la politique, c’est l’absence de sincérité.

À six mois de l’élection, et avec des sondages aussi défavorables, n’est-il pas temps pour le pouvoir de faire son autocritique ?

J’en ai assez du procès permanent ! Qu’ai-je mal fait pour l’agriculture ? Suis-je le responsable du cours trop bas du blé ? Non. N’ai-je pas essayé de trouver des solutions ? Si. Devais-je aller à Chicago pour faire remonter les cours mondiaux à moi tout seul ? Ce n’est pas possible.

Oui, nous nous sommes parfois trompés, mais les Français feront aussi leur choix à l’aune de la généralisation du tiers payant [dispense d’avance de frais de santé], du renflouement de la Sécurité sociale, des créations de postes d’enseignants, du pacte de compétitivité… Bref, à l’aune du vrai bilan de ce quinquennat. Veulent-ils continuer ou tout arrêter ? Là est la question. Ils doivent choisir et voter.

Vous serez à Marrakech pour la COP22. Le programme que vous aviez lancé à Paris il y a un an et qui vise à mettre l’agriculture au service du changement climatique a-t-il pris forme ?

Le 17 novembre, au Maroc, seront mis sur pied un conseil scientifique, un forum des financeurs et un forum de débats où ONG, bailleurs et pays pourront se retrouver.

L’Agence française de développement, la Fondation du prince Charles, la Banque mondiale, le Fonds vert pour le climat interviendront en fonction des projets qui demanderont à être financés. Mais la priorité est de définir la cartographie des zones au plus fort potentiel de stockage de carbone – le moteur même de ce programme.

Sur le volet agricole comme sur le reste, en quoi l’accord de Paris pourrait-il être moins décevant que le protocole de Kyoto ?

Kyoto a mis sept ans à se concrétiser. Là, nous sommes un an après. Jamais un accord aussi contraignant à cette échelle n’avait été atteint, et jamais la mise en œuvre n’avait été aussi rapide.

Qu’est-ce qui a vraiment changé dans la politique africaine de la France avec François Hollande ?

Une page a été tournée. C’est désormais le temps du partenariat, celui de la coopération et du soutien qui ne s’affranchit pas des valeurs démocratiques. Fini les « Messieurs Afrique » à la droite du Président ! Fini les réseaux et les porteurs de valises ! Prenons les deux grosses opérations qui ont été conduites par la France en Afrique, au Mali puis en Centrafrique. À chaque fois, elles ont débouché sur la tenue d’élections. Nous n’avons plus connu d’interventions militaires où la question politique était laissée de côté. C’est un vrai progrès.

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