Stratégie : Coris Bank redouble d’ambitions dans sa région

Après le succès de son introduction en Bourse, le groupe burkinabè entend poursuivre son expansion en Afrique de l’Ouest. Ses nouveaux objectifs : le Sénégal et le Bénin.

Idrissa Nassa, le fondateur de CBI, a fait ses premières armes dans le commerce. © Coris Bank

Idrissa Nassa, le fondateur de CBI, a fait ses premières armes dans le commerce. © Coris Bank

Publié le 24 novembre 2016 Lecture : 5 minutes.

Le 2 novembre, Idrissa Nassa, le fondateur de Coris Bank International (CBI), était au centre de toutes les attentions aux abords de la piscine du luxueux hôtel Sopatel Silmande à Ouagadougou, au Burkina Faso. Et pour cause : son groupe financier, qui a lancé une offre publique de vente (OPV) de 1 250 000 actions sur une période de deux semaines, a dû clôturer l’opération en à peine six heures.

« C’est le plus important événement économique au Burkina depuis le début de l’année », s’exclame l’ancien Premier ministre et actuel conseiller à la Banque africaine de développement (BAD), Tertius Zongo.

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Des actions prisées

Cette OPV, réalisée dans le cadre d’une augmentation du capital (de 20 %) du premier groupe bancaire du Burkina, portait sur 36,75 milliards de F CFA (56 millions d’euros). Elle a suscité une très forte adhésion des acheteurs, avec un carnet d’ordres de 108 milliards de F CFA pour un taux de souscription de 291,8 %. « L’engouement pour les titres de Coris est le signe manifeste que les investisseurs ont voulu accompagner une histoire couronnée de succès », commente Pierre Claver Damiba, administrateur chez Coris.

À 30 000 F CFA par action, le titre Coris représente un ratio sur bénéfice de l’ordre de 12,5 %, largement plus intéressant que ceux des onze établissements financiers cotés à la Bourse régionale, située à Abidjan. En dépit d’une nette hausse des charges d’exploitation (+ 74 % entre 2012 et 2015), Coris a maintenu une forte rentabilité. En 2015, le groupe a réalisé un résultat net de 15 milliards de F CFA, dont la moitié a été redistribuée aux actionnaires.

La cotation des actions de Coris Bank International se fera au plus tard en décembre, mais l’adjudication de ces titres s’annonce périlleuse vu la forte adhésion des acheteurs. Selon nos informations, le syndicat de placement dirigé par Coris Bourse devrait privilégier les petits porteurs.

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Pour Idrissa Nassa, la Bourse est un moyen de lever des ressources nécessaires aux besoins de croissance de Coris : « Notre objectif est d’occuper le terrain de l’UEMOA, notre marché naturel. Nous avons ouvert le capital pour partager au maximum le fruit de la croissance de Coris avec les populations afin qu’elles s’en sentent propriétaires. Nous voulons faire de Coris la banque populaire de l’Union. »

La conquête de la région ouest-africaine

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Fondé en 2008, après la reprise par l’entreprise familiale (Établissement Nassa) des actifs de la Financière du Burkina, un établissement de crédit alors en difficulté, CBI connaît une belle expansion. D’abord sur son marché domestique : au 30 juin, il est devenu la première banque du Burkina, avec 713 milliards de F CFA de total de bilan, devançant la filiale du marocain BMCE, Bank of Africa (673 milliards de F CFA), et le panafricain Ecobank (668 milliards). À la même période, Coris a franchi le cap des 225 000 clients tandis que les dépôts augmentaient de 18 %, contre 9,2 % pour les crédits.

Au cours des cinq dernières années, le bilan a progressé : de 237 milliards de F CFA en 2010, il est passé à 648 milliards en 2015, un chiffre en hausse de 21 % sur cette dernière année. Le groupe, qui dispose d’une quarantaine d’agences au Burkina Faso, son principal marché (dont il détient plus de 20 %), possédait en 2015 des filiales en Côte d’Ivoire, au Mali et au Togo. Et prépare le démarrage de ses activités au Sénégal et au Bénin.

« Nous voulons dupliquer le modèle qui fait notre succès au Burkina Faso. Il s’adapte aux marchés de la région. Notre ambition : être la banque des petites et moyennes entreprises », assure l’homme d’affaires. L’an dernier, le groupe a injecté plus de 200 milliards de F CFA dans le financement de ces entreprises. Mais « il est important que CBI poursuive sa structuration, s’associe à des conseillers de haut niveau et se dote d’une vision prospective et systémique », souligne Pierre Claver Damiba, l’ancien président de la BOAD et de la Banque régionale de solidarité (BRS, absorbée en 2014 par Oragroup).

Pour accompagner ses ambitions régionales, le groupe s’organise autour d’un holding chapeautant quatre filiales dans quatre métiers – la banque, l’intermédiation boursière, les assurances et l’investissement. Et revendique une grande réactivité, avec un centre de décision dans chaque marché d’implantation, alors que les principaux concurrents, tels Ecobank, le français Société générale ou encore Bank of Africa, qui ont certes une plus grande assise financière, doivent requérir l’aval de leur siège à partir d’un certain montant de financement.

Ancien commerçant

D’après ses proches, Idrissa Nassa, méthodique, sait déléguer et choisir ses collaborateurs. Il a surtout une parfaite connaissance du terrain. « Ce patron porte une grande attention à la solidité des résultats et au respect de la réglementation », affirme sous le couvert de l’anonymat un ancien cadre de la Commission bancaire de l’UEMOA, qui loue la politique de gestion des risques suivie, car elle rend relativement sain le portefeuille de la banque.

« Son passage dans le commerce [Nassa a d’abord fait ses armes comme importateur de pièces détachées et de produits de grande consommation, le riz et le sucre] lui donne de l’avance sur ses concurrents. Il connaît l’état d’esprit des commerçants et leur propose lui-même des facilités de crédit adaptées », commente un universitaire.

Mais, en 2012, une première tentative d’expansion régionale s’était soldée par une douche froide au Niger, où le groupe avait dû céder ses parts dans la Banque internationale pour l’Afrique (BIA-Niger) un an seulement après leur achat. La cause : un désaccord avec les actionnaires locaux. « Coris a tiré les leçons de cet échec. Son expansion régionale repose désormais sur la création ex nihilo de filiales », analyse l’économiste Florent Song-Naba. Une stratégie qui, pour l’instant, s’avère fructueuse en Côte d’Ivoire, au Mali et au Togo.

Quid du siège du groupe ?

On savait que Coris Bank International (CBI) était tenté d’installer le siège du holding à Lomé, encouragé par les avantages offerts par les autorités togolaises. Et que la Côte d’Ivoire aurait aussi présenté une offre intéressante pour attirer CBI à Abidjan. Mais la donne semble avoir changé. D’après nos informations, les nouvelles autorités du Burkina Faso n’entendent pas laisser filer leur champion national (407 salariés). Elles auraient en effet donné leur feu vert pour que le groupe implante son siège à Ouagadougou à des conditions avantageuses. Contactée par Jeune Afrique, l’argentière du pays, Rosine Sori Coulibaly, n’a pas confirmé.

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